S.Ba.
11 Août 2025
À 15:37
Le Matin : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste précisément l’étude publiée et ce qui en fait une avancée notable ?
Dr Hamza Samlali : Notre recherche porte sur l’association de la radiothérapie externe et de la curiethérapie dans le traitement du cancer de la prostate localisé. Cette combinaison permet une «escalade de dose» – c’est-à-dire une augmentation ciblée de la dose de rayonnement sur la tumeur – tout en préservant les organes sains. C’est la tendance majeure de la dernière décennie : plus la dose est élevée au niveau de la maladie, plus le contrôle à long terme est efficace. Grâce au gradient de dose offert par la curiethérapie, nous pouvons délivrer des doses très importantes sur la zone malade tout en limitant l’exposition des tissus voisins. Nos résultats rejoignent ceux des meilleures équipes internationales, plaçant le Maroc parmi les pays capables de pratiquer cette technique de pointe, particulièrement indiquée pour les cancers localisés à haut potentiel d’agressivité.
Quels sont les avantages concrets de ce traitement combiné par rapport aux approches conventionnelles ?Trois études de référence – anglaise, américaine (Ascend) et canadienne – ont démontré que l’escalade de dose protège mieux les patients à 10 ou 15 ans contre la récidive et, dans certains cas, permet de stériliser la prostate. Par ailleurs, en utilisant des techniques à haut débit de dose, le profil de tolérance pour la curiethérapie à haut débit de dose est meilleur que celui des traitements classiques. Aujourd’hui, la combinaison radiothérapie externe-curiethérapie est considérée comme la meilleure méthode pour atteindre ce niveau de précision et d’efficacité.
Sur quel type de patients cette méthode a-t-elle été testée ?Nous avons traité des patients présentant un cancer de la prostate localisé, sans métastases, mais avec des facteurs d’agressivité : groupes intermédiaires défavorables, haut risque et très haut risque de progression. Ce sont des formes difficiles à traiter par radiothérapie seule, avec un risque de récidive pouvant atteindre 50% à 5 ou 10 ans. Nos résultats confirment que cette technique réduit considérablement ce risque.
Que représente cette publication pour Oncorad Group ?C’est une reconnaissance internationale de la qualité scientifique et méthodologique de notre travail. «Advances in Radiation Oncology»
est publiée par l’ASTRO (American Society for Radiation Oncology), une référence mondiale. Ce succès est le fruit d’un partenariat académique entre Oncorad Group et le CHU de Casablanca, avec le Pr Hassan Jouhadi, figure majeure de la radiothérapie en Afrique du Nord. Cela illustre l’importance des synergies entre structures publiques et privées.
C’est une première pour un centre africain et arabe. Peut-on y voir un tournant pour la recherche clinique dans la région ?
Oui. Ce travail montre qu’il est possible, depuis le Maroc, de publier dans des revues à fort impact et de se hisser au niveau des meilleures équipes mondiales. Nous espérons que cela inspirera d’autres équipes en Afrique et dans la région Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA) à s’engager dans des projets de recherche ambitieux et collaboratifs.
Cette technique est-elle déjà intégrée dans vos protocoles de soins ? Est-elle reproductible ailleurs ?
Elle est déjà pratiquée dans trois de nos centres au Maroc, dont celui de Tanger, et plusieurs dizaines de patients en ont bénéficié. Elle est tout à fait reproductible dans des pays à ressources limitées ou intermédiaires. Nous sommes ouverts à partager notre expérience avec d’autres structures en Afrique et au Moyen-Orient.
Quelles sont les prochaines étapes de vos recherches ?
Nous travaillons sur la curiethérapie de rattrapage pour les patients en récidive après radiothérapie externe conventionnelle. Plusieurs d’entre eux ont déjà obtenu une rémission prolongée. Par ailleurs, notre étude sur la technique combinée est devenue multicentrique au sein d’Oncorad, ce qui renforcera encore la valeur scientifique de nos travaux. Nous prévoyons de nouvelles publications dans les mois et années à venir.
Qu’est-ce que la curiethérapie ?
La curiethérapie est une technique de traitement du cancer qui consiste à placer directement à l’intérieur ou au contact de la tumeur une source radioactive. Dans le cas du cancer de la prostate, de fins applicateurs sont insérés de façon ciblée, permettant de délivrer de fortes doses de rayonnement au cœur de la zone malade tout en préservant les organes et tissus voisins.
Il existe deux principaux types de curiethérapie :
• Bas débit de dose : sources implantées en continu pendant plusieurs jours.
• Haut débit de dose : séances courtes et intenses, très précises, limitant les effets secondaires.
Grâce à ce ciblage millimétré, la curiethérapie est aujourd’hui l’une des méthodes les plus efficaces pour traiter certains cancers localisés, notamment de la prostate, du col de l’utérus ou du sein.
La radiothérapie externe expliquée
La radiothérapie externe utilise des rayons à haute énergie produits par un accélérateur linéaire pour détruire les cellules cancéreuses. Les faisceaux sont dirigés depuis l’extérieur du corps, avec un plan de traitement élaboré à partir d’images médicales (scanner, IRM).
Les techniques modernes, comme la radiothérapie conformationnelle ou l’IMRT (Radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité), permettent d’adapter la dose de rayonnement à la forme exacte de la tumeur, réduisant ainsi l’exposition des tissus sains. Lorsqu’elle est associée à la curiethérapie, elle offre un double avantage : traiter la tumeur avec une dose globale plus élevée et améliorer les chances de guérison tout en maintenant un bon profil de tolérance.