01 Février 2023 À 19:55
Your browser doesn't support HTML5 audio
Conscients de l’ampleur des enjeux de leur coopération, de son importance stratégique, mais aussi des aspirations légitimes des deux peuples à la paix, à la sécurité et à la prospérité, le Maroc et l’Espagne se sont engagés à entreprendre la construction d’une nouvelle étape dans leurs relations bilatérales. Ainsi, Rabat et Madrid ont convenu de mettre en place une feuille de route durable et ambitieuse qui comprend plusieurs éléments touchant aux différents aspects de leur coopération bilatérale. La détermination de l’Espagne à saisir cette opportunité pour confirmer que le Maroc est un voisin et un partenaire stratégique indispensable a été exprimée récemment par le Roi Felipe VI qui a souligné que la prochaine Réunion de haut niveau permettra d’approfondir «les vastes relations bilatérales». «Cette rencontre, qui n’a pas eu lieu depuis 2015, nous permettra d’approfondir nos vastes relations bilatérales, afin de travailler ensemble sur des bases plus solides», a affirmé le Souverain espagnol dans une allocution, prononcée à l’occasion d’une réception accordée au corps diplomatique accrédité en Espagne, rappelant que les deux pays ont entamé une nouvelle phase dans leurs relations bilatérales.
Cet élan d’optimisme et de confiance en l’avenir des relations entre Rabat et Madrid est partagé par l’ambassadeur du Royaume d’Espagne au Maroc qui avait déclaré au «Matin» il y a quelques semaines : «Nous assistons à la construction de la nouvelle et importante étape d’amitié et de coopération bilatérale entamée à l’occasion de la visite officielle à Rabat le 7 avril dernier du Chef du gouvernement de l’Espagne, Pedro Sanchez, à l’invitation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI», avait souligné au «Matin» Ricardo Diez-Hochleitner. «D’après la Déclaration conjointe adoptée pendant cette visite, cette nouvelle étape doit se fonder sur les principes de transparence, de dialogue permanent, de respect mutuel ainsi que du respect et la mise en œuvre des engagements et des accords entre nos deux Royaumes. Sur ces bases, nos deux pays ont décidé de développer «une feuille de route durable et ambitieuse». Celle-ci inclut la mise en œuvre des engagements décrits sur seize points de ladite Déclaration dont le texte guide notre travail bilatéral au quotidien, marqué par l’organisation de nombreuses visites et réunions, notamment cette Réunion de haut niveau», avait relevé le diplomate espagnol.
De son côté, l’ancien président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a affirmé dans une déclaration à la MAP que cette Réunion de haut niveau «sera la consolidation de cette nouvelle étape, le lancement d’un programme ambitieux de coopération économique et culturelle et une opportunité pour le développement de l’Afrique subsaharienne, qui est le grand défi et le grand engagement». «Nous sommes à l’heure d’une relance claire des relations bilatérales dans un cadre positif», a fait observer M. Zapatero, relevant que «chaque fois que le Maroc et l’Espagne travaillent ensemble, les résultats sont toujours positifs dans tous les domaines : immigration, économie, développement et progrès». Ainsi, a-t-il assuré, «les résultats de la consolidation des relations bilatérales profitent à l’Espagne, au Maroc et à l’ensemble de l’Afrique du Nord». Dans ce sens, M. Zapatero a fait noter que «depuis l’adoption de la nouvelle feuille de route entre les deux pays, à l’occasion de la visite du Président du gouvernement, Pedro Sanchez, au Maroc en avril dernier, les échanges commerciaux ont augmenté, les perspectives sont meilleures et l’immigration clandestine, qui est une question très difficile et dure pour les deux pays, est mieux maîtrisée».
S’appuyant sur leur proximité géographique, une complémentarité dynamique, des mécanismes d’anticipation et de convergence, les économies des deux Royaumes ont réussi à surmonter les difficultés, liées plus particulièrement aux conséquences de la Covid-19 et au contexte régional et international, pour bâtir un partenariat intégré dans les différentes chaînes de valeur. r>Ces préférences partagées s’étendent à de nouvelles dimensions qui augurent d’un avenir prometteur des relations économiques. Il s’agit, en premier lieu, de dimensions sectorielles, telles que l’intégration dans les chaînes industrielles de valeur en développant le partenariat dans les secteurs du textile, de l’électronique, de l’agroalimentaire, de l’automobile ou de l’énergie, mais également des dimensions d’ordre géoéconomique tirant profit de la stabilité politique du Maroc.
