Économie

Les producteurs et les consommateurs, les maillons faibles de la chaîne de valeur agricole (président de l’APEFEL)

Dans la chaîne de valeur des produits agricoles, les producteurs et les consommateurs restent les maillons faibles. Et entre eux, plusieurs intermédiaires s'interposent et gagnent chacun selon son positionnement, multipliant par trois ou quatre le prix de vente final. Voilà donc qui rend impératif, selon le président l’Association marocaine des producteurs et exportateurs des fruits et légumes (APEFEL), Khalid Saïdi, de gérer et de structurer la chaîne de distribution.

Khalid Saïdi, président l’Association marocaine des producteurs et exportateurs des fruits et légumes (APEFEL)

20 Avril 2023 À 18:34

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Il est urgent d'intervenir pour trouver une solution à la différence exorbitante entre le prix payé au producteur et celui affiché dans les rayons concernant les produits agricoles. Tel est au fond le propos du président de l'APEFEL qui souligne que dans le cas de la tomate, qui a fait couler beaucoup d'encre récemment, le prix moyen de vente par les producteurs n'a pas dépassé 1,70 dirhams au cours des cinq dernières années, et qu'entre octobre et janvier derniers il a été de 1,68 dirhams. «Alors que le producteur subit des pertes d'argent, il y a des gens qui se gavent au passage. Ce n'est pas juste», déplore Khalid Saïdi. «Ce que nous demandons est que tout soit réglementé et de mettre en place des systèmes de bourse pour que l'on sache que si je vends un kilo de tomate à Agadir à 2 dirhams, tout le monde le saura, et que l'on calcule les coûts de transport pour laisser aux distributeurs une marge qui soit fixe», soutient le président de l’APEFEL.

La production d’un kilo de tomates coûte 4,5 dirhams

Aujourd'hui, il faut en moyenne investir 4,5 dirhams pour produire un kilo de tomates, indique le président de l'APEFEL. En conséquence, ce coût de revient n'a rien à voir avec le prix auquel vend le producteur (1,70 dirhams en moyenne), note-t-il. Comment ce dernier s'en sort-il alors ? Tout simplement en exportant, explique M. Saïdi. En effet, le même kilo de tomates est vendu entre 1,50 et 2 euros sur le marché européen lorsqu'il le permet, ce qui assure l'équilibre financier des producteurs. En d'autres termes, fait-il remarquer, l’export (que certains dénoncent farouchement aujourd’hui) «subventionne le consommateur local». «Le producteur qui cultive aujourd'hui des tomates sous serre investit près de 900.000 dirhams par hectare, et nous ne pouvons donc pas assurer la production sans cette possibilité d'exportation», dit M. Saïdi, ajoutant que près de 50% de la production sont destinés à l'exportation, tandis que les autres 50% servent à approvisionner le marché local.

Les installations agricoles actuelles ne permettent pas de surmonter les aléas climatiques

Au regard de l'impact des aléas climatiques sur la production, M. Saïdi relève que les serres utilisées habituellement dans la région de Chtouka dans le Souss-Massa, dites «canariennes», bien que coûtant entre 500.000 et 800.000 dirhams, ne sont pas si efficaces pour atténuer les effets des vagues de froid par exemple. Avant, dit-il, il y avait des saisons bien réparties et des périodes froides que l'on pouvait prévoir à l'avance. «Mais aujourd'hui, nous pouvons avoir les quatre saisons en une semaine. Conséquence : ce dérèglement climatique affecte la production qui, dans le cas des tomates par exemple, peut varier d'une semaine à l'autre et passer d'une tonne récoltée à l'hectare par jour à 300 kilos seulement». Dès lors, pour se doter d'installations permettant de neutraliser les effets du climat, les producteurs se voient contraints de consentir de lourds investissements.

Exporter des tomates, c'est comme exporter de l'eau : une idée à nuancer

Commentant les appels à limiter la culture et l'exportation de produits à forte consommation d'eau, le président de l'APEFEL fait observer qu'un kilo de céréales consomme entre 600 et 1.000 litres d'eau, et qu'un kilo de viande consomme 2.000 litres par kilo, contre 34 litres pour un kilo de tomates. «Il ne faut pas taxer les producteurs nationaux d’exportateurs d'eau, car nous importons bien plus que cela», tient-t-il à souligner. «En matière d'équilibre hydrique entre les céréales et le bétail que nous importons et ce que nous exportons, le Maroc est gagnant», affirme encore M. Saïdi.

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