Économie

Tourisme : comment faire de Casablanca-Settat une destination de premier plan

Casablanca, cœur battant de l’économie marocaine, veut s’imposer sur la carte touristique à l’échelle nationale et continentale. Une ambition légitime compte tenu des potentialités de la métropole qui ne demandent qu’à être exploitées et valorisées. C’est le message essentiel à retenir de la rencontre entre professionnels du secteur, à l’initiative du Centre régional du tourisme de Casablanca-Settat (CRT-CS) à l’occasion de la Journée mondiale du tourisme. Casablanca aspire à devenir une destination de séjour, pas seulement de passage, et à développer une offre qui réponde à la fois aux impératifs de la durabilité, de l’inclusion et de la qualité. Mais pour ce faire, nombre d’entraves doivent être surmontées.

19 Septembre 2025 À 18:03

À l'occasion de la Journée mondiale du tourisme, célébrée cette année sous le thème «Tourisme et transformation durable», le centre régional du tourisme de Casablanca (CRT-CS) a organisé, mercredi dernier, une rencontre qui a connu un débat à la fois serein et franc sur le présent et l’avenir du secteur dans la métropole. Les atouts de la région, mais aussi les contraintes qui brident son plein essor ont été discutés ainsi que les moyens les plus à même de faire de Casablanca un pôle touristique à l’échelle nationale et continentale. Une ambition légitime compte tenu des potentialités de la ville.



À cette occasion, Fatima Bouabd, directrice régionale du tourisme de Casablanca-Settat, a dressé un tableau détaillé de la dynamique que connaît la région, soulignant une transition significative tant sur le plan réglementaire que sur celui des infrastructures touristiques. Elle a dévoilé un pipeline de 60 à 65 projets d’hébergement, soit 4.500 à 5.000 lits en préparation. Derrière ces chiffres, une ambition clairement affichée et une conviction largement partagée par l’ensemble des acteurs : faire de Casablanca une destination de séjour, pas seulement de passage. Infrastructures en chantier, nouvelle donne réglementaire, virage durable... Casablanca veut s’imposer sur la carte touristique du Royaume.

Un pipeline réel, des échéances assumées

Le parc en gestation comprend autant des hôtels, des résidences immobilières de promotion touristique (RIPT), des résidences de tourisme, que des gîtes et maisons d’hôtes. Selon la responsable régionale, tous les projets n’en sont pas au même stade : certains, autorisés, n’ont pas démarré, d’autres sont à l’arrêt faute de financement ou pour des raisons juridiques, tandis qu’un noyau progresse en construction avec des ouvertures annoncées entre 2026 et 2030. Cette échéance répond à une logique compréhensible : être opérationnels en 2029 pour roder les équipes et les process avant l’échéance Coupe du monde 2030.

«Casablanca peut devenir une place tournante mondiale»

L’événement a permis par ailleurs aux acteurs du secteur au niveau régional de faire entendre leur voix, et leur message était sans ambiguïté : le potentiel est immense mais sous-exploité. La ville souffre encore d’une image de transit, «rien à faire, rien à voir», alors qu’elle coche toutes les cases d’un hub métropolitain (position géographique, premier aéroport du pays, tissu économique, art de vivre). D’où un appel à changer de braquet : storytelling de destination, expériences urbaines, balnéaire mieux animé, et un calendrier d’événements qui donne des raisons de prolonger le séjour.

Ce que disent les chantiers : équipements, mobilité, culture...

Sur le terrain, la transformation est bien entamée : extension de l’aéroport Mohammed V (horizon 2030), tramways et bus, marina et terminal croisière, futur TGV Casablanca-Marrakech et liaisons El Jadida–Bouznika, parcs et espaces verts en préparation. Mais des maillons manquent encore : un grand palais des congrès et des expositions, un musée d’art contemporain à la hauteur du rayonnement de la ville, une corniche réinventée, plus d’hôtels haut de gamme... autant d’éléments structurants pour le MICE et le loisir. À l’horizon 2030, le Grand Stade Hassan II de Benslimane doit aussi tracter l’offre. Côté culturel, l’ouverture du Grand Théâtre de Casablanca, «un monument extraordinaire», est attendue comme un nouveau highlight après la Mosquée Hassan II. Le terminal croisière, inauguré jeudi dernier par S.M. le Roi Mohammed VI permettra de monter en puissance pour tenir la concurrence de Tanger sur les escales confirmées.

Une gouvernance plus claire, une réglementation plus lisible

Les acteurs appellent une gouvernance public-privé resserrée et des procédures plus fluides. Mme Bouabd a rappelé à cette occasion que la nouvelle architecture réglementaire uniformise la classification par étoiles pour toutes les formes d’hébergement et poursuit la digitalisation des autorisations. L’idée : gagner en réactivité sans renoncer à la qualité et à la sécurité, surtout à l’approche de 2030. Le développement durable doit être aussi en tête des préoccupations des acteurs et des stratèges du secteur.

«Le tourisme de demain ne sera plus seulement une activité économique : il sera un modèle de durabilité, de responsabilité et d’inclusion», souligne Othman Cherif Alami, président du CRT-CS. L’orientation est donnée : transports plus verts (autocars électriques, TGV), économie d’énergie, réutilisation des eaux grises, tri et recyclage... avec, sur la table, une charte casablancaise du tourisme durable et un label «green event» pour les congrès. Des hôtels de la région montrent déjà l’exemple (stations d’épuration, compostage), mais le nerf de la guerre reste la sensibilisation : habitants, visiteurs, salariés... tout le monde est concerné.

Faire connaître ce que la ville a à offrir

En attendant, le marketing progresse : budgets dédiés, fam trips pour journalistes et agents de voyages, et intégration systématique de Casablanca dans les itinéraires. Reste qu’il faut mieux raconter la ville : son patrimoine art déco, ses quartiers vivants (Habous, Marché central, médina et Sqala), ses histoires (de Saint-Exupéry aux artistes d’aujourd’hui), ses pépites locales comme L’Atelier des Arts... La plateforme Visite Casablanca est saluée, sachant qu’elle peut faire mieux et plus. D’où l’importance de l’alimenter davantage en offres et activités.

Les urgences très concrètes

Trois cailloux dans la chaussure reviennent partout : mobilité des groupes (croisiéristes), manque d’animations et propreté, notamment dans la vieille ville. Les hôteliers en souffrent au quotidien. À moyen terme, le secteur bancaire plaide pour un observatoire régional afin d’objectiver pipeline et performances, base utile pour financer la montée en gamme. L’IA est aussi citée comme levier pour mieux vendre la destination et personnaliser l’expérience.

Dans son intervention, Othman Cherif Alami a résumé le cap : transition, transformation, hospitalité renouvelée, produits plus qualitatifs, et une ambition claire : faire de Casablanca-Settat un hub d’affaires, de loisirs et de culture d’ici 2030. «Le tourisme n’est pas un luxe pour notre ville, c’est un moteur de développement et un catalyseur de transformation urbaine», relève-t-il. «Ensemble, nous avons la responsabilité d’écrire ce futur, pour que Casablanca devienne d’ici 2030 une destination incontournable à l’échelle africaine et mondiale», conclut-il.
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