21 Mai 2020 À 15:10
L’une des conséquences directes de la métamorphose des besoins présentée dans notre article précédent, est que le « business as usual » est révolu et que le retour à la normale ne se fera pas. En effet, la « normale » de l’après-Covid-19 ne sera certainement pas celle que nous avons connue jusqu’à la veille du confinement. Il s’agit pour l’entreprise de l’après-Covid-19 de réinventer son modèle d’affaires (business model) pour pouvoir répondre aux nouveaux besoins, s’adapter aux nouvelles habitudes d’achat et de consommation et donner satisfaction au néo-consommateur, celui qui a survécu au Covid-19.
Je ne vous apprendrais rien en vous rappelant que Covid-19 nous est venu de Chine. Cela dit, je ne suis pas de ceux qui cherchent à tout prix à coller une nationalité aux pandémies : grippe mexicaine, peste espagnole, etc. et aux crises : crise mexicaine, syndrome hollandais, etc. Si j’en parle ici, c’est juste que je trouve curieux que de la Chine nous vienne également une sagesse sémantique importante. En effet, le mot « Crise » en chinois est formé de deux caractères : danger et opportunités.
Ainsi et à cause des crises comme celle générée par Covid-19, de nombreuses entreprises ont fait faillite ou sont en cours de péricliter. C’est malheureusement le cas le plus répandu et qui est tellement associé aux crises qu’on en voit que lui. En revanche et du fait de la même crise, d’autres entreprises prospèrent et croissent. Ainsi, si une vague géante commence à se former à l’horizon pour déferler sur la plage, les baigneurs s’empressent de sortir de l’eau poussés par la peur de se faire emporter par la vague. Les sifflets stridents et ininterrompus des maîtres-nageurs leur confirment que la seule voie à emprunter et celle de retrouver au plus vite la terre ferme. C’est justement l’opportunité qu’attendent les surfeurs pour foncer vers la vague munis de leurs planches en quête d’une chevauchée extraordinaire et d’une montée en flèche d’adrénaline.
Bien que le contexte de Covid-19 soit nouveau, cet effet contradictoire sur les entreprises se vérifie à la survenance de toutes les crises. C’est du déjà-vu. N’est-ce pas d’ailleurs cette vérité qui a légitimé autrefois l’adage « à toute chose malheur est bon »? Tout au long des années 80 et pendant une bonne partie de la décennie 90, des centaines d’entreprises marocaines et tunisiennes de textile prospéraient en exportant leur production aux pays européens dans le cadre de l’arrangement multifibres (AMF). Au démantèlement de ce dernier à la suite de l’inclusion du commerce du textile et de l’habillement dans les Accords de l’OMC, ces entreprises se sont retrouvées sans les quotas d’exportation que leur garantissait l’AMF sur les marchés européens. Du jour au lendemain, elles se sont retrouvées face aux redoutables et imbattables exportateurs asiatiques. Elles venaient de réaliser que la compétitivité de nombre d’entre elles n’était qu’artificielle et n’était due qu’à l’AMF qu’elles ne cessaient d’ailleurs de critiquer. Ce qui s’est passé par la suite est fécond en enseignements pour l’après-Covid-19. En effet, seules les entreprises qui ont réussi à adapter leur modèle d’affaires en développant des collections en propre, en innovant dans des niches spécifiques et en optimisant leur production pour réduire leurs coûts et leurs délais de production, ont réussi, non seulement à survivre, mais également à croître et à prospérer.
Pour revenir à Covid-19, l’on voit déjà un ensemble d’entreprises s’adapter pour tirer profit des nouvelles opportunités créées par la pandémie. Nous ne parlons pas de celles qui se sont retrouvées naturellement dans des secteurs correspondant aux nouveaux besoins comme les entreprises de produits alimentaires ou de fabrication de produits de protection sanitaire. Nous parlons plutôt de celles qui ont pu se convertir rapidement dans la fabrication de ces produits du fait de la flexibilité de leur outil de production, de leur maîtrise du savoir-faire nécessaire et de leur esprit entrepreneurial. C’est le cas entre autres de plusieurs entreprises marocaines dans des industries non-reliées comme l’aéronautique et l’automobile qui se sont converties dans la fabrication de respirateurs, de portiques de décontamination, d’applications de traçage, etc. À l’étranger, l’exemple de Melitta Groupe, le géant allemand de fabrication de filtres à café qui s’est converti dans la fabrication de masques de protection est également très édifiant à cet égard.
Alors qu’en temps normal, certaines réalisations prenaient des mois, voire des années, le contexte du confinement et de l’adversité a permis de réaliser de véritables prouesses de conception et de production. Ainsi, de quelques centaines de masques de protection, l’on est passé en l’espace de trois à quatre semaines à plus de sept millions d’unités par jour. Des inventions 100% marocaines ont été réalisées boostant partout la fierté d’être marocain. Bien entendu, réinventer son modèle d’affaires pour s’adapter à l’environnement de l’après-Covid-19 suppose la réunion d’un ensemble de conditions que l’entreprise doit satisfaire. Ce sera l’objet de notre prochain article « Les 8 clefs de succès dans l’après-Covid-19 ».
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