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Civisme au Maroc : politesse, respect, entraide… le grand malaise à l’approche du Mondial 2030

Respect, discipline, politesse, responsabilité : si les Marocains partagent ces valeurs, la réalité de leur mise en pratique dans l’espace public reste largement perfectible, selon une enquête nationale du Centre marocain pour la citoyenneté. Près de 73,5 % des sondés se disent insatisfaits du respect de la propreté, 60,9 % dénoncent le non-respect du code de la route, et 60,7 % déplorent un déficit dans la ponctualité.

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28 Mai 2025 À 17:45

Dans un contexte marqué par de grandes ambitions nationales – notamment l’organisation de la Coupe du Monde 2030 – et un besoin accru de cohésion sociale, le Centre marocain pour la citoyenneté a réalisé, entre le 10 février et le 13 mars 2025, une enquête inédite sur le civisme des Marocains. Près de 1.173 personnes issues de toutes les régions du Royaume y ont participé via un questionnaire diffusé en ligne.

Des attitudes partagées mais des pratiques critiquées

L’étude révèle un paradoxe marquant : les Marocains adhèrent aux principes du civisme, mais dénoncent leur application lacunaire dans la société.

Propreté et environnement : 73,5 % des personnes interrogées ne sont pas satisfaites du comportement des citoyens dans les lieux publics en matière de propreté. Même constat pour le respect des espaces verts (66,8 % d’insatisfaits) et des équipements publics (69,8 %).

Comportement dans les transports : 54,8 % se déclarent insatisfaits des comportements dans les transports en commun, tandis que 60,9 % estiment que le code de la route est mal respecté, tant par les automobilistes que les piétons.

Ponctualité et discipline : 60,7 % jugent que les Marocains ne respectent pas les horaires, et 46,2 % critiquent le non-respect des files d’attente.

Respect interpersonnel : une perception nuancée

Le rapport détaille aussi les perceptions en matière de respect d’autrui dans l’espace public :
  • Respect des femmes : 52,2 % jugent insuffisant le respect envers les femmes dans l’espace public.
  • Respect des personnes âgées ou en situation de handicap : 43,3 % estiment ce respect satisfaisant, mais 18,8 % expriment un mécontentement.
  • Comportements de voisinage : 44,4 % se déclarent insatisfaits du respect entre voisins.
  • Politesse et langage : seuls 12,4 % des sondés se disent satisfaits du respect des règles élémentaires de courtoisie (langage respectueux, attitude polie), contre 42,8 % d’insatisfaits.
L’action des autorités pour renforcer le civisme est jugée largement insuffisante. Ainsi, 52,9 % ne perçoivent aucun effort gouvernemental dans ce domaine, tandis que 45,2 % estiment que les actions entreprises restent limitées, alors que seuls 1,9 % considèrent que des politiques efficaces sont mises en œuvre.

La Coupe du Monde 2030, catalyseur possible

Le rapport évoque enfin l’organisation de la Coupe du monde 2030 comme une opportunité symbolique pour redresser l’image civique du pays. Les Marocains pensent que ce rendez-vous planétaire pourrait améliorer sensiblement les comportements, à condition d’un accompagnement fort en sensibilisation et en action publique. Ainsi, à la question de savoir si l’organisation du Mondial 2030 pourrait améliorer le civisme au Maroc, 22,7 % pensent que cela pourrait fortement renforcer les comportements civiques, 36,7 % y voient un effet limité et 32,9 % estiment qu’il n’y aura aucun impact réel.

L'enquête a permis d'identifier un certain nombre de comportements négatifs qui pourraient nuire à l’image du Maroc pendant la Coupe du monde 2030 :

Agressivité dans la vente et les services touristiques (hausse injustifiée des prix ou mauvaise qualité des services) :

84,8 % des sondés estiment que ce comportement nuit fortement à l’image du Maroc.

Accumulation des déchets et manque de propreté dans les lieux publics :

81,7 % considèrent cela comme un comportement négatif qui reflète mal la culture de l’hygiène et la responsabilité environnementale.

Mendicité dans les zones touristiques, notamment l’exploitation des enfants :

77,0 % des sondés jugent que cela crée une image négative et trouble le confort des visiteurs.

Manque de propreté des toilettes publiques dans les sites touristiques et les stades :

73,6 % estiment que ce problème nuit à l’image des infrastructures touristiques marocaines.

Problèmes liés aux taxis (refus d’allumer le compteur, surfacturation, refus de transporter les touristes) :

73,0 % des sondés dénoncent ces pratiques.

Insuffisance des services de santé et d'urgence :

71,7 % pensent que cela reflète un système de santé fragile.

Non-respect de la propreté dans les stades, les transports et les commerces :

71,6 % pointent cette incivilité comme un facteur nuisible à l’image du pays.

Harcèlement verbal ou physique envers les femmes :

69,6 % des participants le considèrent comme un comportement récurrent et préoccupant.

Comportements envahissants dans les rues et les marchés :

64,9 % estiment que cela dérange les touristes et nuit à leur expérience.

Violation du Code de la route, notamment le non-respect des passages piétons :

61,9 % des sondés estiment que cela affecte le sentiment de sécurité.

Manque d’ouverture culturelle et absence de respect envers les touristes (refus d’accepter les différences culturelles et comportementales) :

37,6 % jugent cela comme un frein aux bonnes relations avec les visiteurs.

Quelles solutions pour améliorer le civisme ?

Les Marocains identifient trois leviers essentiels pour améliorer les comportements :
  1. La famille : pour 80 % des répondants, la transmission des valeurs civiques commence à la maison.
  2. L’école : 59,7 % jugent que les établissements éducatifs doivent jouer un rôle majeur à travers les programmes et les activités.
  3. Le respect de la loi : 54,9 % plaident pour une application stricte et équitable des lois pour renforcer l’ordre et la discipline dans la société.


L’étude brosse un tableau critique mais utile du civisme au Maroc. Elle révèle un besoin urgent d’actions concertées – éducatives, institutionnelles, citoyennes – pour réconcilier les valeurs partagées avec les pratiques quotidiennes. Alors que le Maroc s’apprête à accueillir le monde en 2030, ce défi est aussi une opportunité pour bâtir une société plus respectueuse, disciplinée et solidaire.

Entraide, courtoisie : des valeurs en net recul dans l’espace public

Respect des règles de politesse (langage respectueux)
  • 44,8 % des répondants estiment que le niveau de respect des Marocains dans l’espace public est moyen.
  • 42,8 % expriment leur insatisfaction.
  • Seulement 12,4 % se déclarent satisfaits.
Respect du voisin et évitement des nuisances
  • 44,4 % insatisfaits du comportement des Marocains envers leurs voisins.
  • 39,9 % estiment que le niveau de respect est moyen.
  • Seuls 15,7 % sont satisfaits.
Respect des femmes et absence de harcèlement
  • 52,2 % insatisfaits du comportement des Marocains envers les femmes dans l’espace public.
  • 36 % jugent le niveau de respect moyen.
  • À peine 11,9 % sont satisfaits.
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