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Sahara : pourquoi le conflit s’est enlisé (Entretien (4/4) avec Pr Issa Babana El Alaoui)

Dans une interview fleuve accordée au «Matin», le professeur Issa Babana El Alaoui, fin connaisseur du dossier du Sahara, de son histoire et de ses subtils enjeux, livre une lecture passionnante de cet événement majeur de l’histoire du Maroc contemporain qu’est la Marche Verte. Il revient sur son contexte historique, sa portée géopolitique, ainsi que sur ses dimensions symbolique et mémorielle. Pour lui, la célébration du cinquantenaire de cette grande épopée patriotique, qui a ouvert la voie au recouvrement des provinces du Sud marocaines, constitue l’occasion de porter un regard lucide – celui d’un historien doublé d’un politologue – sur l’évolution de la question du Sahara à la lumière de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, laquelle a consacré la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine comme le socle de toute solution future. Dans cette quatrième et dernière partie, le Pr Issa Babana El Alaoui revient sur le tournant historique que constitue la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes par Washington, de même qu’il analyse les enjeux de ce conflit qui s’enlise depuis près d’un demi-siècle. Selon lui, depuis 2020, on observe une conjonction de leviers – normative (résolutions onusiennes), factuelle (consulats, projets) et bilatérale (alliances) – qui a transformé progressivement la situation politique internationale en faveur de Rabat.

12 Novembre 2025 À 18:28

Le Matin : Quels sont les enjeux selon vous derrière la persistance de ce conflit près d’un demi-siècle après la Marche Verte ? Concrètement, à qui profiterait l’enlisement de cette affaire ?
Pr Issa Babana El Alaoui : Vous connaissez comme moi la célèbre maxime «pas d’intérêt, pas d’action» comme principe juridique en droit, mais aussi en relations internationales, sans parler du jeu des rapports de force géopolitiques entre les États, créant parfois des conflits artificiels pour assouvir des ambitions illégitimes, égoïstes. Par conséquent, telle la corrélation de deux variables en mathématiques (x et y), l’action de persistance de la question du Sahara trouvait l’intérêt explicatif qui l’alimentait au niveau de chaque protagoniste impliqué, comme partie concernée ou intéressée, directement ou indirectement. Si aujourd’hui j’apporte des éléments d’éclairage en répondant à cette question profondément stratégique, je le fais non seulement en tant qu’académicien qui épluche les archives et les documents pour en tirer le suc, mais aussi en ma qualité de témoin de l’histoire, voire d’acteur discret et indirect sur quelques événements ou missions auxquels j’ai participé très jeune, encore doctorant à Genève, lorsque la question du Sahara était soumise à la Cour internationale de justice. J’ai alors découvert combien la partie algérienne s’escrimait à contrecarrer la thèse marocaine avec son ambassadeur en France, Mohamed Labjaoui.

Dans une interview fleuve accordée au «Matin», le professeur Issa Babana El Alaoui, fin connaisseur du dossier du Sahara, de son histoire et de ses subtils enjeux, livre une lecture passionnante de cet événement majeur de l’histoire du Maroc contemporain qu’est la Marche Verte. Il revient sur son contexte historique, sa portée géopolitique, ainsi que sur ses dimensions symbolique et mémorielle. Pour lui, la célébration du cinquantenaire de cette grande épopée patriotique, qui a ouvert la voie au recouvrement des provinces du Sud marocaines, constitue l’occasion de porter un regard lucide – celui d’un historien doublé d’un politologue – sur l’évolution de la question du Sahara à la lumière de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, laquelle a consacré la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine comme socle de toute solution future. Dans cette troisième partie, le Pr Issa Babana El Alaoui explique notamment pourquoi le dossier du Sahara est toujours examiné en Quatrième Commission de l’ONU et pourquoi il s’agit d’une anomalie onusienne à corriger, aujourd’hui plus que jamais. «Soixante ans après son inscription à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation, dit «C24», le dossier reste encore débattu à la Quatrième Commission (celle de la politique spéciale et de la décolonisation), alors même que la décolonisation du territoire a été juridiquement et politiquement scellée depuis l’Accord de Madrid du 14 novembre 1975», précise-t-il.

