Amine El Amri
01 Février 2024
À 18:22
Treize mois après avoir offert au
Maroc l’une des plus grandes joies de son histoire récente, en réalisant un exploit inégalé en
Coupe du monde, l’
équipe nationale de football a plongé l’ensemble des
Marocains dans la mélancolie, en se faisant éliminer dès les huitièmes de finale de la
Coupe d’Afrique des Nations. Un retour sur terre brutal, qui a fait ressortir les démons d’un passé récent et ramené sur la table les principales problématiques auxquelles sont confrontés les
Lions de l’Atlas à chaque participation à l’international.
L’euphorie post-Mondial n'a que trop duré
Tout d’abord, la gratitude du public marocain envers son équipe nationale, pour ce qui a été réalisé en novembre-décembre 2022, est éternelle et ne saurait être effacée de la mémoire collective. Cependant, la période après la Coupe du monde a été teintée de festivités qui ont duré jusqu’en mars, voire juin 2023. En soi, célébrer les bonnes prestations n’est pas un mal. Mais au lieu de concentrer ses efforts sur le maintien d’un certain niveau d’exigence, la priorité a été donnée au fait de louer les acteurs d’une épopée légendaire, de se «gargariser».
Les choix tactiques obstinés de Regragui
Bien que le système de jeu prôné par Walid Regragui a porté ses fruits pendant le Mondial, il était clair que le coach et son staff manquaient d’alternatives tactiques. Même pour les observateurs les moins aguerris, il était évident que les Lions de l’Atlas jouaient sur une seule et unique partition : le fameux 4-1-4-1. Il est donc normal que des techniciens chevronnés de la trempe d’Hugo Broos ou Sébastien Desabre aient trouvé rapidement la solution pour contrer un système de jeu facilement lisible. Acculé à se réinventer, Walid Regragui a changé de système lorsque l’Afrique du Sud a inscrit son premier but. Mais il était déjà trop tard pour bien faire.
Lions de l'Atlas : La priorité au groupe, avant le mérite
En dépit des nombreux changements opérés sur l’effectif entre la Coupe du monde et la Coupe d’Afrique (11 au total), Walid Regragui a toujours fait confiance aux mêmes joueurs, lorsqu’il s’agissait de confectionner son 11 de départ. Un choix qui s’est manifesté par la titularisation de Noussaïr Mazraoui en huitième de finale face à l’Afrique du Sud, malgré le fait que le latéral n’a disputé aucune minute depuis sa blessure mi-décembre. Ce serait naïf de penser qu’un entraîneur de football ne se base pas sur un groupe établi et les discours sur le mérite ont souvent un rôle de communication. Ni plus, ni moins.
L’absence d’une structure professionnelle autour de l’équipe nationale
Depuis le départ de Noureddine El Bouchehati début 2016, le poste de responsable de la commission des équipes nationales est resté vacant. Si les Marocains peuvent se targuer d’avoir des infrastructures aux normes mondiales, la gestion de l’équipe nationale ne respecte pas de process moderne. En Italie (Gianluigi Buffon), en Égypte (Hazem Emam), aux Pays-Bas (Nigel de Jong)... ce poste est naturellement occupé par un ancien international, mais pas toujours. Dans le descriptif du poste, on trouve l’exigence sur les capacités de leadership, de communication et de coordination. Au Maroc, ces rôles sont souvent occupés par une ou deux personnes, et donc humainement impossible à assumer pleinement.
La démesure dans les rangs des supporters et des médias
Le football déchaine les passions et recale presque systématiquement les autres débats de société au second rang. Au Maroc, les supporters n’ont souvent d’autres choix que d'être scotchés devant leurs écrans lorsque l’équipe nationale joue. Du coup, l’euphorie prend souvent le dessus lorsque la joie est là, mais la déprime n’est jamais très loin. Cette soif de victoires, aussi peu signifiantes soient-elles, appâte la majorité des médias, qui versent dans les critiques/louanges, au lieu de privilégier l’analyse rationnelle et de maintenir un niveau d’exigence avec comme but de relever les standards.
Il est presque impossible de penser que ces maux, et bien d’autres, qui entravent la bonne marche du football national, puissent se dissiper comme par magie. En revanche, la claque reçue à la CAN 2023 devrait servir de point de départ, à moins de deux ans de la prochaine CAN, que le Maroc abrite. L’avenir nous dira si les leçons ont été retenues.