Chroniques

Nouvel an Amazigh : le renouveau de l’amazighité dans l’esprit de la Constitution (Tribune)

Pour Rachid Raha, président de la Fondation David M. Hart des études amazighes et de l’Assemblée mondiale amazighe, la reconnaissance du Nouvel An Amazigh comme fête nationale officielle et journée fériée payée est d’une symbolique très profonde qui consacre et rétablit le renouveau de l’amazighité, conformément à l’esprit et à la philosophie de la Constitution et en harmonie avec les discours du Chef de l’État, Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

14 Janvier 2024 À 11:03



Du Roi pharaonique Sheshonq au Roi Mohammed VI : le Maroc se réconcilie avec son histoire plurimillénaire par l’instauration des festivités officielles de la nouvelle année amazighe 2974

Le Royaume du Maroc et son peuple, à travers ses diverses institutions, sa société civile aux quatre coins du pays et à travers sa diaspora euro-américaine, célèbre de manière officielle et pour la première fois de son histoire, le Nouvel An amazigh 2974, à la suite de la sage Décision Royale annoncée le 3 mai dernier et à travers laquelle Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a instauré le Jour de l’An amazigh comme jour férié national officiel payé.



Le Souverain a en effet donné ses Hautes Instructions au Chef du gouvernement pour prendre les dispositions nécessaires en vue de mettre en œuvre cette historique décision, tout en mettant l’accent sur la place de «l’Amazigh en tant que composante essentielle de l’identité marocaine authentique, riche par la pluralité de ses affluents, et patrimoine commun à tous les Marocains sans exception». Déjà, à l’occasion de la célébration de l’anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le 20 août 2021, Sa Majesté le Roi avait rappelé à juste titre que : «Le Maroc est visé du fait qu’il est un État pleinement constitué depuis plus de douze siècles, outre une longue histoire amazighe, et que depuis plus de quatre siècles, il est gouverné par une monarchie citoyenne, présidant à la destinée du pays et la façonnant dans une symbiose totale entre le Trône et le peuple».

Tant attendue, cette reconnaissance explicite et officielle du calendrier amazigh, revendiquée et défendue de longue date par les militants du Mouvement amazigh, à côté des calendriers religieux musulman et chrétien, constitue en fin de compte une authentique réconciliation de toutes les citoyennes et tous les citoyens marocains avec leur profonde et multimillénaire histoire. De ce fait, les autorités gouvernementales chargées de l’Éducation sont appelées, plus que jamais, à réviser sérieusement le contenu parfois approximatif des manuels pédagogiques et scolaires en ce qui concerne la discipline, la plus attractive, qui est celle de la «mémoire collective», la mémoire de notre nation.

Ainsi, cette louable Décision Royale consistant à reconnaître officiellement le calendrier amazigh, que nous célébrons avec une joie populaire générale, nous oblige à revoir notre Histoire, et celle de toute l’Afrique du Nord, en remontant plus loin que les 12 derniers siècles de régnes des dynasties musulmanes et en allant au-delà des quatre siècles de présence des civilisations romaine et phénicienne. Il s’agit de revisiter notre glorieuse histoire à travers nos valeureux royaumes maures qui ont édifié de superbes centres urbains maritimes, et en s’aventurant au sein des différentes périodes paléolithiques de notre si riche et étendue préhistoire, qui remonterait à l’homo erectus de «l’Homme de Sidi Abderrahmane» de Casablanca, et en passant à l’homo sapiens de «l’Homme d’Adrar ighud», qui constitue pour le moment l’aïeul de toute l’humanité, depuis 315.000 ans [1].

De fait, cette reconnaissance du calendrier amazigh fait suite au Discours du Trône de 2001 qui avait reconnu l’amazighité du Maroc, à la consécration de l’amazigh en tant que langue officielle dans la Constitution de 2011 et à la promulgation des lois réglementaires relatives à l’activation du caractère officiel de l’amazigh en 2019, dans l’optique du respect de la Constitution du Royaume qui reconnaît tous les éléments de l’histoire collective et de l’identité plurielle du Maroc, constituée de multiples affluents culturels.

