Société

Séisme d’Al Haouz : cette étonnante capacité psychologique des victimes

Ils gardent le sourire, s’amusent, jouent...Même après avoir tout perdu, de nombreuses victimes du séisme d’Al Haouz font montre d’une incroyable résilience. Dans les villes où l’impact était sans commune mesure, plusieurs personnes sont encore sous le choc. Ce qu’en dit Mohcine Benzakour, psychosociologue.

Ph. Saouri

24 Septembre 2023 À 16:22

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Lorsque la terre tremble, elle secoue bien plus que des bâtiments. Le séisme d’Al Haouz a, en effet, provoqué un choc émotionnel important chez de nombreux Marocains. Peur, panique, stress, agitation... plusieurs personnes ne s’en sont pas encore remises. Elles n’arrivent toujours pas à assimiler l’ampleur et la brutalité de la catastrophe et appréhendent de nouvelles secousses.

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Tandis que d’autres, particulièrement les victimes qui ont été directement touchées par la catastrophe, font preuve d’une résilience impressionnante que les citadins ont du mal à comprendre. Malgré la gravité de la situation, la perte des proches et de leurs foyers, ces braves gens arrivent à garder le sourire et se montrent forts, satisfaits, tranquilles... des hommes qui jouent et s’amusent comme des enfants, des femmes qui font la cuisine et invitent toutes les personnes qui se rendent à leurs villages, des garçons et des filles qui courent joyeusement... Certains disent même qu’ils sont contents que le séisme ait frappé leur région et non pas les grandes villes, car ils n’auraient pas pu aider de la même façon.

Mais comment peut-on expliquer la sérénité dont ces gens font preuve, alors que de nombreuses personnes dans les villes sont toujours sous le choc ?

Mohcine Benzakour, psychosociologue, estime que des facteurs psychologiques et sociologiques expliquent la différence entre la mentalité de ceux qui ont vécu le séisme et ceux qui ont ressenti uniquement les secousses. «Pour l’aspect psychologique, les personnes qui ont été lourdement affectées montrent une certaine résilience. C’est une capacité psychologique ou une compétence qui consiste pour un individu qui a vécu un traumatisme, en l’occurrence le séisme, à prendre acte de cet événement, et accepter ce qui s’est passé avec toutes les difficultés, de façon à ce qu’il puisse dépasser rapidement ce malheur et se reconstruire», indique-t-il. «Concernant l’aspect sociologique, on sait que les populations qui vivent dans les montagnes ont appris depuis toujours à vivre dans des situations précaires, surtout en hiver quand il neige. Ces gens ont appris à s’adapter avec leur environnement et à l’accepter même si les conditions de vie y sont très difficiles. Tandis que les citadins sont sous l’emprise d’un esprit de consommation, qui leur apporte un certain confort. C’est pourquoi beaucoup ont été tétanisés en ressentant les secousses du séisme ; ils réalisent que leur confort n’est pas éternel et que tout peut se terminer à n’importe quel moment. C’est aussi la raison pour laquelle on voit encore certaines personnes en ville dormir à la belle étoile, même si plusieurs jours se sont écoulés depuis la catastrophe et qu’il n’y a plus de secousses», développe le psychosociologue. Ce dernier souligne que le séisme d’Al Haouz nous a permis de réaliser encore une fois «le fossé» entre les populations dans les zones enclavées et en ville. «Le Maroc poursuit malheureusement son développement à deux vitesses, des personnes qui vivent dans une situation précaire et des conditions très dures, mais demeurent pourtant fortes et généreuses, et d’autres qui vivent plutôt dans le confort et qui sont secouées par la moindre menace».

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