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Schizophrénie : la souffrance quotidienne des malades et de leurs familles

La schizophrénie fait souffrir en silence des millions de patients et leurs familles dans le monde, souvent isolés et sans véritable soutien de la part des systèmes de santé. La question de la prise ne charge de ces malades se pose dès lors avec acuité. Et le Maroc ne fait pas exception. Lors du dernier colloque organisé par la Fédération nationale pour la santé mentale, Dr Hachem Tyal a souligné l’urgence d’agir à travers la mise en place de structures de réhabilitation psychosociale afin d'offrir un véritable espoir de réintégration aux schizophrènes. Pour ce spécialiste, il est primordial de procéder à une réforme globale du système de soins psychiatriques au Maroc. Mieux encore, Dr Tyal estime qu’il est grand temps de repenser notre approche de la santé mentale pour garantir à ces patients le soutien qu’ils méritent.

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La schizophrénie, bien qu'étant l'une des pathologies psychiatriques les plus courantes, continue de susciter peur et incompréhension au Maroc comme ailleurs. Pire encore, les personnes souffrant de maladie très invalidante, souvent entourée de tabous, font l’objet d’une forte stigmatisation au sein de notre société. Par conséquent, elles se retrouvent souvent isolées, voire ostracisées, leurs familles étant leur seul soutien, mais ces dernières sont souvent excédées et lasses aussi bien moralement que physiquement. Face à ce tourment, la sensibilisation, la mobilisation et la mobilisation collective sont plus que nécessaires. D’où la pertinence du Colloque national organisé le 23 novembre dernier à la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca par la Fédération nationale pour la santé mentale, sous la présidence du Dr Hachem Tyal.

Cet événement a permis de souligner l'urgence d’une meilleure compréhension de cette maladie et de l’amélioration de ses conditions de sa prise en charge au Maroc. Ayant réuni des experts, des psychiatres, des infirmiers spécialisés en psychiatrie, des psychologues cliniciens, ainsi que des décideurs, des associations de parents et amis de personnes atteintes de troubles mentaux, et des associations d'usagers de la psychiatrie, ce Colloque traduisait une volonté collective d’agir pour atténuer la souffrance des malades et de leurs familles. C’était en quelque sorte un cri de détresse de la Fédération nationale pour la santé mentale face aux défis posés par la schizophrénie et au premier rang desquels il y a la stigmatisation.

La stigmatisation, la bête noire des malades

Dr Hachem Tyal, psychiatre et psychanalyste, souligne en effet que cette maladie engendre un problème majeur pour les patients et leurs familles : leur incompréhension totale par la société, ce qui mène à une stigmatisation sociale difficile à vivre. Il ajoute dans le même sens que la schizophrénie suscite la peur et le rejet, ce qui engendre une souffrance supplémentaire pour les patients, qui se retrouvent non seulement confrontés à des symptômes perturbants, mais aussi au rejet de la société : «Les schizophrènes vivent très mal ce rejet. C’est une douleur immense, car ils subissent déjà les effets de la maladie sans que la société les soutienne. Elles sont souvent ignorées, mises à l’écart, et cela rend leur situation encore plus difficile», regrette-t-il.
Pour lui, cette stigmatisation, qu'elle prenne la forme de préjugés, de discriminations ou de marginalisation, est universellement reconnue comme un obstacle majeur à une prise en charge adéquate. Dr Tyal insiste sur la nécessité de mettre fin à ces pratiques d’autant que «Les personnes atteintes de schizophrénie ne l’ont pas choisie. Elles ont besoin d’aide et de soutien, et non de jugement.» Briser ce tabou et offrir un soutien moral et social solide aux patients est donc un enjeu fondamental.

