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Réputation du Maroc dans le monde : une résilience globale mais des défis à relever

L’Institut Royal des études stratégiques a publié, le 31 octobre 2023, les résultats de la neuvième édition de son enquête annuelle sur la réputation internationale du Maroc. Réalisée en partenariat avec le cabinet Reputation Lab, spécialiste du «Nation Branding», cette vaste étude mesure l’image perçue du Royaume dans 26 pays représentatifs des cinq continents. Les données collectées entre mars et avril 2023 dressent un panorama complet de la réputation externe et interne du pays, selon une méthodologie scientifique intégrant désormais cinq grandes dimensions de jugement. Voici les principaux résultats de cette étude.

01 Novembre 2023 À 18:58

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L’Institut Royal des études stratégiques (IRES) a réalisé, au titre de l’année 2023, en partenariat avec le cabinet Reputation Lab, la neuvième édition de l’enquête sur la réputation du Maroc dans le monde. Cette enquête a été menée entre mars et avril 2023. Ses résultats, tirés d’entretiens dans 26 pays sur les cinq continents, permettent de prendre le pouls de la marque Maroc à travers cinq dimensions : qualité institutionnelle, qualité de vie, niveau de développement, facteur humain, éthique et responsabilité. Verdict : une résilience globale, mais des défis à relever.

>>Lire aussi : Réputation du Maroc : Bon score à l’international, image fluctuante en interne, selon l'Ires

Un contexte international marqué par la guerre et l’inflation

Le contexte géopolitique et économique dégradé n’a pas été sans effet sur les perceptions recueillies dans l’enquête. La guerre en Ukraine et ses répercussions ont assombri le regard porté sur de nombreux pays. Par ailleurs, l’inflation et le ralentissement de la croissance suite à la crise sanitaire ont renforcé l’attention accordée aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). Ainsi, la réputation externe de plusieurs pays parmi les 60 principales économies mondiales, ayant le PIB le plus élevé, suit une tendance baissière en 2023. Seuls quelques pays nordiques parviennent à tirer leur épingle du jeu.

Le maintien d’une image globalement positive pour le Maroc

Dans ce contexte morose, le Maroc s’en sort plutôt bien. C’est vrai, son indice de réputation externe ne fait pas exception à la tendance générale baissière, mais il reste en léger repli de 0,7 point par rapport à 2022, presque identique à celle de la moyenne des 60 pays ayant le PIB le plus élevé (-0,6 point). Le Royaume occupe le 34e rang au classement des 60 pays analysés, derrière le Pérou, mais devant les États-Unis et les autres pays émergents. Surtout, il conserve une image internationale globalement positive, fruit des efforts de diplomatie active déployés ces dernières années sous l’impulsion de S.M. le Roi Mohammed VI.

Les principaux atouts du Maroc restent liés aux dimensions «Qualité de vie» et «Facteur humain». Sa population est perçue comme aimable et sympathique. Le pays bénéficie d’un environnement naturel agréable et d’un certain niveau de sécurité aux yeux des sondés étrangers. À l’inverse, les faiblesses concernent l’éthique, la transparence des institutions et le niveau de développement économique et social. Sur la période allant de 2015 à 2023, la réputation internationale du Royaume s’est renforcée dans de nombreux pays, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, elle marque le pas depuis 2020 sur les aspects institutionnels et la durabilité, du fait d’attentes croissantes des opinions publiques mondiales sur ces sujets.

Une perception interne solide, mais des motifs d’insatisfaction de Marocains

L’enquête de l’IRES analyse également l’opinion des Marocains eux-mêmes sur leur pays. En 2023, l’indice de réputation interne atteint 61,1 points, en repli de 2,3 points après le pic de 2022. Malgré ce tassement, le niveau reste élevé, traduisant une confiance des citoyens dans la nation. Ils mettent en avant la qualité de vie, le cadre naturel et les valeurs humaines. Néanmoins, les Marocains se montrent plus critiques que les étrangers sur des sujets comme la qualité des services publics, la transparence ou l’action contre les inégalités sociales. Ces motifs d’insatisfaction expliquent les fluctuations annuelles de la perception interne, fortement corrélée aux jugements sur la conduite des affaires publiques. L’enquête confirme le décalage souvent constaté entre fierté nationale et exigences vis-à-vis des dirigeants.

