Économie

La relance économique passe par une baisse d’impôt et un appui aux TPME (Analyste)

La forte inflation qui perdure depuis des mois a eu un impact important sur les ménages, le tissu entrepreneurial marocain et, par conséquent, sur l'activité économique qui se replie. Face à cette situation, la solution pour relancer l'économie consiste, selon le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management (CMGM), Youssef Guerraoui Filali, à soutenir la demande intérieure en réduisant le taux de l'IR et celui de la TVA pour un certain nombre de produits de base. Quant aux TPME, il s'agit d'orienter les commandes publiques et privées vers elles et de réduire les délais de paiement afin d'assurer leur viabilité.

Youssef Guerraoui Filali

14 Mai 2023 À 19:01

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Les premiers à faire les frais de la crise inflationniste, sont les ménages et les TPME. Pour les soutenir, et en conséquence redonner de la vigueur à l'activité économique, le gouvernement doit agir pour stimuler la demande intérieure et faire bénéficier les TPME des commandes, qu’elles soient publiques ou privées.

L'économie marocaine se trouve face à un phénomène de stagflation

La situation actuelle est très particulière. D’après M. Guerraoui Filali, «nous sommes confrontés aujourd'hui à un phénomène appelé “stagflation”, c'est-à-dire à une situation où l'on observe de très forts taux d'augmentation des prix des denrées alimentaires». «Cela signifie que si l'on compare l'indice général de l'inflation avec l'augmentation de certains prix alimentaires, cette dernière le dépasse largement. Si nous avons un taux d'inflation de 8%, sur certains produits de base, les pourcentages d'augmentation sont de l'ordre de 15 à 20%», explique le directeur du Centre marocain pour la gouvernance et le management. Parallèlement, poursuit-il, «on observe un ralentissement des activités économiques et par conséquent une hausse du taux de chômage».

S’attaquer à la demande pour relancer l’activité économique

Le demande intérieure est le moteur de la relance économique. Donc, pour relancer l'activité économique, M. Gerraoui Filali plaide pour que l'on «s'attaque à cette demande intérieur». «Aujourd'hui, depuis le début de l'année, il y a plusieurs indicateurs négatifs de nature à mettre plus de pression sur le gouvernement pour soutenir la demande intérieure. Le conflit russo-ukrainien a provoqué une inflation importée qui s'est donc répercutée sur les coûts de revient et les coûts des matières importées de l'étranger», note-t-il.

En conséquence, «on a systématiquement commencé à agir sur les prix de vente, ce qui a eu un impact sur le pouvoir d'achat des citoyens et a entraîné un renchérissement du coût de la vie, d'où la nécessité de réagir à cette situation en soutenant la demande intérieure». Pour cela, il faut améliorer le revenu des citoyens. Mais par quel biais ? Augmenter les salaires ? D’après M. Guerraoui Filali, «augmenter les salaires est difficile actuellement, car même les grandes et moyennes entreprises sont très vigilantes sur leur masse salariale en raison du manque de visibilité sur les évolutions à venir.

La solution consiste donc à agir sur les impôts qui affectent en grande partie le revenu du salarié. «Si nous prenons par exemple l'impôt sur le revenu (IR), le baisser de 2% serait une mesure très importante qui encouragerait directement la demande intérieure», affirme-t-il. «Certes, cela coûtera des milliards de dirhams au Budget de l'État, mais le gouvernement doit dégager des marges de manœuvre et aller vers l'innovation fiscale qui permettra de financer des mesures courageuses en termes de baisse de l'IR». De même, estime le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management, «le gouvernement doit agir sur la TVA». «Nous avons un taux de TVA qui reste assez élevé pour un certain nombre de produits de consommation», fait-il remarquer, ajoutant que ces mesures visant l’IR et la TVA «nous permettront d'avoir une bouffée d'oxygène et d'améliorer le pouvoir d'achat des citoyens».

Le tissu entrepreneurial marocain est dans une situation très inquiétante

Du côté des TPME, celles-ci restent énormément en proie aux problèmes de fonds de roulement et de délais de paiement qui dépassent les 80 jours, alors qu'elles ont des dépenses récurrentes et des charges à payer à la fin de chaque mois, souligne M. Guerraoui Filali. De même, ajoute-t-il, les TPME ont toujours du mal à accéder aux commandes (publiques ou privées). «Ceci est dû à une situation de concentration et de méfiance vis-à-vis du tissu entrepreneurial marocain», déplore-t-il.r>Et de constater que l'arsenal juridique, bien que consolidé, ne porte pas ses fruits, raison pour laquelle il faut s'atteler aux voies permettant de faire bénéficier les TPME des commandes publiques et privées, des marchés, de certaines conventions dites de droit commun et faire en sorte que celles-ci soient payées rapidement au lieu de devoir endurer de longs délais de paiement et de tomber sous le coup de la déchéance commerciale, voire de la faillite.

13.000 défaillances d'entreprises en 2023 : cela ne concerne que les entreprises du secteur formel

Le chiffre de 13.000 défaillances d'entreprises avancé par Inforisk ne prend en compte que les entreprises opérant dans le secteur formel. Ce chiffre ne prend pas en compte les entreprises qui sont dans le secteur informel, les entreprises économiques qui n'ont pas de statut juridique (S.A., SARL...), les micro-entreprises et les auto-entrepreneurs, précise M. Guerraoui Filali. «Le chiffre réel pour moi serait deux fois supérieur à celui-ci et même plus», dit-il, ajoutant que les TPME opérant dans le secteur agricole de même les coopératives seraient les plus concernées par ces défaillances.

Des revendeurs profitent de cette situation de crise pour s’enrichir

Le problème de l'augmentation du coût de la vie n'est pas seulement le résultat d'une inflation importée, mais il est aussi lié à un problème spéculation et d'éthique. «Certains revendeurs gonflent et multiplient par deux leurs marges bénéficiaires et profitent donc de cette situation de crise pour s'enrichir», s'indigne le président du Centre marocain pour la gouvernance et le management. Pour lui, les mesures du gouvernement prises dans ce sens sont insuffisantes et les descentes pour contrôler les prix au niveau des points de vente au détail ne sont pas efficaces. «Les contrôles effectués sont des contrôles en bout de chaîne et donc sans impact». D'après M. Guerraoui, «c'est au niveau des marges bénéficiaires des revendeurs qu'il faut intervenir». Aussi, l'aide aux transporteurs n'a pas été d'une grande efficacité et il aurait fallu opter, selon lui, pour une subvention des prix à la pompe.

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