LE MATIN
11 Juillet 2025
À 12:35
Sur les
réseaux sociaux, en particulier sur
TikTok, plusieurs centaines de milliers de vidéos de jeunes femmes mettent en avant leurs dernières trouvailles de "dupes" de produits cosmétiques existants.
Fond de teint, rouge à lèvres, crème hydratante ou
produit solaire : ils permettraient d'obtenir le même résultat que leur modèle original, pour près de la moitié du prix. Cousin de la
contrefaçon, "le phénomène est plus subtil et parfois difficile à identifier", déclare à l'AFP
Xavier Guéant, directeur des affaires juridiques de la
Fédération française des entreprises de la beauté (Febea), laquelle a lancé une "alerte" lors de la
journée mondiale anti-contrefaçon. Ces produits, "de plus en plus nombreux" et "de plus en plus populaires chez les jeunes consommateurs", représentent "un risque pour la
santé", affirme-t-il.
En ligne de mire de la fédération : les produits vendus sur les plateformes d'
e-commerce hors
Union Européenne, principalement asiatiques comme
Temu,
Shein ou
AliExpress, et "fabriqués hors de tout cadre réglementaire d'
hygiène ou de contrôle qualité".
Outre le risque
allergène, les produits de "qualité médiocre", peuvent contenir des substances "toxiques", interdites ou dépassant les limites autorisées, ce qui peut représenter "de vrais risques sanitaires", insiste le
Dr Stéphane Pirnay, expert toxicologue et directeur du
laboratoire Expertox.
Il met également en garde contre un risque chimique, certains produits testés contenant régulièrement "des
métaux lourds" ou "des
phtalates", des substances chimiques considérées comme des
perturbateurs endocriniens.
Autre danger repéré : un risque infectieux, certains produits étudiés pouvant contenir de nombreux pathogènes. "On est vraiment étonnés de voir tout ce que l'on peut trouver dans les contrefaçons de manière générale : terre, cailloux, excréments, plumes d'oiseau", énumère M. Pirnay.
Laurence Coiffard, professeure en pharmacie à l'
université de Nantes, dans l'ouest de la
France, spécialisée en
cosmétologie, s'est intéressée aux
produits solaires vendus sur ces plateformes. Avec son équipe, elle a analysé deux produits contrefaits affichant un
SPF 50+, ainsi que quelques dupes. Résultat : "Aucun de ces produits ne contenait en réalité de
filtres UV", révèle-t-elle. "Ils n'apportent donc aucune protection contre les
rayons UV et il y a un grand danger à les utiliser", prévient-elle, alors que l'exposition au soleil est la principale cause des cancers de la peau.
Pour Mme Coiffard, les sites comme Temu ou AliExpress sont "le créneau de vente par excellence" des produits contrefaits ou des dupes "où ils peuvent régner en maître", car commercialisés sans satisfaire aux exigences règlementaires européennes.
Selon une étude publiée par le
Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) en février, plus de 80% des produits testés achetés sur Temu ne respectaient pas la
législation européenne. Pour les
cosmétiques, les plus importants manquements concernaient des listes d'ingrédients manquantes ou erronées, ne permettant pas de savoir ce que contiennent réellement les produits.
"Quand on pratique des prix comme ils le font, on ne peut pas raisonnablement faire les évaluations de sécurité", pointe Xavier Guéant. Et même si des contrôles existent, "le marché est tellement énorme que les acteurs sont dépassés par l'ampleur du phénomène", ajoute Mme Coiffard.
Avec T
ikTok shop, qui permet de faire des achats directement dans l'application, Xavier Guéant craint que ce lien plus direct entre vendeur et acheteur ne bénéficie aux dupes et contrefaçons.
Avec la
Febea, il appelle à renforcer le cadre juridique pour "clarifier les zones grises" et à augmenter les moyens dédiés aux contrôles.