Un impact mesuré de l’épopée footballistique

Parmi les faits marquants de 2022 figurant en toile de fond de cette édition, l’épopée de l’équipe nationale de football lors de la Coupe du monde au Qatar qui a marqué les esprits. Sans surprise, cet épisode a renforcé chez les Marocains la fierté liée aux performances sportives du pays. Le même effet est constaté dans une moindre mesure dans certains pays, comme l’Espagne. Pour autant, malgré l’intense ferveur populaire suscitée, cet épisode ne doit pas être surestimé. L’enquête démontre qu’il n’a pas d’influence déterminante sur la réputation globale du Maroc. Les résultats sportifs peuvent donner un coup de projecteur ponctuel, mais ne constituent pas un levier stratégique pour le positionnement d’une nation. D’autres pays vainqueurs ou finalistes lors du Mondial 2022, comme l’Argentine et la France, ont d’ailleurs vu leur réputation reculer de 2,2 points en 2023. Celle du Qatar, pays organisateur de cette Coupe du monde, a chuté de 4,1 points.

La méthodologie de l’étude IRES passée au crible

Pour apprécier ces résultats, il convient de s’intéresser à la méthode utilisée par l’IRES et Reputation Lab pour établir cet indice de réputation du Maroc. Elle repose sur un questionnaire soumis à un échantillon de personnes dans chacun des 26 pays sélectionnés. La structure du panel est contrôlée pour être représentative des différentes classes d’âge et catégories socio-professionnelles. Les personnes interrogées se voient demander d’évaluer différents attributs du Maroc sur une échelle de 0 à 100. On retrouve par exemple des items relatifs au niveau de développement, à la qualité de vie, aux institutions, à l’éthique ou encore au facteur humain. Au total, 22 critères composent l’indice de réputation du pays.

Il faut le souligner, l’enquête, qui en est à sa neuvième édition, a affiné depuis l’année dernière sa méthodologie en classant ces attributs selon les cinq dimensions. Ce regroupement permet de mieux capter l’importance relative des différentes composantes. Ainsi, la partie «éthique et responsabilité» prend une importance accrue dans un monde marqué par les défis climatiques et la montée des valeurs ESG. Les sondés sont également interrogés sur leurs intentions en termes de visite, d’études, d’investissement ou de travail dans le pays. Ces indicateurs de soutien concret viennent compléter l’analyse de la réputation générale. Bien calibré, le dispositif fournit donc des enseignements précieux pour le Maroc.

Une résilience à confirmer face aux défis internes et externes

Au final, le rapport de l’IRES dresse le tableau d’une réputation résiliente pour le Royaume, avec des progrès sensibles à l’international depuis 2015, même si des points de vigilance demeurent. À l’heure où les pays font face à de multiples crises et à une compétition accrue pour attirer touristes, investissements et talents, le Maroc peut s’appuyer sur des fondamentaux solides. Néanmoins, le maintien de cette position exige de poursuivre les efforts en matière diplomatique et de communication. Il nécessite aussi de transformer certains points faibles relatifs aux institutions, à la transparence et à la durabilité en opportunités. Cela passera par des réformes internes ambitieuses pour résorber les motifs d’insatisfaction des Marocains, condition essentielle pour asseoir sur le long terme l’image et l’attractivité du pays. L’enquête de l’IRES fournit à cet égard des orientations précieuses.

En définitive, le Maroc dispose d’atouts certains en matière d’image internationale. Mais sa réputation ne tient pas seulement à des éléments externes : elle se joue aussi sur le terrain des politiques nationales. Projeter une marque forte exige de consolider en interne les bases économiques, institutionnelles et sociales qui rendent cette réputation crédible et attractive pour le reste du monde. L’étude de l’IRES, par sa régularité et sa rigueur, constitue un outil de pilotage indispensable pour relever ce défi.
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