Hajjar El Haïti
16 Décembre 2024
À 17:04
Parmi les sujets phares abordés dans le
Rapport annuel de la Cour des comptes figure une analyse approfondie du système de régulation et de
contrôle de l’enseignement supérieur privé au Maroc. Ce secteur, en pleine effervescence, affiche une croissance notable avec 196
établissements recensés pour l’année académique 2022-2023, dont 67 intégrés à 10 universités privées. Pourtant, derrière cette expansion se cachent des
dysfonctionnements structurels et des défis persistants, freinant son véritable potentiel et limitant son impact sur le système éducatif national.
«La mission de la
Cour des comptes met en évidence une croissance significative du secteur depuis deux décennies. Le nombre d’étudiants inscrits est passé de 10.146 en 2000 à 66.817 en 2023, accompagné par une diversification des filières et des partenariats avec l’État. Toutefois, on note un ralentissement du rythme de croissance annuelle, passant d’un taux moyen de 13% entre 2000 et 2010 à seulement 5% entre 2010 et 2023», indique la
Cour dans son Rapport, soulignant l’absence d’une vision stratégique claire pour le secteur. «Aucun objectif spécifique ni
plan d’action périodique n’ont été élaborés pour assurer un développement cohérent et mesurable du secteur de
l’enseignement supérieur privé».
Des insuffisances dans la régulation et le contrôle
La Cour affirme, en outre, que la conception et le déploiement du
système de contrôle de ce secteur présentent plusieurs écarts par Rapport aux bonnes pratiques internationales. Par exemple,
l’Agence nationale d’évaluation et d’assurance qualité de l’enseignement supérieur (ANEAQ) reste sous la tutelle administrative du ministère chargé du secteur, limitant son rôle à une fonction consultative. «Elle ne dispose pas des prérogatives nécessaires, comme l’octroi ou le retrait des autorisations, l’accréditation ou la reconnaissance des établissements privés», lit-on dans le Rapport. Et d’ajouter que «le cadre juridique actuel se révèle également incomplet. De nombreux
textes d’application restent en suspens, tandis que ceux en vigueur ne couvrent pas toutes les dimensions essentielles du secteur. En parallèle, le partenariat entre l’État et certains établissements privés manque de clarté, nécessitant une redéfinition pour garantir une collaboration plus efficace». Par ailleurs, le système de contrôle n’est pas soutenu par un
système d’information global et intégré, ce qui complique le suivi des établissements et l’évaluation de leur conformité aux normes exigées.
Une mise en œuvre inefficace
Le Rapport pointe aussi la mise en œuvre du système de contrôle qui souffre de multiples lacunes. Ces
insuffisances concernent les phases d’autorisation, d’accréditation, de reconnaissance des établissements, ainsi que le suivi administratif et pédagogique.
Parmi les
anomalies relevées, la Cour des comptes note des délais souvent dépassés pour le
traitement des demandes d’autorisation, ainsi qu’une absence de vérification a posteriori pour s’assurer que les établissements respectent leurs engagements matériels et pédagogiques. De plus, le contrôle administratif et pédagogique ne couvre qu’une faible part des établissements, limitant la détection des anomalies et la mise en œuvre des actions correctives. «Sans oublier le ministère de tutelle qui tarde à appliquer les mesures coercitives prévues par les textes réglementaires pour rectifier les insuffisances et réduire les infractions. Cette inaction nuit à la promotion des bonnes pratiques au sein du secteur».
Face à ces
insuffisances structurelles, la Cour des comptes appelle à une refonte profonde du cadre juridique et institutionnel du système de contrôle et de régulation de l’enseignement supérieur privé. Elle préconise notamment la mise en place d’une instance indépendante pour la régulation et le contrôle du secteur, en alignement avec les standards internationaux et l’élaboration par le ministère d’une vision claire et d’une stratégie formalisée pour le développement du secteur. Le Rapport appelle aussi à renforcer la coordination entre les acteurs impliqués dans l’évaluation et le contrôle et à réviser le régime d’autorisation, de reconnaissance et d’accréditation, ainsi que des
mécanismes de contrôle. Et afin de renforcer l’efficacité du système de contrôle et d'assurer une meilleure qualité et
attractivité du secteur, la Cour insiste sur l’importance d’une application effective des mesures coercitives prévues par les réglementations en vigueur.