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Quelle entreprise pour l’après-Covid-19 ? La fin du business as usual (Partie 1)

Quelle entreprise pour l’après-Covid-19 ? La fin du business as usual (Partie 1)

Dr. Brahim Allali, Professeur retraité de HEC Montréal- Consultant international Directeur Général de Reload Consulting

 

Comme il l’a fait avec la moitié de la population de la planète, Covid-19 m’a contraint à rester chez moi à attendre la défaite de la pandémie et le retour à la normale. Pour atténuer l’effet de cette « assignation à résidence » forcée sur mon moral et ma santé, j’ai dû, comme des millions d’autres confinés, veiller à mettre mon temps à profit en m’adonnant à ma distraction favorite : la lecture. Je dois reconnaitre que mon engouement pour l’achat de livres dépasse de loin le temps dont je dispose pour les lire. Aussi, ai-je des centaines et des centaines de livres qui attendent leur tour qui, vu mon âge, ne viendra peut-être jamais.

Outre les livres, j’ai dû, malgré moi, allouer pas de mal de temps également à la lecture des essais qui me parviennent sur la pandémie et son évolution. Qui se demande s’il ne s’agit pas d’un châtiment divin pour nous être égarés du droit chemin et avoir trop versé dans la turpitude. Qui y voit un complot ourdi par de grandes puissances et/ou par certains milliardaires, pour réduire la population du monde afin de pouvoir jouir pleinement de ses richesses. Qui énonce avec une conviction difficilement contestable qu’il s’agit d’un virus « conçu et fabriqué » dans des laboratoires chinois ou américains et qui aurait échappé au contrôle et se serait disséminé dans le monde.

Malgré les cris de ces complotistes et prédicateurs de malheur, certains essayistes plus sérieux tentent de prévoir l’après-Covid-19. Des efforts louables sont déployés au niveau de certaines sphères politiques et institutionnelles pour imaginer l’après-Covid-19 surtout sur le plan économique. Néanmoins, je n’ai rien vu ou presque à cet égard concernant l’avenir de l’entreprise dans l’après-Covid-19 à part une quasi-unanimité sur l’importance de mettre en place des financements appropriés permettant à l’entreprise de redémarrer. Aussi, le présent essai est une modeste contribution pour imaginer ce que sera l’entreprise, en particulier marocaine, dans l’après-Covid-19.     

Covid-19 en révélateur des faiblesses de nos entreprises

C’est à Warren Buffet, le célèbre milliardaire américain, qu’on attribue l’allégorie suivante : à la marée basse, quand les eaux se retirent, ceux qui nageaient tout nus se font découvrir. Ainsi, les entreprises qui parvenaient tant bien que mal à tirer leur épingle du jeu dans un environnement somme tout protecteur et clément, se trouvent mises à nue à la survenance des chocs et des vicissitudes. Covid-19 aura ainsi poussé nombre d’entreprises en dehors de leur zone de confort mettant à nue leurs faiblesses structurelles et révélant leur utilité relative, voire leur inutilité dans un environnement économique drastique et darwinien. En effet, nombreuses sont les entreprises qu’on pensait solides, économiquement utiles et indéboulonnables, qui ont vite fait de révéler leur inaptitude à s’adapter au nouvel environnement que Covid-19 est toujours en train de façonner et dont les contours ne seront connus qu’au sortir du confinement et au retour à une vie plus active ou, à tout le moins, moins casanière.

Au Maroc, les premières statistiques montrent que plus de 140.000 entreprises ont été négativement impactées par Covid-19 et ont dû partiellement ou totalement cesser leurs activités. Et encore, nous ne sommes qu’au second mois du confinement. Une étude de la CGEM a révélé que plus de 92% des entreprises déclarent avoir été (négativement) affectées par Covid-19 et que plus de 74% d’entre elles disent qu’elles ne pourront retourner à une situation normale que dans un délai d’au moins 6 mois à une année après le confinement[1].

C’est un secret de Polichinelle que l’après Covid-19 ne sera certainement pas comme l’avant Covid-19. Le « Business as usual » est terminé. Dorénavant, le business ne sera plus que « unusual » ou il ne sera pas. Les entreprises capables de s’adapter rapidement vont pouvoir survivre dans le nouvel environnement de l’après-Covid-19. Celles susceptibles de mieux lire et comprendre les nouveaux besoins d’une clientèle dont les habitudes d’achat et de consommation ont parfois radicalement changé, dont les priorités ont été complètement chamboulées et dont les pouvoirs d’achat et les exigences se sont considérablement transformés. Condamnés au confinement pendant plusieurs semaines avec souvent une partie ou la totalité des revenus amputée, les consommateurs ont eu suffisamment de temps pour se poser tout genre de questions y compris existentielles. Aussi variées et diversifiées que ces questions, les réponses trouvées et les (ré)actions que ces réponses ont motivées ne sont pas toujours heureuses. Des familles entières ont été disloquées, le nombre de dépressions est monté en flèche comme celui des violences conjugales et familiales, le taux de suicide a explosé partout dans le monde, etc.

Covid-19, un nouveau départ. À vos marques !

Heureusement, le tableau n’est pas entièrement sombre. De nombreuses personnes ont mis à profit ce confinement pour développer de nouvelles aptitudes, pour mieux se connaître, pour se réconcilier avec elles-mêmes, pour remettre de l’ordre dans leur vie, pour revoir leurs priorités et leurs choix, etc. De nombreux écrits sont parus depuis le début du confinement pour énumérer les « vertus » de ce dernier et pour appeler les confinés à prendre leur mal en patience et mettre ce temps à profit pour faire des choses qu’ils n’avaient pas justement le temps de faire. Loin de nous l’idée de régurgiter ici les enseignements de ces écrits. Notre objectif est juste de dire que les entreprises auront à faire dans l’après-Covid-19 à de nouveaux consommateurs ou, pour être plus précis, à des consommateurs avec de nouveaux besoins, de nouvelles exigences et de nouvelles habitudes d’achat et de consommation.

Pour de nombreuses entreprises, il s’agit d’une opportunité inédite. Celle de voir tous leurs concurrents ou presque revenir à la case de départ alors que certains d’entre eux avaient pris une avance insurmontable. C’est comme si la providence leur disait : « Vous vous plaigniez de ne pas pouvoir rattraper vos concurrents. Voilà, on les ramène à nouveau à la ligne de départ. Alors, à vos marques ! »

… Prêts !

Néanmoins, il ne suffit pas de se faire offrir une seconde chance. Encore faudra-t-il être préparé pour la saisir. Alors, êtes-vous prêts ?

Être prêt pour saisir les opportunités créées par Covid-19 suppose de comprendre le nouvel environnement des affaires que la pandémie est en train de dessiner. Bien entendu, cela doit impérativement commencer par une bonne lecture de la nouvelle structure des besoins des consommateurs qui va conditionner les propositions de valeur des entreprises. C’est ce que nous nous proposerons de vous présenter dans notre prochain article.

 

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