Hicham Oukerzaz
18 Février 2024
À 18:50
La réticence de la
France à prendre clairement et ouvertement position en faveur de la
marocanité du Sahara sera-t-elle bientôt dépassée ? Paris sortira-t-elle bientôt de sa zone de confort en soutenant sans ambages la thèse marocaine ? Répondre par l’affirmative revient à aller vite en besogne et ignorer la complexité et les impondérables de la géostratégie régionale. Il faut dire qu’à l’heure actuelle, aucune certitude ne se dégage, bien que les messages transmis par l’ambassadeur de France à Rabat,
Christophe Lecourtier, samedi dernier à Casablanca, laissent entendre que Paris est bien conscient d’une chose : on ne peut pas aller de l’avant dans les relations avec le Maroc sans clarifier sa position sur cette question.
La France veut renforcer son partenariat avec le Maroc
Dans la première partie de son intervention, M. Lecourtier, qui s’exprimait lors d’une conférence-débat organisée par la
Fondation Links, a clairement affiché la volonté de son pays de renforcer son partenariat avec le Maroc, sans pour autant aborder la question du Sahara marocain. Le diplomate a ainsi souligné que le Royaume «a changé, en bien des aspects, pour le mieux et que, parfois, nous n’avons pas su mettre nos montres à l’heure et nous avons gardé des lunettes dont les verres ne sont plus adaptés à la réalité du Maroc». Il a également fait part de la volonté de son pays de renforcer son partenariat avec le Royaume, déclarant que Paris a «la capacité d’être un allié et un partenaire utile, sans exclusive ni monopole».
La relation entre le Maroc et la France, a-t-il soutenu, «est unique, parce qu’elle est charnelle. Et parce qu’elle est charnelle, elle est difficile à délier, comme un ADN qu’on ne peut pas dissocier pour en faire deux personnes différentes. Mais en même temps, rien ne serait plus arrogant que de dire que, parce qu’elle est unique, parce qu’elle est charnelle, parce qu’elle est ancienne, tout va de soi et tout va forcément se rétablir tout seul dans le meilleur des mondes. Je reprends tout à fait à mon compte et je ne conteste pas le fait qu’il puisse y avoir, sinon une crise, du moins une période dont nous ne pouvons pas nous satisfaire et qui appelle une remédiation».
Sahara marocain : Paris conscient de la centralité de la question pour Rabat
Une fois son intervention terminée et la séance de questions-réponses ouverte, nombreux ont été ceux qui ont interpellé l’ambassadeur de France sur la question du Sahara marocain, que celui-ci a initialement esquivée, alors que chacun sait qu’elle est au centre de la brouille entre Rabat et Paris. «Comment voulez-vous qu’on puisse prétendre avoir l’ambition que j’ai essayé de décrire sans prendre complètement en compte les préoccupations majeures, qui sont celles du Royaume, sur la question dont vous avez parlé ?», a-t-il répondu. Et de poursuivre : «Il serait totalement illusoire ou, comment dire, irrespectueux, stupide de considérer qu’on va construire ce que j’espère qu’on arrivera à construire, brique après brique, pour le bonheur de nos deux nations et puis aussi de quelques autres voisines, que ce soit au nord ou au sud, sans clarifier ce sujet dont tout le monde, à Paris en tout cas, au-dessus de moi, reconnaît, connaît le caractère essentiel pour le Royaume, hier, aujourd’hui et demain».
Bien que cette réponse ne puisse être interprétée comme le début d’une nouvelle position, plus affirmée, de Paris s’agissant de la marocanité du Sahara, il n’en demeure pas moins qu’elle a le mérite de signifier clairement qu’en France on est conscient que pour passer à un nouveau stade dans les relations avec le Maroc, il faut absolument quitter sa zone de confort et prendre une position sans équivoque en faveur de l’intégrité territoriale du Royaume et de sa souveraineté sur ses
provinces sahariennes.