Hajjar El Haïti
16 Décembre 2024
À 17:03
Depuis 2015, près de 2.971 millions de dirhams ont été mobilisés pour soutenir la
lutte contre l’analphabétisme, avec la création de l’
Agence nationale de lutte contre l’analphabétisme (ANLCA) et le renforcement de l’appui aux associations partenaires.
Lire aussi : Lancement d’un programme d’alphabétisation fonctionnelle au profit de 500.000 travailleurs rurauxCependant, l’impact escompté peine à se matérialiser. C’est ce qu’affirme la mission de contrôle de la
Cour des comptes, dont les conclusions ont été publiées dans son Rapport annuel la semaine dernière. Ce document met, en effet, en lumière plusieurs insuffisances structurelles et opérationnelles freinant l’éradication de ce fléau.
Des chiffres alarmants
«Malgré une baisse progressive, le taux d’analphabétisme demeure élevé. Plus de 9.240.000 personnes âgées de plus de 15 ans sont encore analphabètes en 2021, soit un taux de 34,2%, contre 47,7% en 2004. Les objectifs initiaux de la stratégie d’alphabétisation, qui visaient une éradication quasi complète d'ici 2015, ont été repoussés à 2029, conformément à la feuille de route adoptée en 2023», souligne le Rapport. Ce dernier critique également l’absence de programmes régionaux adaptés aux spécificités socio-culturelles et aux disparités territoriales. Cette carence empêche une implication optimale des acteurs locaux et compromet l’efficacité des efforts entrepris.
«Entre 2015 et 2023, les programmes de l’ANLCA ont été financés principalement par des subventions de l'État, représentant 84% des ressources, suivies de l’Union européenne (14%). Toutefois, le taux moyen des paiements n'a pas dépassé 29% du total des dépenses engagées, en raison des retards des partenaires de la société civile dans la présentation des documents justificatifs. Cette situation a entraîné une accumulation des restes à payer, qui s’élevaient à 584,58 millions de dirhams en 2022», déplore la Cour des comptes.
L’absence d’un système de classification des associations œuvrant dans le domaine de l’alphabétisation constitue également un obstacle majeur, selon le Rapport qui préconise la mise en place de critères de sélection rigoureux, afin de s’assurer de la compétence des associations partenaires et de garantir leur pérennité.
Des lacunes dans les programmes pédagogiques
Le Rapport critique, par ailleurs l’absence de mise à jour des programmes pédagogiques, pourtant inchangés depuis leur adoption en 2009-2012. Cette situation entrave leur capacité à répondre aux exigences actuelles et à établir des passerelles avec d'autres systèmes éducatifs, comme la formation professionnelle.
En outre, le Rapport pointe du doigt la proportion d’espaces publics dédiés aux formations, qui n’a pas dépassé 18% au cours de l’année 2022-2023. Beaucoup de formations se déroulent dans des lieux inadaptés, tels que des appartements ou des garages, ce qui affecte la qualité des enseignements et l’assiduité des bénéficiaires. Le taux moyen de présence dans les classes d’alphabétisation inspectées entre 2019 et 2022 n’a d’ailleurs pas dépassé 40%.
Des recommandations pour un nouvel élan
Pour remédier à ces dysfonctionnements, le Rapport recommande de conclure un contrat-programme entre l’État et l’ANLCA, définissant des objectifs stratégiques et un calendrier précis. Il appelle aussi à réviser les programmes pédagogiques pour les adapter aux besoins spécifiques des cibles, notamment les personnes en situation de handicap, les jeunes, les commerçants ou encore les détenus. La Cour des comptes insiste aussi sur l’importance de procéder à une classification et une sélection rigoureuse des organisations partenaires, en s’assurant qu’elles disposent des ressources humaines qualifiées. Le Rapport appelle enfin à une meilleure coordination entre les différents acteurs, ainsi qu’à une prise en compte des disparités régionales pour garantir une couverture plus équitable et efficace des programmes d’alphabétisation.