Société

Activités périscolaires : un secteur en effervescence entre épanouissement et pression

«Maman, dépêche-toi, je vais rater l’échauffement !» crie Inass, 8 ans, la bouche encore pleine de goûter, en grimpant à l’arrière de la voiture. Ce lundi, comme tous les lundis, direction le cours de danse. Demain, ce sera théâtre. Mercredi, robotique. «Le week-end, on souffle, enfin parfois», glisse sa mère, Kenza, en esquissant un sourire fatigué.

14 Juillet 2025 À 15:00

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«Au départ, je l’ai inscrite à ces activités pour qu’elle passe moins de temps devant les écrans. Je voulais qu’elle bouge, qu’elle crée, qu’elle s’ouvre aux autres. Mais aujourd’hui, j’ai peur de l’effet inverse : qu’on remplisse trop ses journées, qu’on oublie de laisser de l’espace pour respirer», explique Kenza.

Ce quotidien minuté, partagé par de nombreuses familles marocaines, reflète une réalité en pleine mutation : les activités périscolaires ou after-schools explosent à travers le Royaume.

D’abord concentrées dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat ou Marrakech, elles séduisent aujourd’hui un public de plus en plus large, en quête d’un modèle éducatif plus riche et diversifié.

«En cinq ans, nous sommes passés de quelques ateliers isolés à un marché structuré, avec des acteurs multiples et une demande croissante», constate Myriame Ourzik, fondatrice d’un réseau national d’ateliers ludo-éducatifs. «C’est une très belle dynamique, mais elle cache aussi une pression implicite, parfois insidieuse», observe-t-elle.

Car derrière l’image colorée des enfants en tutu, en kimono ou devant un tableau de codage, se dessine une autre réalité.

«Certains enfants arrivent fatigués, voire anxieux. Inass me confiait récemment qu’elle avait mal au ventre les jours de théâtre. Elle avait peur d’oublier son texte», raconte Kenza, visiblement émue. «Je me suis demandé : "Suis-je en train de l’aider à se découvrir ou de lui imposer une course ?”», une interrogation que partage Mme Ourzik.

«On voit apparaître un glissement. Ce qui devait être un espace de plaisir et de créativité devient parfois un terrain de performance. Les parents veulent bien faire, mais l’effet miroir sur l’enfant peut être lourd», rétorque-t-elle.

«Et pourtant, l’offre se diversifie chaque jour entre robotique, potager urbain, yoga, théâtre, art plastique, musique... autant d’activités pensées pour préparer les enfants aux compétences du 21ᵉ siècle. Nous sommes clairement sortis du simple +garde-enfant+. Aujourd’hui, les parents veulent du sens, de la stimulation et un éveil intellectuel», fait savoir la spécialiste.

Mais cet éveil a un coût, selon les villes et le prestige de l’atelier, les familles déboursent entre 500 et 4.000 dirhams par mois pour une ou deux activités hebdomadaires. «C’est un choix qu’on assume, quitte à faire des concessions ailleurs. Je préfère ça à un énième resto ou à un nouveau jouet», souligne Kenza, cadre dans le secteur bancaire.

Du côté des professionnels, l’attrait pour le secteur ne faiblit pas. Franchises, startups, coopératives de jeunes diplômés, les initiatives se multiplient pour structurer un marché en pleine ébullition. «Le potentiel est énorme, mais encore trop informel», alerte Mme Ourzik, notant qu’il faut former, certifier et sécuriser.

Car au-delà des chiffres, c’est bien une vision de l’enfance qui se redessine. «Les after-schools, quand ils sont bien pensés, donnent aux enfants confiance, créativité, et capacité à gérer l’échec, mais il faut que cela reste un plaisir, pas une pression sociale déguisée», conclut-elle.

Dans un pays où la jeunesse représente plus d’un tiers de la population, ce secteur en pleine ébullition appelle à une régulation claire et à un accompagnement structuré afin de garantir un accès équitable et qualitatif à ces nouveaux espaces d’apprentissage.

Par Zineb Bouazzaoui
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