Société

CAN 2025 : quand la fièvre du football fait tourner les affaires au Maroc

Entre cafés bondés, restaurants en pleine effervescence et vitrines de pâtisseries aux couleurs du Maroc, la Coupe d’Afrique des Nations transforme la fin d’année en véritable fête populaire. Mais derrière l’euphorie, la flambée des prix et des services parfois décevants rappellent que tout le monde ne profite pas de la même manière de cette vague footballistique.

25 Décembre 2025 À 17:20

Cette fin d’année, au Maroc, la fête a pris une autre dimension. Aux décorations traditionnelles des vitrines se sont ajoutés les drapeaux africains, les maillots rouges, les ballons de football et les écrans géants. La Coupe d’Afrique des Nations (CAN), organisée au Maroc du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, s’est imposée comme le fil conducteur des fêtes de fin d’année. Bien au-delà des stades, la CAN 2025 s’est invitée dans les cafés, les restaurants, les hôtels, les pâtisseries et jusque dans les rues, transformant le quotidien et les habitudes de consommation.

Cafés, restaurants et hôtels en mode CAN

Dans de nombreuses villes, les jours de match, les cafés sont pris d’assaut. À Casablanca, Rabat, Tanger ou Fès, il faut parfois arriver très tôt pour espérer trouver une place. Les établissements multiplient les écrans, certains réorganisent complètement leurs espaces pour accueillir un maximum de supporters. L’ambiance est électrique, bruyante, festive, mais la pression est forte sur le service.

«La CAN, on ne la prépare pas une semaine avant», explique Youssef, propriétaire d’un restaurant à Casablanca. «Dès l’annonce du calendrier, on a commencé à anticiper. On a investi dans des écrans supplémentaires, testé le son, revu les menus et même formé le personnel à gérer les soirs de forte affluence. On savait que cette fin d’année serait particulière, entre les fêtes et la Coupe d’Afrique. L’objectif, c’était d’être prêts dès le début, parce qu’une mauvaise première impression, ça ne se rattrape pas».

Les prix, eux, s’ajustent à la demande. Dans plusieurs cafés, une simple consommation peut coûter plus cher qu’à l’accoutumée. Certains imposent une consommation minimale, surtout lors des grandes affiches, tandis que d’autres proposent des «formules match» incluant boisson et collation. Pour beaucoup de clients, cela fait partie du jeu. Pour d’autres, la sensation de payer plus pour le même service commence à agacer.

Les restaurants et les hôtels ont, eux aussi, pleinement intégré la CAN dans leur stratégie. Les soirées «visionnage des matchs» se multiplient, avec des menus spéciaux, parfois baptisés du nom de joueurs ou d’équipes emblématiques. Dans certaines adresses, regarder un match peut coûter entre 100 et 150 dirhams, tandis que des formules plus complètes, avec repas et boissons, peuvent grimper à 300, 400, voire 500 dirhams, notamment dans les hôtels.

«Les clients veulent vivre le match autrement, dans une ambiance collective», explique Amine, responsable d’un hôtel à Marrakech. «La CAN, c’est une opportunité, mais aussi une responsabilité».

Quand la promesse ne suit pas toujours...

Cette course à l’offre CAN ne se passe pas toujours sans accroc. Sur les réseaux sociaux, plusieurs clients dénoncent des expériences décevantes, où les promesses affichées ne correspondent pas à la réalité. L’un des témoignages les plus commentés ces derniers jours relate une soirée organisée dans un hôtel à Casablanca. Les participants expliquent avoir payé 150 dirhams pour accéder au visionnage du match, avec la promesse d’un buffet ouvert et d’animations. Une fois sur place, aucun buffet n’aurait été proposé. La majorité des clients n’aurait reçu qu’une bouteille d’eau, tandis que d’autres ont eu droit à une seule petite pâtisserie. Certaines familles, ayant déboursé jusqu’à 1.000 dirhams, disent être reparties sans avoir réellement mangé ni bu. Des récits qui jettent une ombre sur l’euphorie ambiante et posent la question du respect du consommateur.

Les pâtisseries aussi entrent dans le jeu

La fièvre de la CAN touche également les pâtisseries, où les gâteaux et les bûches de fin d’année se déclinent aux couleurs du Maroc et de l’Afrique. Les vitrines exposent des créations décorées de ballons, de drapeaux ou de maillots. Les commandes de gâteaux personnalisés explosent, notamment pour les soirées de match en famille ou entre amis. Là aussi, les prix varient selon le niveau de personnalisation, mais la demande reste forte.

«Cette année, on a commencé à préparer les créations CAN très tôt», explique Nadia, propriétaire d’une pâtisserie à Casablanca. «Les clients viennent avec des idées très précises : des gâteaux aux couleurs du Maroc, des bûches avec des ballons ou même le score du match. Pour les soirées de CAN, surtout quand joue l’équipe nationale, les commandes explosent. C’est beaucoup de travail, mais on sent que les gens veulent célébrer autrement, mêler la gourmandise à la passion du football».

Petits métiers : la CAN comme opportunité

Dans le prêt-à-porter, la tendance est tout aussi visible. Les enseignes locales comme les franchises internationales proposent des collections spéciales aux couleurs nationales. T-shirts, sweats, bonnets et écharpes envahissent les rayons. Dans la rue, la CAN crée également des opportunités économiques temporaires. Vendeurs de drapeaux, de gadgets, de sifflets ou d’accessoires profitent de l’effervescence pour générer des revenus, surtout les jours de match.

«Même si le froid ou la pluie se mêlent à l’effervescence, les clients sont là et ils achètent», raconte Ahmed, vendeur ambulant à Casablanca. «Certains viennent même de loin pour trouver des drapeaux ou des maillots à l’effigie de l’équipe nationale. Cette année, avec la CAN qui coïncide avec la fin de l’année, tout le monde veut montrer ses couleurs. C’est épuisant, surtout à cause du temps pluvieux ces derniers jours, mais on ne peut pas se permettre de rater l’occasion. On fait presque le chiffre d’affaires d’un mois en une semaine».

La Coupe d’Afrique est ainsi en train de devenir un véritable phénomène social. Elle rassemble, crée une atmosphère unique et donne aux fêtes de fin d’année un goût particulier. Mais elle met aussi en lumière certaines dérives, liées à la flambée des prix et à des offres parfois mal encadrées.

Entre enthousiasme populaire et exigences des consommateurs, la CAN 2025 rappelle une réalité simple : la ferveur du football peut tout justifier, sauf la déception. Et si tout le monde cherche à profiter de la vague, les Marocains, eux, attendent surtout honnêteté, transparence et respect.
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