Le conflit du Sahara marocain n’échappait donc pas au principe précité, tant les enjeux et les défis étaient nombreux par les diverses motivations et attitudes des uns et des autres, mais dirigées contre la thèse et les intérêts marocains, dont la légitimité reposait pourtant sur l’accord de décolonisation. Car il y avait certaines choses à découvrir à travers l’action, pas en fouillant dans les livres et les journaux, pour comprendre pour qui et pourquoi l’enlisement du conflit du Sahara a été utile pendant près d’un demi-siècle. Cela étant dit, je commencerai par les bénéficiaires clairs, avant de révéler des secrets que je fournis pour la première fois sur des motifs cachés et des implications géopolitiques. Il y a d’abord l’Algérie, évidemment, principale bénéficiaire anti-marocain, par un intérêt géopolitique et domestique. Pourquoi ? Réponse : pour maintenir un levier d’influence régionale face au Maroc, justifier une posture de leadership panafricain et tiers-modérateur, canaliser des tensions internes (nationalisme, légitimation du pouvoir). L’appui à un mouvement proxy (Polisario) donne à Alger un instrument stratégique dans le voisinage, ce qui représentait un intérêt extérieur de politique étrangère, mais aussi un instrument vital à l’intérieur même de l’Algérie, pour détourner l’attention du peuple algérien de ses difficultés socio-économiques et ses divergences culturelles.
Deuxième bénéficiaire du conflit du Sahara marocain, c’est la direction du «Polisario» comme partie prenante dans le jeu géopolitique dont le Sahara marocain est l’objet. Ce qui me rappelle d’ailleurs en théorie l’idée du géopolitologue Yves Lacoste qui considère le territoire comme l’objet essentiel de la géopolitique en suscitant rivalité et conflit. Ainsi, les dirigeants du «polisario» en jouant le jeu du régime algérien, trouvent en contrepartie de leur séparatisme envers la nation marocaine une rente politique et une assistance dont ils n’auraient jamais rêvé. Voilà le pacte algéro-polisarien que beaucoup de gens ignorent au sein des Algériens. En d’autres termes, il s’agit d’instrumentalisation d’un appareil politique et humanitaire (structures dans les camps de Tindouf), d'accès à des financements étrangers et des aides humanitaires, de monopole du récit de la lutte indépendantiste. Tout cela nourrit la reproduction du leadership. D’ailleurs, je n’invente rien là-dessus, car des études impartiales et historiques et politiques le confirment.
Le troisième bénéficiaire du conflit du Sahara s’incarne dans les acteurs économiques. Là encore, posons-nous la question : pourquoi ? Créer et entretenir l’ambiguïté juridique a permis, jusqu’à aujourd’hui, des disputes et des arrangements autour de l’exploitation des ressources maritimes et terrestres (phosphates, zones de pêche, recherches d’hydrocarbures). Entreprises et États, rivaux secrets ou non proclamés du Maroc, ont parfois intérêt à une situation floue pour négocier les conditions de collaboration, de partenariat, de concessions et d’approvisionnements.
Le quatrième bénéficiaire du conflit est représenté par les acteurs internationaux tirant avantage géopolitiquement. Posons-nous toujours la question pourquoi ? Réponse : parce que les puissances extérieures (parmi lesquelles, selon les périodes, la France, l’Espagne, puis plus récemment certains pays occidentaux et acteurs comme la Russie) utilisent le dossier pour préserver leurs intérêts stratégiques (bases, partenariats, influence, contrepoids régional). Les changements de posture diplomatique de pays comme l’Espagne illustrent des calculs internes et externes.
Le cinquième bénéficiaire se matérialise par les profits des rentes politiques et humanitaires internationales. Et pourquoi ? Parce que les ONG, agences humanitaires, réseaux de consultants et fournisseurs présents autour de la question sahraouie (campagnes, projets, conférences) ont tiré des ressources et une visibilité d’un conflit prolongé – un effet pervers, mais documenté dans les études sectorielles. Certains voudront bien que le conflit s’enlise davantage, le plus longtemps possible.
Je passe maintenant au chapitre des motifs cachés, voilés ou non affichés.
• Primo, pour Alger, le dossier a été un instrument de politique étrangère à bon marché pour préserver un rapport de force avec Rabat sans confrontation ouverte. Autrement dit, la conservation d’un levier de pression bilatérale qui se concrétise dans le maintien d’un statut régional, dans un esprit concurrentiel.
• Secundo, le conflit a servi à structurer des alliances, notamment le Mouvement national algérien (MNA), certains pays africains, etc., et à vendre un rôle d’«arbitre anti-hégémonique» comme prétend l'être le régime algérien envers les États du continent.
• Tertio, des intérêts commerciaux et stratégiques différés, c’est-à-dire que l’incertitude juridique autour du statut du territoire a retardé ou orienté certains investissements, permettant parfois des négociations avantageuses pour des acteurs choisis.
• Quarto, les jeux d’influence des grandes puissances, car la compétition entre blocs (acteurs multipolaires) a souvent trouvé dans le dossier du Sahara marocain un moyen d’affirmer sa présence en Afrique du Nord et au Sahel, à travers la présence militaire, la conclusion de contrats d’armement ou encore l’accès aux routes maritimes. Je pourrais évoquer un troisième chapitre portant sur des éléments de preuves académiques, des rapports de think tanks, des résultats de recherches scientifiques ou des enseignements tirés des études. Je peux les résumer en trois catégories de motivations : premièrement, les «ressources naturelles» ont été un vecteur tangible d’intérêt (tels que les phosphates, la pêche, et même la probabilité d’hydrocarbures). Soit des facteurs qui expliquent pourquoi des acteurs économiques extérieurs restent attentifs à l’issue du conflit. Deuxièmement, la rivalité algéro-marocaine explique la longévité du conflit car l’Algérie, pour des raisons de sécurité intérieure et de projection régionale, a investi dans le maintien de la contestation à la faveur d’une politique militaire et de logistique.
Passons maintenant à la deuxième partie de votre question, à savoir à qui profite la prolongation du conflit ? Il est certain que la persistance de ce conflit profite à des acteurs qui tirent un avantage stratégique, politique ou économique. Les preuves combinent des études sur les ressources (phosphates, pêche, pétrole potentiel) et les analyses politiques sur l’usage du conflit par l’Algérie et la reproduction d’une rente politico-humanitaire par le «polisario» et les acteurs affiliés. Toutefois, l’existence des gagnants dans une situation de déséquilibre ou dans un système d’injustice implique forcément des perdants. Et dans la prolongation du conflit du Sahara viennent d’abord et principalement les populations sahraouies, par une marginalisation socioéconomique, une dépendance territoriale (à travers les camps), l’absence d’un développement socio-économique durable et d’un statut juridique clair et normal. Ce qui n’est pas du tout le cas, hélas. La deuxième catégorie des perdants est de toute évidence les peuples du Maghreb plus largement, et ce par des opportunités perdues d’intégration régionale, des coûts économiques énormes sans contreparties réelles et l'instabilité transfrontalière, notamment des migrations, une militarisation, des dépenses consacrées au conflit, etc.
Comment jugez-vous l’évolution du dossier du Sahara depuis la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur ses provinces sahariennes par Washington ?

