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Maroc-UE : Rabat exige un partenariat qui respecte ses intérêts supérieurs, Bruxelles se veut rassurant

Dans un échange aussi cordial qu’engagé avec Olivér Várhelyi, le ministre marocain des Affaires étrangères a réaffirmé la nécessité pour l’UE de passer des belles paroles aux actes concrets. Profitant de la visite effectuée au Maroc le 25 novembre par le commissaire européen chargé du voisinage et de l'élargissement, M. Bourita a livré un message clair : pour le Royaume, l'amour se mesure à l'aune des preuves tangibles. Décryptage : les partenariats et les engagements juridiques du Maroc ne se feront jamais au détriment de son unité nationale et de son intégrité territoriale. Alors qu’à Rabat, comme à Bruxelles, la volonté est clairement affichée de renforcer le partenariat Maroc-UE, il est temps de l’immuniser contre toute instrumentalisation ou récupération politique. Et sur ce registre-là, le Maroc veut des preuves tangibles !

25 Novembre 2024 À 18:30

«Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour !» Tel est le message fort qu’a adressé Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, à l’Union européenne (UE). Lors de la conférence de presse qui a sanctionné la visite au Maroc du commissaire européen chargé du voisinage et de l'élargissement, Olivér Várhelyi, M. Bourita a réaffirmé la position ferme du Maroc, comme l’a souligné Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans Son discours du 6 novembre dernier : les partenariats et les engagements juridiques du Maroc ne se feront jamais au détriment de son unité nationale et de son intégrité territoriale.

Une étape charnière pour le partenariat

Avec un sourire affable, mais des mots incisifs, le diplomate marocain a souligné que cette visite intervenait à un étape charnière pour le partenariat entre le Maroc et l'Union européenne. Il s'agit d'une phase décisive où la volonté de coopération doit se traduire par des actes concrets et ne pas se limiter à de simples déclarations. «Il est essentiel de matérialiser les discours tenus à Bruxelles et dans les capitales européennes sur l'importance de cette collaboration par des initiatives tangibles et des signaux clairs», a déclaré M. Bourita. Cela doit se manifester selon lui par la défense active de ce partenariat contre «les actes de chantage» ainsi que «le harcèlement juridique et économique». «La balle est aujourd’hui dans le camp de l’UE pour apporter des réponses pratiques, émettre des signaux clairs et trouver des solutions tangibles», a-t-il insisté.

Le Maroc, un partenaire «indispensable»

«Nous sommes avec vous !», a répondu Olivér Várhelyi, dont la visite au Maroc pourrait être la dernière en tant que commissaire pour le Voisinage et l'élargissement. «J’espère que ma visite d’aujourd’hui est une expression d’amour», a-t-il poursuivi. Pour le représentant européen, ce défi ne concerne pas seulement le Maroc. Il est également d'une grande importance pour l'Union européenne. Raison pour laquelle il est essentiel de trouver une solution qui réponde aux enjeux communs aux deux parties. «C'est dans cette optique que je réalise cette dernière visite au Maroc, avec l'espoir de garantir une réponse rapide et efficace aux problématiques que nous devons affronter. Nous sommes pleinement disposés à collaborer avec vous, et notre message est clair : nous sommes fermement attachés à tous les acquis que nous avons construits avec le Maroc, et nous aspirons non seulement à les préserver, mais également à les élargir», a assuré le diplomate hongrois.

Pour Olivér Várhelyi, il est essentiel de préserver et d’immuniser le partenariat avec le Royaume, d’autant qu’au cours des cinq dernières années, le Maroc s'est affirmé en Europe comme un véritable pilier de stabilité et de prospérité. Rabat se distingue, a-t-il dit, par son engagement constant et sa fiabilité en matière de sécurité régionale. «Ce partenariat, selon moi, n'est pas seulement positif, mais également indispensable», a-t-il relevé, ajoutant qu’il est désormais crucial pour l’UE de redoubler d’efforts et de proposer des solutions concrètes pour surmonter les difficultés qui se dressent devant ce partenariat.

Un soutien indéfectible à saluer

De son côté, M. Bourita n’a pas manqué de saluer les efforts et le soutien d'Olivér Várhelyi, louant son engagement indéfectible dans la consolidation du partenariat entre le Maroc et l'UE au cours des cinq dernières années. Il a également dit apprécier l'implication de M. Várhelyi dans les grandes réformes déployées par le Maroc, notamment en matière de consolidation de l’État social et de stratégies sectorielles. Le chef de la diplomatie marocaine a également souligné la mobilisation exemplaire de l'Union européenne en réponse aux crises ayant affecté le Royaume, notamment celles causées par la pandémie de Covid-19 et le séisme dévastateur d'Al Haouz.

Pour sa part, Olivér Várhelyi a exprimé sa satisfaction d'avoir contribué activement aux réformes en faveur du développement économique au Maroc. «5,2 milliards d'euros d'investissements directs dans l'économie marocaine, c'est du concret !» a-t-il déclaré avec enthousiasme, un clin d’œil aux propos de son interlocuteur. Le diplomate européen a par ailleurs évoqué les 190 millions d’euros alloués à un programme intégré dédié à la reconstruction et à la mise à niveau des zones sinistrées par le séisme d'Al Haouz survenu en septembre 2023. «Nous sommes toujours aux côtés du peuple marocain. Le fait que la Banque européenne d’investissement ait augmenté le montant de cette aide directe à 1 milliard d’euros en est une autre preuve tangible», a-t-il souligné, affirmant ainsi le soutien indéfectible de l'UE au Maroc.

Le partenariat Maroc-UE en chiffres

Depuis l'entrée en vigueur de l'accord d'association entre l'Union européenne et le Maroc en mars 2000, les deux parties ont connu une avancée remarquable dans leurs relations, illustrée par des chiffres éloquents. En effet, l'UE constitue le principal partenaire commercial du Maroc, représentant 25% des échanges commerciaux du Royaume. En 2021, près de 49% des importations marocaines provenaient de l'UE, tandis que 59% de ses exportations y étaient destinées, avec un volume total des échanges atteignant 44 milliards d'euros. Ces chiffres mettent en lumière l'importance cruciale du partenariat économique entre Rabat et Bruxelles.

Le statut avancé obtenu par le Maroc en octobre 2008 dans le cadre de la politique européenne de voisinage a joué un rôle déterminant dans le renforcement de ces relations. Ce statut a permis d'aligner progressivement le pays sur les normes de l'UE, facilitant ainsi des négociations sur une zone de libre-échange approfondie engagées depuis mars 2013. Un jalon significatif de cette coopération est le Partenariat vert signé en octobre 2022, axé sur des priorités telles que le climat, l'énergie, et l'économie verte.

Par ailleurs, l’UE est le premier investisseur étranger au Maroc, représentant plus de la moitié des investissements directs étrangers (IDE) dans le pays. L'organisation y a investi plus de 500 millions d'euros entre 2021 et 2022 dans des projets variés incluant l'enseignement supérieur, les économies inclusives, la transition énergétique et l'agriculture durable. L'UE a également mis en place des projets pour répondre aux défis migratoires, avec un soutien financier totalisant 214 millions d'euros dans le cadre du Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique. Ce soutien vise à renforcer la stratégie nationale du Maroc en matière de migration et d'asile. Parallèlement, l'UE contribue à la promotion les droits de l'Homme et la démocratie au Maroc, Bruxelles ayant accordé environ 22 millions d'euros à des organisations de la société civile depuis 2011 pour soutenir divers projets dans ce sens.
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