Cette nouvelle dynamique a permis au Maroc et à l’Espagne de maintenir dans le temps une dynamique durable des échanges commerciaux et de mettre en œuvre des projets de développement communs à forte valeur ajoutée. Preuve en est, la présence d’un fort tissu entrepreneurial espagnol au Maroc, qui tire profit du climat favorable d’investissement dans le Royaume qui ne cesse d’augmenter. De ce fait, l’Espagne est, depuis 10 ans, le premier partenaire commercial et client du Maroc.
Selon des chiffres officiels espagnols, le Maroc est la principale destination des investissements espagnols en Afrique et reçoit plus d’un tiers de tous les investissements directs espagnols destinés au continent africain. L’Espagne disposait d’un stock d’investissements au Maroc de 1.944 millions d’euros en 2020 (dernières données disponibles) et compte quelque 524 filiales de sociétés espagnoles et quelque 670 entreprises espagnoles détenant plus de 10% du capital de sociétés marocaines de droit marocain. Fruit de cette dynamique exponentielle, les échanges commerciaux entre Rabat et Madrid, qui se caractérisent par trois éléments essentiels, à savoir la cohérence, la qualité et l’équilibre, ont doublé au cours des dix dernières années, avec des taux de croissance supérieurs à 10% par an depuis 2011.
En 2021, le Maroc a exporté environ 7,3 milliards d’euros vers l’Espagne, en hausse de 14,6% par rapport à l’année passée, selon des données dévoilées par l’ambassade d’Espagne à Rabat. En revanche, le Maroc a importé du pays ibérique l’équivalent de 9,5 milliards d’euros enregistrant une croissance de 29,2%. Ces chiffres record représentent respectivement des quotes-parts de 3 et 2,1% de la part mondiale des exportations et des importations de l’Espagne. La courbe des échanges commerciaux entre les deux pays est sur une tendance haussière depuis 2016 affichant une légère baisse en 2020 avec des exportations vers l’Espagne qui ont atteint 6,37 milliards d’euros (contre 6,96 milliards d’euros en 2019), alors que les importations se sont élevées à 7,35 milliards d’euros (contre 8,45 milliards d’euros en 2019).
Les échanges commerciaux entre les deux pays ont augmenté de 31% pour atteindre près de 10 milliards d’euros en 2022, faisant du Maroc le principal partenaire commercial de l’Espagne en dehors de l’UE, à l’exception des États-Unis et du Royaume-Uni. Ces chiffres démontrent que les deux pays sont passés de la perception traditionnelle de concurrents dans des secteurs de valeur ajoutée à devenir des partenaires intégrés dans la chaîne de valeur, un exercice de maturité qui devra se consolider davantage lors de la Réunion de haut niveau, qui sera marquée par la tenue d’un forum économique bilatéral.
***********************
Zakaria Abouddahab estime que les relations entre Le Maroc et l’Espagne devraient connaître une nouvelle orientation stratégique, fondée sur des principes fondamentaux garants de leur pérennité. De ce fait, ce professeur de relations internationales à l’Université Mohammed V de Rabat s’attend à la conclusion d’accords de nouvelle génération à l’occasion de la Réunion de haut niveau qui se tient à Rabat les 1er et 2 février courant. «Il est clair que les relations entre les deux Royaumes seront à l’avenir très interdépendantes et multidirectionnelles. Mais elles se fonderont sur un socle de principes et de valeurs qui les rendront plus résilientes et moins vulnérables aux chocs géopolitiques», précise-t-il.
Le Matin : La dernière Réunion de haut niveau (RHN) entre les deux pays remonte à 2015. Qu’est ce qui a changé selon vous depuis cette date ?r>Zakaria Abouddahab : Le monde de 2015 n’est plus celui d’aujourd’hui et celui de demain sera encore plus différent. Nous vivons une accélération tous azimuts et des recompositions partout. Les relations entre le Maroc et l’Espagne ne sortent pas des logiques et des dynamiques mondiales. Plus concrètement, depuis la dernière réunion de haut niveau entre les deux parties en 2015, de nouveaux faits régionaux et internationaux sont intervenus : adoption par la Cour de justice de l’Union européenne d’une décision défavorable pour le Maroc (décembre 2015), tenue du premier sommet Maroc-pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe) en 2016, retour du Maroc à l’Union africaine en 2017, reconnaissance américaine de la pleine souveraineté du Royaume sur son Sahara (2020), retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, pandémie de la Covid-19 et ses conséquences globales (2020), grave crise diplomatique entre le Maroc et l’Espagne en juin 2021, rupture des relations diplomatiques entre le Maroc et l’Algérie en 2012, déclenchement du conflit armé en Ukraine en 2022… Les faits sont multiples et leurs incidences n’ont pas tardé à peser, d’une manière ou d’une autre, sur les relations entre les deux pays voisins. Exprimé autrement, l’on écrira que les relations Maroc-Espagne sont fonction de la configuration des rapports internationaux et des logiques internes de chaque protagoniste. Ces logiques sont traduites dans les comportements des acteurs concernés, lesquels comportements sont dictés à leur tour par des motivations et des éléments d’intentionnalité.
