Yousra Amrani
25 Octobre 2025
À 16:10
La courbe ascendante du
mariage des mineurs semble enfin marquer un recul. Selon les dernières statistiques du
Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), publiées récemment au
Bulletin officiel, 16.755 demandes de mariage de mineurs ont été enregistrées en 2024, soit une baisse significative de 17% par rapport à l’année précédente. Une évolution encourageante en apparence, mais qui ne doit pas occulter la réalité sociale du phénomène : plus de 96% des mineurs concernés restent sans aucune activité professionnelle, signe d’une fragilité économique et éducative persistante au sein de cette frange de la jeunesse marocaine. Une tendance à la baisse, mais un phénomène toujours présent.
Selon les données statistiques du rapport, le Maroc a connu en 2024, pas moins de 3.437 demandes de moins qu’en 2023, soit une diminution de 17,02% sachant que les mariages précoces concernent majoritairement les filles : les demandes de mariage de mineures sont passées de 20.002 à 16.501, soit une baisse de 17,5%. En revanche, le nombre de demandes émanant de garçons mineurs a augmenté, passant de 190 à 254, ce qui représente une hausse de 33,68%. Le taux d’acceptation des mariages impliquant des mineurs s’est établi quant à lui à 62,94%, un chiffre quasiment stable par rapport à 2023.
Des mariages concentrés dans le monde rural et parmi les non-scolarisés
Notons que le mariage des mineurs reste particulièrement répandu dans les
zones rurales et chez les jeunes non scolarisés. En effet, 92,53% des demandes proviennent de mineurs non scolarisés, soit 15.503 demandes enregistrées sur l’année, tandis que 78,13% des mariages concernent des jeunes issus du milieu rural. En comparaison, le milieu urbain ne représente ainsi que 21,87% des demandes, avec 3.664 dossiers. L’autre chiffre intéressant est la faible proportion du mariage des mineurs par rapport au nombre de demandes globales. En effet, le CSPJ indique que les mariages de mineurs ne constituent que 6,46% de l’ensemble des 259.212 demandes de mariage enregistrées au Maroc en 2024.
Marrakech, Fès et Kénitra en tête des régions concernées Il convient de souligner que l’analyse de la répartition des demandes de mariage pour mineurs fait ressortir de fortes disparités régionales, sachant que c’est la Cour d’appel de Marrakech qui arrive en tête avec 2.941 demandes (soit 17,55% du total national), suivie par Fès avec 2.394 demandes (14,29%) et Kénitra avec 1.480 demandes (8,83%). À l’opposé, Guelmim enregistre le plus faible nombre avec seulement 48 demandes, soit 0,29%. S’agissant du taux d’acceptation, la Cour d’appel d’Errachidia se distingue avec 81,01% de demandes acceptées, suivie de Fès (76,56%) et de Kénitra (75,65%).
Les
filles toujours largement concernées Pour ce qui est de l’analyse de la répartition des demandes par sexe, on apprend que les filles représentent 98,5% des demandes de mariage de mineurs, contre seulement 1,5% pour les garçons. Dans ce sens, le rapport relève que sur les 16.730 demandes féminines, 10.570 ont été acceptées, soit un taux de 63,18%, alors que 121 demandes masculines seulement ont obtenu une autorisation (soit 47,45%). Malgré le recul global du phénomène chez les filles (-17,5 %), la hausse constatée chez les garçons (+33,68 %) interroge sur les nouveaux profils sociaux.
Les mariages concernent surtout les jeunes de 17 ans S’agissant de la moyenne d’âge des jeunes ayant soumis des demandes, le rapport note que la majorité des demandes proviennent de jeunes âgés de 17 ans, représentant 65,56% du total, soit 10.984 dossiers, dont 7.828 ont été approuvés. Viennent ensuite les jeunes âgés de 16 à 17 ans (30,31% des demandes, soit 5.079 dossiers) dont 2.772 ont été acceptés. Les mineurs âgés de 15 à 16 ans quant à eux ont déposé 633 demandes, pour seulement 90 autorisations accordées, tandis que la tranche des moins de 15 ans ne compte que 59 demandes, dont une seule a été acceptée.
Un phénomène qui touche surtout les jeunes exclus du système éducatif
Le rapport révèle par ailleurs que le mariage précoce concerne principalement les jeunes non instruits, avec 15.503 demandes (92,53%), contre 885 demandes de mineurs encore scolarisés (5,28%) et 367 demandes d’élèves déscolarisés (2,19%). Les taux d’acceptation varient selon la catégorie : 64,26% pour les non scolarisés, 48,36% pour les élèves encore à l’école, et 43,09% pour ceux qui ont abandonné leurs études.
Ainsi en dépit de la baisse enregistrée en 2024, le phénomène du mariage des mineurs demeure profondément enraciné dans certaines régions rurales et au sein des familles défavorisées. Le rapport du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire invite implicitement à une réflexion nationale sur les causes structurelles de cette pratique, liées à la pauvreté, à la déscolarisation et à la persistance de certaines traditions.