Cependant, quelle est l’origine du calendrier amazigh ?

Ce dimanche 14 janvier 2024 correspond au premier Yennayer de l’année amazighe 2974 au Maroc (le 12 en Algérie et le 13 en Libye et Tunisie...), et cette date commémore, en quelque sorte, le règne des troupes amazighes, dirigées par le roi Sheshonq Ier, se désignant comme pharaon de la XXII dynastie d’Égypte en l’an 950 avant J.C., proposé par l’Académie Berbère de Paris dans les années quatre-vingt.

Ce calendrier, qui est, avant tout, une commémoration du calendrier agricole, était célébré depuis longtemps et avant le règne de la dynastie des Sheshonq en Égypte et au Proche-Orient, y compris en Palestine. Il va sans dire que l’organisation du temps était une nécessité humaine depuis la préhistoire, et plus particulièrement depuis le néolithique et la découverte par l’homme de l’agriculture et sa diffusion du Proche-Orient vers l’Afrique du Nord (Tamazgha) et vers l’Europe. Ainsi, l’organisation sociale de l’économie agricole et animale en dépendait, en fonction des cycles et périodes. À la différence du calendrier religieux des musulmans qui est lunaire, le calendrier amazigh est un calendrier fondamentalement solaire et est utilisé en Afrique septentrionale dans le but de réguler bien des travaux agricoles selon les quatre saisons de l’année : automne, hiver, printemps et été.

De ce fait, l’observation du ciel, du soleil et des corps astronomiques a toujours suscité un intérêt très particulier depuis la préhistoire. Une récente étude archéologique [2] – ayant connu la participation de notre distingué chercheur espagnol Antonio Arnaiz Villena, aux côtés de chercheurs canariens – soutient que l’origine des civilisations pharaonique, des empires du pourtour méditerranéen, du peuple ibérique et des Guanches des Îles Canaries, sont tous d’origine amazigh du Grand Sahara. Elles puisent leurs origines de cet immense désert qui va du Sahara occidental marocain jusqu’au Sahara oriental libyen. Cette recherche révèle que nos aïeux, nos grands-parents néolithiques, sont arrivés à organiser leur vie sociale et agricole selon les saisons et les mois du calendrier solaire. Comme en témoigne cette extraordinaire découverte de pétroglyphes dans la région de Tiwrare (village rural d’Ida Oukazzou) à environ 100 km au nord d’Agadir, du côté ouest du Haut Atlas, dans la province d’Essaouira [3].

Et avec le temps, nos grands-parents ont commencé à fêter ce nouvel an agraire comme une façon de commencer les labours, à s’atteler à cette relation intime avec leur terre nourricière et la pluie féconde du dieu «Anzar» (de la pluie). C’était, selon les mythes et les légendes, une forme pour achever et en finir avec une période dure et obscure (fermer «tiwara tibarkanin» : fermer les portes obscures !) et se lancer dans une nouvelle période où ils demandaient aux forces surnaturelles et aux dieux, dont le Soleil, de leur ouvrir une nouvelle période blanche et prospère (ouvrir «iwara timalalin» : ouvrir les portes blanches et de bonheur !). Et ils le faisaient en famille en consommant les restes alimentaires de l’année écoulée, des fruits secs et du couscous !

En définitif, la reconnaissance du Nouvel An amazigh comme fête nationale officielle et journée fériée payée est d’une symbolique très profonde qui consacre et rétablit le renouveau de l’amazighité, conformément à l’esprit et à la philosophie de la Constitution et en harmonie avec les Discours du Chef de l’État, Sa Majesté le Roi Mohammed VI. In fine, nous sommes honorés d’adresser nos plus chaleureuses félicitations et nos meilleurs vœux à Sa Majesté, au peuple marocain et à tous les peuples de Tamazgha à l’occasion de cette «nouvelle année amazighe 2974».

Notes :

[1]- https://amadalamazigh.press.ma/pdf/Origines.pdf

[2]- https://www.ajol.info/index.php/ijma/article/view/259892

[3]-academia.edu/38085765/the_discovery_of_mysterious_petroglyphs_suggests_that_a_meteor_has_been_observed_in_ancient_times

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