Hajjar El Haïti
04 Octobre 2025
À 15:39
Le Matin : Casablanca a abrité, la semaine dernière, la 6e édition de l’International Meeting of the United European Academy (UEA). Quels en ont été les principaux objectifs, et quelles avancées majeures ont été mises en lumière lors de cette édition ?
Pr Abdeljabbar Messoudi : Il s’agit du 6e congrès de l’United European Academy, organisé en collaboration avec la Société marocaine de chirurgie orthopédique et traumatologique (SMACOT).
C’est la première fois que cette manifestation scientifique se tient en dehors de l’espace européen. Ce congrès avait pour objectif de faire le point sur les avancées en chirurgie de remplacement prothétique de la hanche et du genou à l’ère de l’intelligence artificielle (IA) et de la robotique. Il a réuni environ 600 chirurgiens orthopédistes, praticiens et conférenciers, dans un esprit de partage de savoir-faire et de développement de la formation continue.
Quels sont, selon vous, les avantages réels de la robotique pour les patients dans le remplacement de la hanche et du genou ?Ce n’est pas une chirurgie robotique au sens strict, mais une chirurgie standard assistée par le robot «Rebot». Concrètement, le chirurgien reste pleinement impliqué et garde le contrôle total, en commandant et dirigeant chacun des gestes du robot pendant l’intervention.
L’assistance robotisée permet une précision accrue sur certains gestes qui, auparavant, reposaient largement sur l’appréciation subjective du chirurgien. Cela contribue à réduire la variabilité des interventions et à améliorer les résultats pour le patient.
Concernant la planification préopératoire, que peut-on attendre des nouvelles procédures en 3D par rapport aux méthodes classiques en 2D ?Autrefois, la planification préopératoire pour les prothèses de hanche et de genou se faisait à partir de calques appliqués sur les radiographies du patient.
Aujourd’hui, grâce à l’intelligence artificielle, la collecte et le traitement des données radiographiques et scannographiques permettent, via l’impression 3D, de concevoir des prothèses personnalisées, parfaitement adaptées à l’anatomie de chaque patient. Cette évolution améliore la précision chirurgicale et optimise l’adaptation de la prothèse, ce qui se traduit par de meilleurs résultats postopératoires.
Pouvez-vous nous expliquer les avancées récentes en biomécanique des genoux naturels et prothétiques ?La biomécanique du genou est, aujourd’hui, bien connue, grâce aux études cadavériques et, plus récemment, à l’apport de l’intelligence artificielle. Ces avancées ont permis aux industriels de développer des implants capables de reproduire la biomécanique du genou naturel, offrant ainsi aux chirurgiens des solutions mieux adaptées aux mouvements et aux contraintes physiologiques du patient.
Comment évalue-t-on le risque infectieux en préopératoire, et quelles mesures permettent de le minimiser ?La chirurgie prothétique, quelle que soit l’articulation concernée, est une intervention extrêmement rigoureuse, avec une tolérance quasi nulle à l’infection. L’évaluation du risque infectieux commence par un examen clinique complet incluant l’anamnèse et l’examen physique, à la recherche de foyers infectieux tels que caries dentaires, otites, lésions cutanées ou brûlures mictionnelles.Elle est complétée par des examens paracliniques et, surtout, des analyses biologiques visant à détecter d’éventuels marqueurs infectieux. Cette approche permet de diagnostiquer et traiter tous les foyers avant l’intervention, rendant le risque infectieux quasi nul et assurant ainsi la sécurité du patient.
L’intelligence artificielle influence-t-elle déjà la pratique orthopédique ? Quelles sont les applications concrètes aujourd’hui ?Oui. Par principe ou par nécessité, l’intelligence artificielle occupe désormais une place centrale dans les pratiques chirurgicales. En traumatologie et en orthopédie, elle constitue un véritable allié.Elle permet notamment d’optimiser la planification préopératoire à partir des données issues de l’imagerie médicale, améliorant ainsi la précision des gestes chirurgicaux. Pendant l’intervention, elle assiste le chirurgien via la navigation chirurgicale ou la robotique, garantissant un meilleur contrôle et des résultats plus fiables.
Quelles sont les nouveautés prévues pour 2025 en matière d’implants et d’interventions chirurgicales ? Quel bilan tirez-vous des pratiques récentes ?Les implants orthopédiques ont connu une avancée spectaculaire, notamment dans le choix des alliages métalliques utilisés. La conception et le design des prothèses sont devenus des enjeux majeurs pour proposer des modèles adaptés aux gabarits et morphotypes des patients.
Au Maroc, la chirurgie assistée par robot en traumatologie orthopédique est en phase de préparation, avec une priorité accordée à la formation des praticiens. À ce jour, aucune intervention de remplacement prothétique assistée par robot n’a été réalisée dans le Royaume, contrairement à d’autres spécialités comme l’urologie ou la gynécologie, qui ont déjà intégré cette technologie.
Parmi les principaux freins à son déploiement figurent le coût élevé de l’équipement, les contraintes logistiques, et la nécessité de disposer de ressources humaines qualifiées, formées et encadrées pour une utilisation sécurisée et efficace.