Rochdi Mokhliss
16 Janvier 2025
À 09:10
Lors d'un
webinaire organisé ce mercredi 15 janvier par l'Institut du Groupe CDG, des experts et économistes ont livré leurs analyses et perspectives pour
l'année 2025. Entre optimisme affirmé et prudence face aux défis, les échanges ont révélé un consensus autour de la résilience de l'économie nationale et de son potentiel de croissance.
Anas Saidi, chef de service des prévisions financières à la
Direction des Etudes et des Prévisions Financières au Ministère de l'Economie et des Finances, s'est montré fermement optimiste. « Il faut se remémorer notre point de départ post-Covid. Nous étions dans un déficit budgétaire de 7,6% du PIB, et aujourd'hui, nous parlons d'un objectif de 3,5%. Les efforts consentis pour stabiliser le cadre macroéconomique ont porté leurs fruits, permettant de maîtriser l'inflation et d'améliorer les indicateurs sectoriels », a-t-il expliqué. Parmi les réalisations marquantes, il a cité une stabilisation de l'inflation à environ 1% fin 2024, une hausse exceptionnelle de 9,2% de
l'indice de production industrielle et un
taux d'utilisation des capacités de production atteignant 77%, l'un des plus élevés de l'histoire.
Ahmed Zhani, directeur des études économiques à
CDG Capital, partage cet optimisme. Il a souligné la capacité de l'économie marocaine à amortir les chocs successifs, à l'instar de la crise
Covid-19 et des exigences budgétaires imposées par le
séisme d'Al Haouz. « Le Maroc est assez résilient pour faire face à 2025, grâce à la dynamique des secteurs secondaires et tertiaires, à la maîtrise de l'inflation et à la stabilisation des équilibres extérieurs», a-t-il affirmé.
Afaf Hakam, économiste au
Conseil économique, social et environnemental, adopte une position d’optimisme prudent. Selon elle, « 2025 sera une année cruciale pour le quinquennat gouvernemental et les Objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Bien que des avancées notables soient réalisées, la vigilance face aux risques demeure essentielle ».
Sécheresse et chômage : des défis tenaces à surmonter
Malgré ce cadre favorable, plusieurs défis subsistent.
Zhani a rappelé l’impact d’une sécheresse prolongée, pour la septième année consécutive, sur le pouvoir d’achat en milieu rural et les pressions exercées par des tensions géopolitiques internationales, notamment avec la réélection de Donald Trump, susceptible d’accentuer les
politiques protectionnistes.
Pour 2025, les hypothèses macroéconomiques reposent sur une
récolte céréalière moyenne de 70 millions de quintaux, après une campagne très faible de 31 millions en 2023. Ce rebond agricole pourrait entraîner une hausse de 11% de la valeur ajoutée du secteur, contribuant ainsi à une croissance globale du PIB de 4%.
Un autre point de vigilance pour 2024 concerne la question du
chômage, qui a mobilisé le ministère spécialisé tout au long de l'année 2024. Les données montrent une augmentation significative du
taux de chômage, atteignant 13,6%, des chiffres que le
Maroc n'avait plus vus depuis longtemps. Avant la pandémie de Covid-19, le taux de chômage était en dessous de 10%, et l'optimisme prévalait. Aujourd'hui, bien que la conjoncture montre une
création d'emplois, celle-ci se limite principalement à
l'emploi rémunéré. Cette situation nécessite une meilleure compréhension du marché du travail, car la création d'emplois rémunérés s'accompagne souvent de la destruction
d'emplois non rémunérés. Bien que certains puissent y voir une amélioration structurelle du
marché du travail, passant d'un
marché informel à un marché plus structuré, cela reste insuffisant. Il est crucial que la destruction de l'emploi non rémunéré soit compensée par une création d'emplois rémunérés suffisante pour absorber le chômage.
Un cadre macroéconomique stable pour une croissance soutenue
Les intervenants s’accordent sur l’importance de maintenir un
cadre macroéconomique stable.
Saidi a rappelé que
« tous les projets de long terme dépendent de cette stabilité ». Les perspectives pour 2025 incluent une croissance soutenue dans
les secteurs secondaire et tertiaire, avec des augmentations respectives de 2,9% et 4,1%. Le
secteur automobile devrait également afficher une croissance de 5%, tandis que le
secteur du BTP prévoit une progression de 2,7%.
Au niveau des finances publiques,
Zhani a mis en lumière les efforts d’assainissement engagés depuis 2021, grâce notamment à l’augmentation des
recettes fiscales et au recours accru aux partenariats
public-privé.
« L’investissement public fait bouger la croissance » a-t-il rappelé. En 2025, le déficit devrait se stabiliser à 3,5% du PIB, créant ainsi les marges de manœuvre nécessaires pour soutenir les réformes structurelles et sociales.
Nécessité de renforcer les mécanismes d’évaluation des politiques publiques
Afaf Hakam a insisté sur la nécessité d’instaurer un cadre rigoureux d’évaluation des politiques publiques, afin de garantir un impact réel sur la vie des citoyens. « Institutionnaliser cette évaluation est crucial pour assurer une mise en œuvre optimale des projets sociaux et bâtir un État social solide », a-t-elle déclaré.