Dans un contexte international particulièrement troublé, marqué par une succession de crises sanitaire, économique, sécuritaire et climatique, la question de la souveraineté des États et de leur capacité de résilience est plus que jamais au cœur des préoccupations. C’est tout l’enjeu de cette 16e édition du
Forum MEDays, rendez-vous désormais incontournable des décideurs du Sud, qui se tient jusqu’au 30 novembre dans la ville de
Tanger. Réunissant Chefs d’État, ministres, dirigeants de grandes entreprises et experts venus des quatre coins du monde, l’événement a pour ambition d’explorer de nouvelles voies pour bâtir «un nouvel équilibre mondial», comme l’indique la thématique de cette année. Une nécessité à l’heure où les défis se multiplient et où les anciennes approches semblent de moins en moins adaptées.
Le Sud n’est pas un spectateur passif des décisions prises ailleurs
Ouvrant les débats devant un parterre de personnalités, le président et fondateur de l’
Institut Amadeus,
Brahim Fassi Fihri, a donné le la lors de la cérémonie d’ouverture du Forum Medays 2024. «Le
Forum MEDays est bien plus qu’un rendez-vous annuel. Il est le creuset des idées, l’épicentre d’une ambition qui place le Sud au cœur des décisions mondiales», a-t-il souligné. Selon lui, les pays du Sud doivent impérativement faire entendre leur voix et ne pas se contenter d’un rôle de spectateur dans un monde en pleine reconfiguration. «À ceux qui voient dans le Sud des nations fragiles, nous leur montrons ici des peuples dignes, forts, capables de penser et d’agir pour le bien commun», a-t-il lancé. Et d’affirmer avec force : «Le Sud n’est pas un spectateur passif des décisions prises ailleurs. Le Sud est un acteur, une force motrice, un partenaire indispensable pour relever les défis mondiaux.»
Mettant en avant la vision du Maroc, M. Fassi Fihri a notamment souligné l’impulsion donnée par
S.M. le Roi Mohammed VI pour faire du
Sahara marocain «un hub en pleine transformation», «un pilier stratégique sur le plan diplomatique et en matière de développement», mais aussi «une passerelle entre l’Afrique et l’Europe, entre le Sahel et l’Atlantique» et «un levier de coopération Sud-Sud qui incarne la Vision Royale d’une Afrique intégrée et souveraine». L’intervenant s’est également réjoui de «la dynamique internationale de soutien à la marocanité du Sahara», illustrée par les reconnaissances de la souveraineté marocaine par des pays comme les États-Unis, l’Espagne ou plus récemment la France dont la nouvelle position constitue «tournant décisif» qui vient conforter «la justesse de la cause marocaine».
L’urgence d’agir face à des «crises multiformes»
Cette question centrale de la souveraineté a été également au cœur de l’intervention de S.E.M.
Azali Assoumani, Président de l’
Union des Comores et invité d’honneur de cette édition 2024 des MEDays. «La souveraineté est un combat au quotidien. Nous continuerons, pas à pas, à apporter notre modeste contribution aux efforts engagés en commun pour promouvoir le développement, la paix, la stabilité et la sécurité qui sont, à la fois, un objectif et un droit pour tous les peuples, y compris les peuples africains», a-t-il déclaré. Saluant le thème retenu cette année, «Souverainetés et résiliences», le Chef de l’État comorien y voit «l’opportunité de discuter des défis auxquels est confronté le monde dans son ensemble, et l’
Afrique en particulier». Des défis multiples, allant de «la géopolitique actuelle, marquée par les tensions croissantes» à «un ordre international bousculé qui appelle à la recherche de solutions urgentes pour permettre à nos pays de faire face à tous les chocs, à toutes les crises, et pour maintenir la paix, la sécurité, la stabilité».
Appelant à «transformer nos vulnérabilités en opportunités», M. Assoumani a notamment insisté sur l’importance de la sécurité et de la stabilité pour permettre aux États «de s’affirmer en tant que nations autonomes». «Nous aspirons à un monde qui préserve la souveraineté et la résilience de nos États pour que notre continent puisse occuper la place qu’il mérite dans le concert des nations», a-t-il résumé. Évoquant les conflits en cours, du «génocide à Gaza» à «la guerre en Ukraine», en passant par les «conflits internes dans de nombreux pays africains», le Président de l’Union des Comores a appelé à «laisser la place non pas à une rivalité entre grandes puissances, mais à un dialogue constructif». Et de lancer cet appel vibrant : «Plus que jamais, il est urgent de mettre un terme aux affronts subis par le peuple palestinien et d’arriver à une solution juste et durable».
L’Union des Comores «se réjouit» du soutien croissant à la marocanité du Sahara
Au-delà de ces aspects, le Président comorien a insisté sur le «devoir de façonner un avenir où la souveraineté des États sera sauvée et où les défis mondiaux sont abordés de manière collaborative, constructive et positive». Il a formulé l’espoir que les échanges permettraient «aux
pays du Sud de se positionner, de réfléchir et d’agir en vue de contribuer à l’émergence d’un monde plus stable, équilibré et résilient». «La souveraineté et la résilience de nos États et de nos institutions, régulièrement mises à mal dans de nombreux pays du continent, dépendent de notre volonté politique et de notre détermination à résoudre les conflits existants et prévenir les guerres, les différends et les dangers futurs», a-t-il souligné. Cela exige selon lui «l’action préventive par la voie diplomatique et la médiation pour se remettre en cause et résoudre les profonds problèmes et ainsi empêcher les conflits et les crises de se reproduire».
