LE MATIN
08 Août 2025
À 14:59
L’étude, signée par Par Wafaa Harfaoui, Mustapha Alilou, Ahmed Rhassane El Adib, Mehdi Lekehal, Ayoub Bounsir, Lahcen Belyamani et Majdouline Obtel,
synthétise trois travaux majeurs menés entre 2019 et 2024. Publiée dans la revue médicale "
Cureus", cette étude montre que la consultation pré-anesthésique est passée de 47 % en 1999 à 65,6 % en 2021. Les produits obsolètes, tels que l’halothane, ont disparu au profit du propofol (92 %) et du sévoflurane (75,2 %). La surveillance standard (ECG, tension, SpO₂, capnographie) est désormais appliquée à 100 % des patients, et les check-lists de sécurité sont utilisées dans près de 90 % des interventions.
... mais des carences qui coûtent cher
Près de la moitié des infirmiers anesthésistes ne bénéficient pas de formation continue, un déficit qui pèse directement sur la qualité des soins. Seuls 58,8 % des blocs opératoires disposent d’une salle de surveillance post-interventionnelle, augmentant le risque de complications graves après l’opération. L’absence quasi systématique de monitorage neuromusculaire expose les patients à des faiblesses résiduelles dangereuses.
À ces failles techniques s’ajoutent des obstacles structurels : un déficit alarmant de professionnels – 658 anesthésistes-réanimateurs pour tout le pays, loin des 20 pour 100.000 habitants préconisés par l’OMS –, une concentration des moyens dans les grandes villes, et un budget santé plafonné à 6-7 % des dépenses publiques, bien en dessous des 12 % recommandés.
Un cadre légal flou et inadapté
La loi 43-13 impose la présence effective d’un anesthésiste pour tout acte, mais ne définit pas clairement les délégations possibles aux infirmiers anesthésistes. Cette imprécision, aggravée par l’absence de décrets d’application depuis 2016, fragilise l’organisation des soins. À l’international, la France encadre strictement cette profession, tandis que plusieurs États américains autorisent une autonomie complète des infirmiers anesthésistes.
Une réforme sanitaire à saisir comme levier
Les auteurs voient dans la réforme en cours – lois-cadres 09.21 et 06.22, généralisation de la couverture médicale et objectif de recruter 90.000 professionnels de santé d’ici 2025 – une occasion unique de corriger ces défaillances. Mais ils avertissent : sans investissements ciblés, gouvernance renforcée, formation interprofessionnelle obligatoire et équipement complet des blocs, les ambitions risquent de rester théoriques.
Pour les signataires, la sécurité anesthésique ne relève pas uniquement des anesthésistes. Elle nécessite l’implication des ingénieurs biomédicaux, psychologues, juristes, décideurs politiques et patients dans une stratégie intégrée. Cette approche, estiment-ils, est la seule capable de garantir à chaque Marocain un accès sûr et équitable à l’anesthésie.
En filigrane, le rapport sonne comme un avertissement : sans action rapide et coordonnée, les acquis pourraient être éclipsés par les failles, au détriment de vies humaines.
Les 7 constats majeurs du rapport
- 65,6 % de consultations pré-anesthésiques (contre 47 % en 1999)
- 92 % des actes réalisés avec du propofol et 75,2 % avec du sévoflurane
- 100 % des patients surveillés selon les standards internationaux
- 45 % des infirmiers anesthésistes sans formation continue
- 58,8 % seulement des blocs équipés d’une salle de surveillance post-opératoire
- 658 anesthésistes-réanimateurs pour tout le pays (OMS : 20/100.000 habitants)
- Budget santé : 6-7 % des dépenses publiques (OMS : 12 %)