Selon vous, à quoi faut-il s’attendre lors de cette RHN en termes de décisions et d’orientations stratégiques ? r>Dans cette suite de séquences et de compénétrations, les relations Maroc-Espagne devraient connaître une nouvelle orientation stratégique, fondée cette fois-ci sur des principes fondamentaux garants de leur pérennité : confiance mutuelle, respect du voisinage, abstention de prendre des mesures unilatérales, réciprocité, entre autres. Des relations qui devront s’exprimer dans des accords de nouvelle génération incluant les questions d’intérêt commun : lutte contre le terrorisme et le crime organisé, lutte contre l’immigration irrégulière, régulation des flux transfrontaliers de marchandises et de personnes, délimitation maritime sur des bases équitables, coopération énergétique, intensification des relations culturelles et éducatives, concertation plus fluide entre les services de sécurité relevant de chaque pays… Bien entendu, la Feuille de route déjà convenue en avril 2022 servira de poteau indicateur aux futurs chantiers de coopération. Dans cette optique, il est nécessaire de souligner la centralité du respect de l’intégrité territoriale du Royaume dans toute démarche de consolidation du lien avec l’Espagne. Et ce lien est lui-même fonction, du moins partiellement, de la donne au sein de l’Union européenne. Il est donc clair que les relations entre les deux Royaumes seront à l’avenir très interdépendantes et multidirectionnelles. Elles subiront certes le poids de la conjoncture mondiale, mais elles se fonderont sur un socle de principes et de valeurs qui les rendront plus résilientes et moins vulnérables aux chocs géopolitiques.
Après la nouvelle position de Madrid sur le Sahara marocain, le régime algérien a opté pour des mesures de représailles vis-à-vis de l’Espagne en brandissant la carte du gaz. Mais Madrid a persisté dans son choix de miser sur le Maroc. Qu’est-ce qui explique selon vous ce choix ? r>Le choix de l’Espagne est fondé sur une conviction géopolitique qui, elle aussi, est articulée à d’autres comme les données géoéconomiques et les facteurs géostratégiques. En d’autres termes, le calcul géostratégique global entrepris par Madrid a révélé que le couple maroco-espagnol est plus solide et pérenne qu’une relation instable et incertaine avec l’Algérie. Plus profondément, il aura fallu plusieurs années pour que l’Espagne comprenne que la question du Sahara marocain est alimentée par la rivalité algérienne. En outre, Madrid a bien tiré les leçons d’une machination orchestrée par le régime algérien à l’occasion de l’affaire de «Ben Battouch». L’arme du gaz pèse de moins en moins sur les relations internationales, car elle est rattrapée par les énergies renouvelables. Or sur ce point, le Maroc se positionne désormais comme un acteur régional incontournable. La géographie et la proximité, conjuguées à la stabilité du Royaume, à son grand potentiel de développement, à son expérience avérée en matière de lutte contre le terrorisme et à sa crédibilité internationale, ont été parmi les facteurs décisifs du choix stratégique fait par l’Espagne.
En quoi une relation apaisée et constructive entre Rabat et Madrid est-elle importante pour l’espace euro-méditerranéen ? r>L’Espagne et le Maroc sont parmi les fervents défenseurs de l’intégration euro-méditerranéenne. Il suffit de rappeler que le Processus de Barcelone a été lancé en Espagne en novembre 1995, que l’Union pour la Méditerranée, lancée depuis l’appel de Tanger en 2007, a son siège à Barcelone, que le premier Sommet Maroc-Union européenne a eu lieu à Grenade en mars 2010, que le Maroc est le premier pays de la Méditerranée méridionale à avoir décroché de l’Union européenne un statut avancé (2008) et conclu un Partenariat vert, qu’il abrite à Fès l’Université euro-méditerranéenne fondée en 2014, que l’Espagne et le Maroc participent activement au Dialogue 5+5 et ses multiples dérivés… Cela étant rappelé, la consolidation des relations entre le Maroc et l’Espagne aura des incidences positives sur l’espace euro-méditerranéen. Qui plus est, non seulement il conviendrait d’inscrire ces relations dans ce registre régional, mais il faudrait étendre le spectre à d’autres cadres de coopération, comme le Sommet Union européenne-Union africaine.
