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Peines alternatives : le gouvernement s’emploie à relever les défis financiers et logistiques

Le Maroc s’apprête à s'engager dans une transformation historique de son système pénal avec l’entrée en vigueur dans moins d’un an de la loi n°43.22 relative aux peines alternatives. À l’heure où la surpopulation carcérale atteint des niveaux critiques, cette réforme peut représenter une chance inouïe en proposant des solutions innovantes, du bracelet électronique aux travaux d'intérêt général. Le 20 novembre 2024, lors d'une réunion gouvernementale cruciale, les contours de mise en œuvre de ce projet ont été définis. Mais avec seulement huit mois restants avant la date butoir légale, le défi est de taille. Portrait d'une réforme ambitieuse qui constituera à coup sûr un point de bascule pour les codes de la justice marocaine.

21 Novembre 2024 À 19:45

Au Maroc, les établissements pénitentiaires suffoquent. Face à cette réalité préoccupante, la publication au Bulletin officiel n°7328 de la loi n°43.22 relative aux peines alternatives, le 7 août 2024, a marqué un tournant décisif. Mais le véritable défi est encore devant nous : transformer cette ambition législation en réalité opérationnelle dans un délai strictement encadré par la loi.

Une course contre la montre réglementaire

Les dispositions de la loi°43.22 relative aux peines alternatives posent clairement le cadre : l'entrée en vigueur est conditionnée par la publication des textes réglementaires nécessaires, dans un délai maximal d'une année. À ce jour, il reste précisément 8 mois et 15 jours pour tenir cette échéance légale. Une urgence qui explique la mobilisation exceptionnelle du 20 novembre 2024, sous la présidence du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. Cette réunion de haute importance a rassemblé les acteurs clés du projet : le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, le délégué général à l'Administration pénitentiaire et à la réinsertion, Mohamed Saleh Tamek, ainsi que le directeur général de la Caisse de dépôt et de gestion, Khalid Safir. Un comité de pilotage et des commissions thématiques ont été institués, avec pour mission d'élaborer les décrets d'application dans un délai maximal de cinq mois.

Une architecture opérationnelle sophistiquée

L'article 647-13 de la loi°43.22 relative aux peines alternatives souligne la nécessité de définir par voie réglementaire les modalités de gestion du bracelet électronique, y compris les aspects financiers. Cette innovation technologique, pierre angulaire du dispositif, nécessite une organisation méticuleuse. «Cette approche constitue une solution efficace pour désengorger nos prisons», affirme le ministre de la Justice, qui y voit «un saut qualitatif dans notre système pénal». Le texte confie à l'administration pénitentiaire, ou à toute entité délégataire, la responsabilité du suivi des peines alternatives. Un partenariat stratégique entre la Caisse de dépôt et de gestion et la Délégation générale à l'Administration pénitentiaire se dessine pour assurer cette mission, tant au niveau central que local.

Protection des vulnérables et réinsertion sociale

La loi accorde une attention particulière aux mineurs, notamment dans le contexte des manifestations sportives. «Nous voulons donner une seconde chance aux citoyens tout en luttant efficacement contre la violence, particulièrement celle faite aux femmes», souligne Abdellatif Ouahbi. Cette approche équilibrée exclut néanmoins les auteurs des crimes graves et les récidivistes du dispositif. Les peines alternatives prévues incluent des travaux d'intérêt général non rémunérés, des amendes journalières calibrées entre 100 et 2.000 dirhams, et des restrictions de droits ciblées. Un arsenal juridique diversifié qui permet une réponse pénale proportionnée et individualisée.

Un défi logistique et financier majeur

La réussite de cette réforme repose sur une mobilisation sans précédent de ressources humaines et financières. Les besoins en matière de gestion, d'administration et de financement ont été au cœur des discussions gouvernementales. Le cadre conventionnel entre la CDG et l'Administration pénitentiaire devra définir précisément les modalités de ce soutien logistique et opérationnel. S’inscrivant dans le cadre de la mise en œuvre des Hautes Orientations Royales appelant à une nouvelle politique pénale, cette réforme marque une rupture avec l'approche uniquement punitive, privilégiant un équilibre entre sanction et réinsertion. Sa mise en œuvre effective, conditionnée par le respect des délais réglementaires, constituera un test décisif pour la modernisation des systèmes judiciaire et pénitentiaire marocains.

À huit mois de l'échéance légale, le compte à rebours est lancé. La réussite de cette révolution judiciaire dépendra de la capacité des institutions à transformer rapidement ces ambitions en réalité concrète, tout en respectant le cadre légal strict imposé par le législateur. Un défi de taille pour un projet qui pourrait redéfinir durablement le visage de la justice pénale au Maroc.
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