Rentrée scolaire : les librairies indépendantes appellent à la solidarité
L’Association des librairies indépendantes du Maroc et les éditeurs marocains du Collectif de la nouvelle édition marocaine invitent les parents d’élèves à se montrer responsables et solidaires envers les professionnels du livre au Maroc, en ayant recours aux librairies pour acheter les manuels scolaires.
Fadwa Misk
13 Juillet 2025
À 12:30
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L’année scolaire n’est pas encore finie que l’épouvantail de la rentrée donne des cauchemars aux parents. S’il est évident que les coûts du redémarrage scolaire pèsent lourd sur le budget des ménages, il est essentiel de garder à l’esprit que chaque achat en librairie compte pour préserver un écosystème culturel déjà bien fragilisé. C’est en ce sens que l’Association des librairies indépendantes du Maroc (Alim) prend de l’avance pour alerter les parents d’élèves et faire appel à leur conscience, en lançant une initiative de solidarité. Soutenue par le Collectif de la nouvelle édition marocaine, qui compte des éditeurs engagés en faveur de la chaîne du livre, l’association rappelle que «faire ses achats en librairie n’est pas un simple acte de consommation – c’est un geste de solidarité culturelle».
Des pratiques honteuses
À part quelques librairies, que l’on peut compter sur les doigts d’une main et qui ne vendent que de la littérature, la majorité subsiste grâce aux revenus générés par le livre scolaire, vendu lors de la rentrée. Ce fonds-là leur permet de maintenir l’activité, de renouveler leur stock, de payer leurs charges et, dans le meilleur des cas, de répandre le savoir et la connaissance à travers des actions d’animation.
Mais cette manne devient de moins en moins certaine, en raison de deux phénomènes préoccupants. Il y a d’abord le problème de la vente directe opérée soit par les distributeurs à grande échelle, soit par certains éditeurs, sous couvert de partenariats éducatifs. Cette pratique révèle une absence d’engagement envers le dernier, mais non moins important, maillon de la chaîne du livre. Ce qui ne grandit pas les autres acteurs de la chaîne.
Le second fléau est celui du piratage, qui sévit en toute impunité et explose grâce à la numérisation de la vente. Il suffit aujourd’hui aux pirates de créer un site web, ou même un simple compte Instagram, pour écouler leurs produits, nuisant ainsi à l’ensemble de la chaîne du livre.
Dans un pays où le réseau des librairies s’appauvrit en permanence, abandonner à leur sort les rares structures qui résistent revient à signer leur arrêt de mort. En l’absence d’initiative sérieuse et sévère du gouvernement, les libraires préfèrent s’adresser directement aux parents pour les convaincre de ne pas les court-circuiter.
Pour une chaîne solide
Le Collectif de la nouvelle édition marocaine se compose des maisons «Africamoude», «Bouillon de Culture», «En toutes lettres», «Kulte», «Le Sélénite», «Maha», «MEA», «Onze», «Sarrazines» et les «Éditions du Sirocco». En s’associant aux libraires, les éditeurs du Collectif prennent leurs distances avec les pratiques de certains de leurs confrères. Ce geste responsable, loin d’être un simple acte de bravoure, met en lumière la fragilité d’un système qui pénalise l’ensemble des professionnels du livre. L’appel à la conscience citoyenne des parents d’élèves peut sembler donquichottesque, mais il peut produire des effets étonnamment puissants pour l’ensemble des acteurs du livre.
On ne rappellera jamais assez que chaque fermeture de librairie est une perte pour l’accès à la culture et à la diversité. Car une société sans réseau vivant de librairies, c’est une société où les idées circulent moins, où la pensée se délite. Reste à espérer que les parents agissent avec conscience dans un écosystème où le capitalisme prime les valeurs...