Lors de la dernière visite en décembre 2022 du haut représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, le Maroc a souligné son soutien au nouvel agenda pour la Méditerranée adopté en 2021 et à la feuille convenue entre le Maroc et l’Union européenne en juin 2019. On le voit, l’avenir des relations entre le Maroc et l’Espagne sera impacté par la dynamique euro-méditerranéenne et les perspectives d’un meilleur ancrage stratégique du Royaume à l’Union européenne.
--------------------------------------
Face à l’accélération des défis liés à la situation régionale et internationale, et aux risques liés à la lutte contre le terrorisme, l’extrémisme, la cybercriminalité et les diverses formes de criminalité transnationale organisée, le Maroc et l’Espagne entretiennent des relations de coopérations exemplaires.
La coopération dans le domaine de la migration est également un exemple à suivre aux niveaux régional et international, qu’il s’agisse de la lutte contre la migration irrégulière, de l’intégration des Marocains résidant en Espagne ou de la coordination, la concertation et l’échange d’expertises et d’expériences au niveau des politiques d’immigration. L’Espagne n’a pas manqué de saluer le niveau de coopération existant avec le Maroc, ainsi que la mobilisation et l’engagement permanent des différents ministères concernés, les efforts marocains ayant abouti à des résultats remarquables et consacré la crédibilité et la contribution effective du Royaume à la promotion de la sécurité et de la paix dans l’ensemble de l’espace méditerranéen.
Par ailleurs, en dépit des difficultés liées au contexte international actuel et des répercussions de la pandémie de la Covid-19, les deux pays ont réussi à insuffler une nouvelle dynamique à leurs échanges commerciaux, à la faveur de la proximité géographique et de la forte présence d’un tissu entrepreneurial espagnol au Maroc, qui tire parti du climat d’investissement adéquat au Royaume, outre la diversification des échanges commerciaux.
Conscients de l’importance stratégique de préserver et de développer une relation privilégiée tournée vers l’avenir, le Maroc et l’Espagne affichent une détermination ferme pour l’édification d’un partenariat global renouvelé, à la hauteur des défis mais également des opportunités offertes par le 21e siècle, a affirmé l’ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich. «Le Maroc et l’Espagne sont deux pays amis et voisins, qui partagent des valeurs et des intérêts communs et qui ne cessent d’œuvrer ensemble pour faire de leur relation un exemple à suivre dans tous les domaines», a souligné Mme Benyaich dans un entretien à la MAP, à l’occasion de la tenue à Rabat de la 12e Réunion de haut niveau Maroc-Espagne. C’est dans le cadre de cet esprit que s’inscrit le discours prononcé par S.M. le Roi Mohammed VI à l’occasion du 68e anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le 20 août 2021, dans lequel le Souverain a appelé à l’inauguration d’une étape inédite dans les relations entre les deux pays, fondées sur la confiance mutuelle, la concertation permanente et la coopération franche et sincère, a rappelé Mme Benyaich. Dans ce sillage, l’ambassadrice du Maroc en Espagne a mis en exergue les «excellentes relations de fraternité» unissant les deux Familles Royales, assurant que les «liens distingués et privilégiés d’amitié solide et d’estime mutuelle entre S.M. le Roi et le Roi Felipe VI contribuent fortement à la consolidation d’une relation singulière et exemplaire».
La stabilité politique et la sécurité juridique font du Maroc la principale destination des investissements espagnols en Afrique, a affirmé le président de la Confédération espagnole des organisations entrepreneuriales (CEOE, patronat), Antonio Garamendi. «Les entreprises espagnoles considèrent le Maroc comme un pays stratégique, d’où leur vocation à y rester, principalement en raison de sa proximité géographique, de sa stabilité politique et de la sécurité juridique qu’il offre», a souligné M. Garamendi dans un entretien à la MAP, à l’occasion de la Réunion de haut niveau Maroc-Espagne. Le Maroc est la principale destination des investissements espagnols en Afrique et reçoit plus d’un tiers de tous les investissements directs espagnols destinés au continent africain, a ajouté M. Garamendi. Et de préciser que la coopération économique bilatérale est «basée sur une relation de complémentarité axée sur l’insertion dans la même chaîne de valeur, l’un des exemples est le secteur des composants automobiles. À cet égard, a-t-il poursuivi, d’autres secteurs d’opportunité sont de plus en plus pris en compte par les entreprises espagnoles au Maroc, notamment les énergies renouvelables, tant éoliennes que photovoltaïques, le secteur de l’approvisionnement et du traitement de l’eau, le transport et le secteur aéronautique et aérospatial, entre autres.
>> Lire aussi : S.M. le Roi s'entretient au téléphone avec Pedro Sanchez, président du Gouvernement espagnol