Brahim Mokhliss
16 Octobre 2025
À 16:20
Ce vendredi 17 octobre 2025 s'ouvre une nouvelle page dans l'histoire de l'une des plus anciennes formations politiques marocaines. À Bouznika, au Centre de la jeunesse et des sports, l'
Union socialiste des forces populaires tient son douzième congrès national, un rendez-vous qui s'annonce décisif à plus d'un titre. Avant même que les travaux ne démarrent officiellement à 10 heures, le Conseil national du parti devra trancher une question éminemment sensible : l'adoption de la plateforme juridique et organisationnelle qui déterminera les modalités d'élection des instances décisionnelles. En jeu : l'avenir politique de
Driss Lachgar et sa capacité à diriger le parti pour un quatrième mandat consécutif.
Une modification statutaire au cœur des débats
La commission préparatoire a soumis une proposition d'amendement des statuts qui, si elle est adoptée, permettrait au premier secrétaire sortant de se porter à nouveau candidat. Une question cruciale pour celui qui dirige l'USFP depuis décembre 2012, suite aux travaux du neuvième congrès, avant d'être réélu à l'unanimité lors des dixième et onzième congrès en 2017 et 2022. Cette proposition touche au cœur de la gouvernance interne et des règles de limitation des mandats. Point névralgique de l'ordre du jour, elle promet des échanges nourris entre les quelque congressistes réunis sous le thème «Un Maroc en essor : économiquement, socialement et institutionnellement».
«Le congrès est souverain»
Interrogé par le quotidien «Assahraa Al Maghribia», Driss Lachgar a tenu à réaffirmer un principe fondamental : «Le congrès est souverain dans ses décisions et dans le choix de sa nouvelle direction». Pour le dirigeant usfpéiste, cette assise dépasse largement le cadre d'un «simple rendez-vous organisationnel de renouvellement des instances dirigeantes». «Il constituera un véritable point de départ pour reconstruire l'Union dans sa profondeur idéologique et organisationnelle, et pour revitaliser son projet politique au service des causes nationales», a-t-il déclaré, martelant que «la décision sera laissée à l'appréciation du congrès, sans aucune contrainte imposée aux congressistes». Le premier secrétaire insiste sur le caractère démocratique de l'événement : «participation de tous les membres, présentation transparente des dossiers, et élection de la nouvelle direction selon les principes d'intégrité et de compétence».
Une mobilisation internationale significative
Selon les organisateurs, le congrès bénéficie d'une participation internationale notable. Depuis jeudi, une trentaine d'invités venus du monde arabe, d'Afrique, d'Europe et d'Amérique latine ont rejoint Bouznika. Parmi eux, des parlementaires, des dirigeants de partis, la coordinatrice générale de l'Internationale socialiste, la présidente de l'Internationale socialiste des femmes, ainsi que Rouhi Fattouh, président du Conseil national palestinien. Quatre grands séminaires ponctueront les travaux, portant sur la question palestinienne après l'accord de paix, la démocratie et les droits de l'Homme, les transformations démocratiques dans le monde, et la coopération multilatérale. Des thématiques qui inscrivent le parti dans le débat mondial sur les valeurs de justice et de pluralisme.
Une préparation de longue haleine
Les membres de la commission préparatoire du congrès tiennent à souligner que ce congrès est l'aboutissement d'une année entière de préparation menée à tous les échelons du parti. Le processus a démarré au sein des structures sectorielles, véritables prolongements professionnels et sociaux du parti. Dans le secteur de la santé, le parti a fait du débat autour de la loi-cadre 06.22 un levier pour exposer sa vision de la justice sanitaire. Dans l'éducation, il a défendu l'école publique comme outil de promotion sociale. Au barreau, il a plaidé pour l'indépendance de la justice. Dans l'ingénierie, il a relié l'innovation à la transition écologique. Ce sont quelque 74 congrès provinciaux qui ont été organisés, suivis de congrès régionaux «qui ont constitué de véritables moments démocratiques». Ces assises ont permis de restaurer la confiance entre la base militante et de raviver le débat sur la justice territoriale, l'emploi et la régionalisation avancée, soutiennent des membres de la commission préparatoire.
Huit documents pour tracer l'avenir
Les congressistes examineront à partir de ce vendredi huit documents adoptés à l'unanimité par la commission préparatoire et publiés dans le quotidien «Al Ittihad Al Ichtiraki» entre le 9 et le 13 octobre 2025. Ces textes couvrent les dimensions politique, économique et sociale, culturelle, féminine, jeunesse et sport, organisationnelle, idéologique et de référence, ainsi que médiatique et numérique.
M. Lachgar a précisé que ces documents «comportent des programmes concrets fondés sur un diagnostic précis de la situation politique, économique et sociale, et proposent des alternatives sociétales, à travers des politiques socialistes inspirées d'expériences réussies et applicables». Le congrès sera également l'occasion, selon lui, «d'approfondir le débat sur les grandes orientations du parti et d'élaborer une nouvelle feuille de route répondant aux attentes des Marocains vis-à-vis de l'USFP».
Un demi-siècle d'histoire mouvementée
L'Union socialiste des forces populaires a été créée en 1975, suite à une scission de l'Union nationale des forces populaires (UNFP). Les prémices de cette rupture remontent à 1972, lorsqu'un courant de contestation fait émerger deux groupes au sein de l'UNFP : l'un à Casablanca, dirigé par Abdellah Ibrahim, l'autre à Rabat, mené par Abderrahim Bouabid. En 1973, des arrestations touchent le groupe de Abderrahim Bouabid, dont les activités sont suspendues pendant quatre mois. Le parti a tenu onze congrès depuis sa création (1975, congrès exceptionnel en 1975, 1978, 1984, 1989, 2001, 2005, 2007, 2008, 2012, 2017, 2022). De 1975 à 1984, l'USFP boycotte les élections. Cette position évolue après le congrès de 1984, changement de cap couronné par l'accession au gouvernement en 1998.
Au niveau de la direction, après le départ de Abderrahmane Youssoufi, Mohamed El Yazghi est élu premier secrétaire lors du septième congrès. Il le restera jusqu'à sa démission du Bureau politique en décembre 2007. Abdelwahed Radi, alors ministre de la Justice, lui succède et est élu premier secrétaire lors du huitième congrès en 2008. En décembre 2012, Driss Lachgar prend les rênes au terme du neuvième congrès, avant d'être réélu à l'unanimité en 2017 et reconduit à l'unanimité en 2022.