Société

Hausse légère du divorce au Maroc en 2024, 97% des séparations conclues à l’amiable

Le dernier rapport annuel du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) dresse un état des lieux chiffré et précis des affaires de divorce (ṭalâq) et de dissolution judiciaire du mariage (taṭlîq). Bilan : légère hausse des divorces enregistrés, baisse des jugements, et domination très nette du “taṭlîq pour discorde (chiqâq)”.

26 Octobre 2025 À 11:40

Dans son rapport 2024, le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire dresse un panorama détaillé des affaires de divorce (ṭalâq) et de dissolution judiciaire du mariage (taṭlîq). Ces deux régimes juridiques, bien distincts dans la Moudawana, traduisent à la fois l’évolution des pratiques sociales et les dynamiques internes du contentieux familial au Maroc.

Légère hausse des divorces enregistrés, mais moins de jugements

Les tribunaux marocains ont enregistré 40.214 affaires de divorce en 2024, contre 40.028 en 2023, soit une hausse de 0,5 %. En revanche, le nombre de jugements rendus a diminué, passant de 42.546 à 40.771 (-4,2 %), et les dossiers "revenus” de conciliation ont également reculé de 5,7 %. Cette évolution contraste avec la baisse plus marquée observée dans les affaires de taṭlîq (dissolution judiciaire), qui reculent de 3,1 %. Globalement, le CSPJ constate un reflux modéré des jugements familiaux, en partie attribué à la montée en puissance des modes de règlement à l’amiable.

Le consentement mutuel, voie quasi exclusive du divorce

Les chiffres sont sans équivoque : le divorce par consentement mutuel représente 96,83 % des divorces enregistrés en 2024, soit 38.858 cas sur un total de 40.214. Les autres formes de divorce demeurent marginales :
  • Divorce avant consommation du mariage : 1.217 cas (+12,9 %),
  • Divorce révocable : 45 cas (-37 %),
  • Divorce du roi : 8 cas (+33 %).
Cette domination du consentement mutuel traduit un changement de mentalité dans la gestion des ruptures conjugales : les couples préfèrent désormais trancher à l’amiable, dans un cadre judiciaire plus apaisé et encadré par la Moudawana.

En volume, les affaires de taṭlîq (dissolution judiciaire) demeurent plus nombreuses que celles du divorce. En 2024, les tribunaux ont enregistré 107.681 dossiers, contre 111.140 un an plus tôt, soit une baisse de 3,1 %. Le taṭlîq pour discorde (chiqâq) représente à lui seul 97,4 % de ces affaires, confirmant son rôle de mécanisme central pour les couples en conflit prolongé. Les autres formes de dissolution – pour absence, défaut, non-entretien ou serment d’abstinence – ne dépassent pas les 3 % du total.

En additionnant les deux régimes, le CSPJ recense 147.895 affaires de rupture conjugale enregistrées en 2024, contre 151.168 en 2023.

Le taṭlîq pèse près de 73 % de ce total, soit trois fois plus que le divorce. Le ṭalâq, de son côté, représente 27,2 % des dossiers enregistrés.

Derrière ces chiffres, le CSPJ observe une tendance structurelle : le Maroc reste marqué par une forte judiciarisation des ruptures conjugales, mais avec une évolution vers la concertation. La multiplication des consentements mutuels et la baisse des jugements traduisent une recherche croissante de compromis, soutenue par les juges et les conseillers sociaux. Toutefois, les juridictions spécialisées continuent de souligner la difficulté des procédures de notification et de comparution, notamment dans les cas de taṭlîq pour absence ou refus de reprise de vie commune. Ces obstacles procéduraux allongent les délais de jugement malgré la digitalisation croissante des circuits judiciaires.

Miroir de la société marocaine

Au-delà du droit, ces tendances offrent un miroir fidèle de la société marocaine en mutation. Premier constat est que les couples sont plus conscients de leurs droits et de leurs responsabilités. en second lieu, ces données traduisent une prédominance de la culture du dialogue qui s’impose peu à peu dans le règlement des conflits conjugaux. De plus, le Maroc peut se réclamer avoir installé une justice familiale plus accessible et régulée.

Le CSPJ, qui prévoit de renforcer le suivi statistique des affaires familiales, estime que ces dynamiques devraient se poursuivre dans les années à venir, à mesure que la conciliation et la médiation se consolident comme outils centraux de la justice familiale marocaine.
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