Dans ce contexte,
Azali Assoumani a tenu à rappeler que «l’
Union des Comores, qui a toujours soutenu l’
intégrité territoriale du Maroc sur son
Sahara, se réjouit ainsi de la reconnaissance par les puissances du monde et tout récemment par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara, réaffirmée devant le gouvernement marocain par le Président de l’Union des Comores». Une prise de position sans ambiguïté qui vient conforter la dynamique diplomatique positive pour le Maroc sur ce dossier. Dans le même esprit, le Chef de l’État comorien a exprimé l’espoir «de trouver une solution aux différends territoriaux qui opposent mon pays et la France», au sujet de «l’île comorienne de Mayotte», prônant «l’esprit du dialogue qui s’est créé entre des parties comoriennes et françaises pour bien s’intégrer».
Sécurité alimentaire et transition énergétique au cœur des priorités
Les enjeux cruciaux de souveraineté et de résilience ont également marqué l’allocution de S.E. Mme
Judith Suminwa Tuluka, Première ministre de la
République démocratique du Congo. Cette dernière a notamment mis l’accent sur deux piliers indissociables à ses yeux : la sécurité alimentaire et la transition énergétique. «Dans un monde où les crises climatiques et les conflits géopolitiques menacent nos systèmes de production alimentaire, il est impératif de renforcer notre résilience», a-t-elle souligné, rappelant que l’Afrique représente «la plus grande proportion de la population touchée» par l’insécurité alimentaire, avec un taux de 20,4% selon la FAO. «Face à cette situation, les États doivent développer des mécanismes garantissant l’accès à la nourriture pour tous, en particulier pour les populations vulnérables», a-t-elle plaidé. Cela passe selon elle par «des investissements dans une agriculture durable», «la promotion de l’agriculture locale», mais aussi «des partenariats entre États». «La souveraineté alimentaire ne doit pas être un luxe, mais un droit fondamental pour tous», a-t-elle martelé. Sur le plan énergétique, la Cheffe du gouvernement congolais a défendu «la nécessité de diversifier nos sources d’énergie», soulignant le rôle clé que peut jouer son pays «dans la promotion des énergies renouvelables», un «pilier crucial pour l’approvisionnement énergétique de la région».
Sortir des vieux schémas pour un nouvel équilibre mondial
De son côté, le
Premier ministre guinéen, M.
Amadou Oury Bah, a appelé à «une révision de la notion de non-alignement» qui doit selon lui être actif et non pas refléter une posture passive». Et de préciser que les pays du Sud doivent «développer des approches de résilience, de solidarité et de coopération pour instaurer un climat de paix à l’échelle mondiale». Il a cité en exemple le méga-projet minier Simandou en Guinée, «l’un des projets miniers les plus importants au monde à l’heure actuelle», qui associe «Chinois, Américains, Français et toutes les puissances intéressées», malgré leurs divergences. «La Guinée réussit à établir un modèle unique de coopération», s’est-il félicité. Regrettant une vision passéiste du continent africain, qui serait regardé comme «un continent périphérique», M. Bah a plaidé pour «un nouvel équilibre mondial intégrant l’ensemble des sociétés humaines, quels que soient les continents». «C’est pour cette raison que la Guinée a sollicité l’implantation de l’Institut Sud-Sud, afin de contribuer à ce changement de paradigme que le Forum MEDays s’efforce de faire prospérer ici à Tanger», a-t-il expliqué. «Nous devons transformer nos vulnérabilités en opportunités», a insisté le Chef du gouvernement guinéen, citant les exemples de la «question climatique» et de «la question de l’eau». Deux défis majeurs sur lesquels la Guinée entend jouer un rôle moteur, du fait de sa position géographique stratégique et de ses ressources naturelles.
Les MEDays, «creuset des idées» pour «porter les aspirations du Sud»
Au travers des interventions, le
Forum MEDays a confirmé sa vocation de plateforme incontournable pour faire entendre la voix des pays du Sud et repenser en profondeur les relations Nord-Sud dans un monde en plein bouleversement. Face à la multiplication et à l’imbrication des crises, les notions de souveraineté et de résilience s’imposent comme des boussoles essentielles pour naviguer dans cet environnement complexe et bâtir un «nouvel équilibre mondial» plus juste et plus stable. Un défi immense qui nécessitera des efforts concertés et des approches innovantes, comme l’ont souligné les différents intervenants. «Le Forum MEDays n’est pas simplement un rendez-vous annuel. C’est une plateforme essentielle pour porter les aspirations des nations du Sud et redéfinir les relations Nord-Sud dans un monde en pleine transformation», a résumé dans son discours le Premier ministre de Guinée. Une analyse partagée par les autres orateurs de cette séance inaugurale. Reste maintenant à transformer les paroles en actes et les promesses en engagements. Un vaste chantier qui va occuper les débats jusqu’au 30 novembre, avec l’ambition affichée par les organisateurs de «déboucher sur des propositions concrètes et des solutions durables face aux défis communs qui nous attendent».