Société

Drame de Imane : combien de victimes encore avant une vraie protection contre la violence ?

« Je préfère voir les cicatrices sur mon visage plutôt que de le revoir », confie Imane, 26 ans, mère d’un petit garçon. Elle parle de son ex-mari, qu’elle désigne également comme son violeur. Selon son récit, il l’a agressée avec une arme blanche, la blessant grièvement avant qu’elle ne soit transportée d’urgence à l’hôpital de sa ville, Taza, pour y subir une lourde opération. Son visage, marqué par 130 points de suture, reste le témoin de la violence qu’elle a endurée. Aujourd’hui, son vœu le plus cher est de retrouver un visage que son fils puisse regarder sans peur et sans détourner les yeux. Mais son histoire soulève une question brûlante : combien de temps encore faudra-t-il attendre pour garantir aux femmes une protection réelle et efficace au Maroc ?

A male hitting on a female, the concept of domestic violence against women

26 Septembre 2025 À 12:43

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Le récit d’Imane, 26 ans, mère d’un petit garçon de quatre ans et demi, a suscité une vague d’indignation et transformé la ville de Taza en symbole de colère. Selon ses propos, son ex-mari, qu’elle avait dénoncé pour viol en 2021, l’a replongée dans un cycle de violence dont elle porte encore les traces. Son visage, marqué par 130 points de suture, illustre l’horreur de ce qu’elle a vécu et révèle un drame qui dépasse son histoire personnelle pour interpeller tout un pays.

D’après la déclaration détaillée qu’elle a confiée à la presse, l’histoire remonte à 2021, lorsque son agresseur avait été condamné à cinq ans de prison pour le viol qu’elle avait subi et qui avait entraîné une grossesse. Soucieuse de donner un statut légal à son fils, elle avait retiré sa plainte, ce qui avait réduit la peine à un an. À sa sortie de prison, elle avait accepté de l’épouser, espérant offrir à son enfant la stabilité d’un foyer. Mais cette décision s’est révélée être un véritable piège : coups, humiliations et menaces sont rapidement devenus son quotidien. À quatre reprises, elle avait entamé une procédure de divorce avant de se rétracter sous la menace. « Si nous divorçons, je me vengerai de toi », lui répétait-il sans relâche, raconte-t-elle. Finalement, alors qu’il purgeait une nouvelle peine de prison pour violence, elle a trouvé la force de mettre fin à ce lien destructeur et a obtenu le divorce, persuadée qu’elle pouvait enfin tourner la page.

Mais le cauchemar ne s’est pas arrêté là. Dans son récit, Imane confie que la violence s’est même intensifiée après la séparation. Les jours qui ont précédé l’agression ont été marqués par la peur et le harcèlement. « Il m’a kidnappée, m’a emmenée chez lui, m’a violée et battue avant de me couper les cheveux », témoigne-t-elle. Après cet épisode, elle a déposé plainte et fourni un certificat médical, ce qui a permis de transmettre l’affaire à la justice. « Quelques jours plus tard, alors que je revenais du tribunal, il est revenu chez moi », poursuit-elle. « Il m’a attrapée par le cou et m’a attaquée au visage avec une arme blanche. Il m’a frappée de la mâchoire jusqu’à l’oreille, puis sur tout le visage. J’ai eu l’impression d’étouffer, je ne pouvais même plus crier ».

Imane raconte que tout s’est déroulé en quelques minutes et que son visage en est ressorti méconnaissable. Transportée d’urgence à l’hôpital, elle a été opérée par quatre médecins pour sauver ce qui pouvait l’être. « Lorsque j’ai ouvert les yeux et que j’ai aperçu mon reflet dans le miroir, j’ai été saisie d’effroi. Mon visage était recouvert de 130 points de suture, je n’arrivais pas à croire que cela m’était arrivé », confie-t-elle. Elle se souvient de la réaction de son fils, resté muet face à ses blessures. « Il ne me parle plus, il ne vient plus dans mes bras, il détourne même le regard », dit-elle.

L’agresseur a été arrêté et une enquête judiciaire a été ouverte, assure-t-elle.

Au-delà des réactions.... des actions

L’affaire a suscité une onde de choc sur les réseaux sociaux, où le hashtag #Koulouna_Imane s’est imposé parmi les plus partagés. Des milliers de messages, venus de femmes mais aussi d’hommes, réclament une sanction exemplaire. Certains vont jusqu’à demander " la peine de mort" pour l’auteur de cette agression.

Dans un communiqué, le Réseau de la Ligue Démocratique pour les Droits des Femmes (LDDF-INJAD) dénonce « un acte atroce » et « une violation flagrante » des droits fondamentaux des femmes et exprime sa pleine solidarité avec Imane et son fils . L’organisation « appelle à des poursuites judiciaires exemplaires », conformément à la loi 103-13, pour éviter la répétition de telles tragédies », et réclame « la mise en place immédiate de mesures de protection et de prise en charge. Entrée en vigueur en 2018, cette loi relative à la lutte contre la violence faite aux femmes est fortement critiquée par les associations des droits des femmes qui appellent notamment à un ajustement des procédures d’application. Elles déplorent également un suivi des mesures de protection difficile et insuffisant, manquant aussi des moyens pour imposer un traitement psychologique aux condamnés.

En attendant, tout ce que souhaite Imane maintenant, « c’est que mon visage redevienne comme avant – ou au moins qu’il s’améliore un peu – pour que je puisse sortir dans la rue et que mon fils retrouve le courage de m’embrasser. »
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