Culture

Littérature judéo-maghrébine : une thèse dévoile les stratégies de survie identitaire

C’est un travail de recherche inédit que vient de livrer Loubna El Joud dans le cadre d’une thèse de doctorat consacrée la littérature judéo-maghrébine. L’auteure a exploré les œuvres de trois écrivaines juives maghrébines, révélant ainsi les dynamiques complexes d’adaptation et de résistance culturelle pendant la période coloniale française. Cette thèse qui éclaire d’un jour nouveau les mécanismes de préservation identitaire dans un contexte historique complexe a été soutenue à Université Moulay Slimane.

23 Octobre 2024 À 15:00

Cet événement académique, qui s’est déroulé le samedi 19 octobre à la Faculté des lettres et des sciences humaines, a rassemblé un jury prestigieux présidé par le Dr Abdellah Jarhnine. La thèse, dirigée par Dre Fatima Zahra Salih, s’est distinguée par sa rigueur scientifique et sa profondeur analytique. Le travail examine minutieusement les œuvres de Nine Moati, Myriam Ben et Elisa Chimenti, trois voix majeures de la littérature judéo-maghrébine, à travers le prisme des convergences interculturelles et de l’affirmation identitaire.

Entre assimilation et résistance : le combat identitaire des Juifs maghrébins

La recherche met en lumière les défis auxquels les communautés juives du Maghreb ont été confrontées pendant la colonisation française. Face aux politiques d’assimilation culturelle, notamment l’imposition du français dans l’administration et l’éducation, ces communautés ont développé des stratégies de résistance remarquables. L’interdiction des mariages mixtes, la préservation du judéo-arabe et du ladino (le parler espagnol des Juifs séfarades d’Espagne et de leurs descendants) au sein des foyers, ainsi que la célébration continue des fêtes religieuses comme le shabbat, ont constitué autant de remparts contre l’effacement culturel.

Le Maroc : un modèle unique de coexistence harmonieuse

Un aspect particulièrement fascinant de cette étude réside dans l’exception marocaine. Contrairement à ses voisins maghrébins, le Maroc, sous l’Égide de S.M. le Roi Mohammed V, a su préserver sa communauté juive grâce à une politique éclairée de «vivre ensemble». Le Souverain, refusant toute collaboration avec les forces nazies, considérait les Juifs comme des citoyens marocains à part entière. Cette approche contraste fortement avec la situation en Tunisie, où la trahison du Bey facilitant les exécutions nazies, et en Algérie, où le décret Crémieux de 1870 a créé une rupture profonde entre les communautés.

La thèse de Loubna El Joud souligne également le rôle crucial de la transmission orale dans la préservation de l’identité culturelle. Les contes et légendes, particulièrement présents dans l’œuvre d’Elisa Chimenti, ont servi de véhicules essentiels pour la mémoire collective, permettant aux nouvelles générations de maintenir un lien vivant avec leurs racines.

La contribution d’El Joud au champ des études littéraires maghrébines ouvre de nouvelles perspectives sur la compréhension des dynamiques interculturelles en période coloniale. Son travail, salué par l’ensemble de la communauté académique présente, dont le Dr Ahmed Kadim, doyen de la Faculté de la langue arabe, et de nombreux professeurs émérites de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, constitue désormais une référence incontournable pour comprendre les subtilités de la littérature judéo-maghrébine et son rôle dans la préservation des identités culturelles face aux pressions coloniales.
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