L’accès aux soins : un enjeu majeur

Autre enjeu non moins important, l’accès aux soins. D’après Dr Tyal, la schizophrénie se manifeste généralement dès un âge jeune, souvent autour de 17 ans. À cet âge, des signes inquiétants peuvent apparaître, comme des comportements étranges, des discours incohérents ou des hallucinations. Cette phase de la maladie peut être particulièrement déroutante, tant pour l’entourage que pour le patient lui-même, car ces symptômes sont souvent mal interprétés ou difficiles à comprendre. «Ces symptômes sont souvent mal interprétés, et le déni familial peut retarder le diagnostic», déplore-t-il.
En effet, ce spécialiste explique que le déni est une réaction fréquente dans les familles qui refusent d’accepter qu’un des leurs souffre d’une maladie mentale. Or, ce retard dans le diagnostic aggrave la situation : «Sans traitement adéquat, la maladie empire, ce qui rend plus difficile ultérieurement les soins, sans parler des complications supplémentaires que le retard de diagnostic peut entraîner», ajoute-t-il. Mais au-delà de ce retard dans le diagnostic, l'accès limité aux soins psychiatriques demeure problématique en raison de leur coût élevé. «Les hospitalisations en milieu psychiatrique public répétées, leur accompagnement psychologique extra-hospitalier et les consultations psychiatriques multiples, indispensables pendant de nombreuses années, représentent une charge financière considérable pour la plupart des familles», souligne-t-il. «Quant aux rares établissements privés, ils sont très coûteux, en raison de la nécessité d’avoir des équipes pluridisciplinaires comprenant des psychologues, des ergothérapeutes, des éducateurs et des infirmiers spécialisés en nombre plus élevé que dans les autres cliniques non psychiatriques», renchérit-il, évoquant à ce titre la clinique Villa des Lilas qu’il dirige.
Au problème du coût s'ajoute la difficulté d'accès aux structures de soins psychiatriques, insuffisantes, voire inexistantes, dans certaines régions du Maroc. En conséquence, de nombreuses familles se retrouvent contraintes de gérer la maladie de leurs proches à domicile, même si une hospitalisation est indispensable. Ce manque d'infrastructures adaptées et l'inaccessibilité financière créent une inégalité d'accès aux soins, rendant la prise en charge de la schizophrénie particulièrement inabordable pour de nombreuses familles marocaines.

Plaidoyer pour des centres de réhabilitation psychosociale de proximité

Face à ces défis, des solutions doivent être trouvées. À cet égard, Dr Tyal, en tant que président de la Fédération nationale pour la santé mentale, milite pour la mise en place de structures de réhabilitation psychosociale de proximité. Rappelant que la prévalence des troubles mentaux, dont la schizophrénie, devance celle des maladies comme le diabète, les maladies cardiovasculaires ou même le cancer, l’expert insiste sur la nécessité d’une prise en charge adéquate. «Il est donc essentiel de mettre en place des centres de réhabilitation psychosociale pour aider les patients à récupérer leurs compétences cognitives perdues à cause de la maladie et leur offrir une chance de retrouver l’équilibre nécessaire pour réintégrer la vie professionnelle et sociale, car c'est possible !», insiste-t-il.
Ces centres, actuellement peu nombreux au Maroc, sont considérés comme des solutions nécessaires pour améliorer la prise en charge de ces patients. «Ces centres doivent non seulement fournir un accompagnement médical aux patients, mais aussi constituer des lieux dédiés aux familles, afin qu'elles puissent échanger entre elles. Il devrait y en avoir au moins un par préfecture, la notion de proximité étant essentielle pour la pérennité de tels projets.»

Selon lui, il est fondamental que les proches puissent être formés pour mieux gérer la maladie au quotidien, car cela améliore la qualité de vie des patients et de leurs familles, et permettrait de réduire la fréquence des hospitalisations.
Dans cette optique, la Fédération nationale pour la santé mentale a mis en place un programme intitulé Pro-famille, destiné à aider les familles à mieux comprendre la schizophrénie et à savoir comment gérer les situations difficiles qui ne sont pas rares dans l’itinéraire de vie d’une personne souffrant de schizophrénie. «Ce programme pourrait marquer une avancée majeure pour améliorer la prise en charge des troubles psychiques au Maroc», espère-t-il tout en insistant sur l'importance de briser le tabou autour de la schizophrénie et de lutter activement contre la stigmatisation : «Les patients schizophrènes doivent être considérés comme des personnes malades, et non comme des parias». Ce changement ne pourra se faire que si la société dans son ensemble se mobilise pour offrir à ces patients une prise en charge digne et humaine.
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