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Agents de sécurité privée : les entreprises contrevenantes dans le viseur de Younes Sekkouri

Salaires impayés, contrats précaires, absence de couverture sociale… Les agents de sécurité restent les maillons faibles d’un secteur où la loi n’est pas appliquée au pied de la lettre. Malgré le cadre législatif mis en place depuis plus de quinze ans, le secteur de la sécurité privée reste marqué par des infractions massives. Face à ce constat préoccupant, le ministère de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences ne reste pas les bras croisés. Des contrôles plus réguliers et plus sévères sont menés depuis 2022. Au cours des neuf premiers mois de 2024, pas moins de 29.711 visites ont été effectuées, mettant en lumière 254.039 observations, dont 61.099 infractions liées au respect du salaire minimum.

25 Février 2025 À 16:50

Face à la prolifération des entreprises de sécurité privée, le ministère de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences affiche une ferme volonté d’encadrer plus strictement cette activité en pleine croissance. C’est ce qu’a affirmé Younes Sekkouri en réponse à une question écrite du groupe parlementaire du Mouvement populaire à la Chambre des représentants.



Il faut dire que ces entreprises ne travaillent pas toutes dans la clarté et dans le respect des réglementations en vigueur. En 2022, elles ont été dans viseur du programme national d’inspection du travail. Quelque 789 visites ont été effectuées en seulement deux mois (septembre et octobre) permettant de relever 7.532 infractions, dont 4.589 liées aux salaires. L’année suivante, le contrôle s’est intensifié pour englober les sièges sociaux et les sites d’intervention des agents de sécurité. En 2023, pas moins de 1.086 visites ont été menées, donnant lieu à 8.462 observations. Parmi elles, 840 infractions liées au salaire minimum, 215 à l’absence de déclarations à la sécurité sociale, 162 manquements à l’assurance contre les accidents de travail, sans compter 42 irrégularités concernant l’assurance maladie obligatoire. Partant de là, le ministère avait inscrit ce secteur comme deuxième priorité nationale en 2024, avec un programme d’inspection intensif sur le dernier trimestre. Objectif affiché : renforcer le respect des droits des travailleurs et assainir le secteur.

Un cadre juridique encore peu appliqué

Pourtant le secteur bénéficie d’un cadre juridique bien établi. En effet, la loi 27.06 de 2007 fixe les règles du jeu en matière de gardiennage et de transport de fonds, un texte qui a d’ailleurs été complété en 2010 par un décret d’application détaillant les conditions d’exercice et les obligations des entreprises. Théoriquement, le contrôle est assuré conjointement par les officiers de police judiciaire et les inspecteurs du travail. Mais dans la pratique, les abus sont légion. Salaires impayés, contrats précaires, absence de couverture sociale... Les agents de sécurité restent les maillons faibles d’un secteur où la loi peine à être appliquée.

Des sanctions dissuasives, mais insuffisantes ?

Conscient de ces dérives, le ministère de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences tente d’instaurer davantage de discipline, notamment en imposant aux entreprises adjudicataires de marchés publics de respecter scrupuleusement leurs engagements salariaux et sociaux. À défaut, elles se voient refuser la délivrance du certificat administratif prévu par l’article 519 du Code du travail, une condition sine qua non pour récupérer leur caution financière. Une mesure dissuasive, certes, mais qui ne semble pas suffire à mettre fin aux violations constatées.

Un secteur toujours en attente de réformes profondes

Pour surmonter ces insuffisances, le gouvernement promet de faire plus et mieux. La réforme du Code du travail, prévue dans le cadre de l’accord social du 30 avril 2024, est présentée comme une opportunité pour renforcer le statut des agents de sécurité privée et garantir une meilleure protection de leurs droits. Mais en attendant cette prochaine réforme, les agents de sécurité restent livrés à eux-mêmes, contraints de travailler dans des conditions de travail souvent précaires. La volonté politique affichée par Younes Sekkouri suffira-t-elle à opérer le changement nécessaire et à réhabiliter cette catégorie de salariés dans leurs droits ?

Statistiques générales relatives au contrôle des unités de production

Au cours des neuf premiers mois de 2024, les inspecteurs du travail ont mené 29.711 visites dans différentes unités de production à travers le pays, mettant en lumière 254.039 observations, dont 61.099 infractions liées aux rémunérations. Le ministère de l’Inclusion économique, de la petite entreprise, de l’emploi et des compétences précise dans ce sens que ces contrôles ont relevé 6.968 manquements au salaire minimum légal, ainsi que 4.505 infractions aux normes de santé et de sécurité au travail. Sur les trois premiers trimestres de l’année, la protection sociale des employés s’est imposée comme un axe majeur des inspections, donnant lieu à 13.526 observations, dont 7.219 infractions liées à la couverture sociale, 2.042 remarques concernant le respect de l’assurance maladie obligatoire et 4.265 manquements relatifs à l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, des constats qui témoignent d’une application encore imparfaite des obligations légales des entreprises. En parallèle, les inspecteurs ont dressé 158 procès-verbaux, recensant 316 infractions et 370 manquements, un bilan qui confirme l’ampleur des irrégularités et renforce la nécessité d’un encadrement plus strict du monde du travail.
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