La proclamation américaine du 10 décembre 2020, décidée par le Président Donald Trump, reconnaissant la «souveraineté du Royaume du Maroc sur l’ensemble du Sahara occidental» a constitué un choc diplomatique : au plan symbolique, elle a cassé le monopole narratif du Polisario/Algérie sur la question. Au plan politique, elle a offert à Rabat un puissant levier diplomatique pour consolider des appuis bilatéraux et multilatéraux. La Maison-Blanche a aussi annoncé l’ouverture d’une «présence consulaire virtuelle» à Dakhla, acte hautement symbolique. Ladite proclamation a eu un effet catalyseur en animant un activisme diplomatique marocain volontariste par intensification des démarches bilatérales, multiplication des inaugurations de consulats au Sud et accélération du lobbying africain et mondial. Plusieurs États ont intensifié leurs démarches de coopération ou ont ouvert des représentations consulaires à Laâyoune/Dakhla (le nombre des consulats reconnus publiquement atteint la vingtaine puis la trentaine selon les bilans 2023-2025).
Toutefois, la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara n’intervint pas dans un vide politique régional. Il fut antérieurement favorisé par un contexte diplomatique africain adéquat, et postérieurement soutenu par un climat géopolitique européen vigilant.
a) En Afrique, le retour du Maroc à l’Union africaine (2017) avait déjà amorcé un rééquilibrage. La reconnaissance américaine et la diplomatie post-2020 ont permis de transformer ce réengagement en gains concrets : retraits ou suspensions de reconnaissances de la «Rasd», ouverture de consulats dans les provinces du Sud et accords bilatéraux renforcés. Ces faits ont sapé progressivement l’assise africaine du Polisario.
b) En Europe et pays voisins : la reconnaissance US a aussi rebattu les cartes diplomatiques européennes. Certains États européens ont peu à peu rapproché leurs positions (pragmatisme sur l’autonomie comme base de solution), malgré des tensions politiques ponctuelles (crise Espagne-Maroc en 2021 liée à l’accueil de Brahim Ghali et mouvements migratoires). Les retrouvailles diplomatiques (visites à haut niveau, accords) traduisent une normalisation tactique des relations. Sur le plan onusien et juridique : un basculement progressif confirmé en 2025. La décision de Washington n’a pas elle seule fait basculer le Conseil de sécurité, mais elle a été un facteur déclencheur parmi d’autres (actions bilatérales, investissements, ouverture de consulats, lobbying africain et européen). La trajectoire normative a été celle d’un reframing : du référendum vers une «solution politique» et, à terme, vers la reconnaissance internationale progressive de l’autonomie comme cadre crédible. Les retombées pratiques étaient bien palpables : consuls, projets et «diplomatie des faits».
Sur le terrain, l’effet a été double : 1) Des faits diplomatiques (nombre croissant de consulats à Laâyoune et Dakhla : 29 à 30 selon les bilans 2024-2025). 2) Des faits de développement (investissements, projets d’infrastructures, coopération économique) qui renforcent l’argument de gouvernance et d’intégration territoriale. Ensemble, ces éléments transforment progressivement la réalité politique en avantage diplomatique. Du reste, malgré une opposition de voisinage aussi évidente que prévisible (Algérie et le Polisario), Washington n’a pas renoncé : Alger a dénoncé la démarche américaine et a maintenu son soutien au Polisario. La dynamique diplomatique marocaine a donc déplacé le champ de bataille (vers la diplomatie bilatérale et onusienne) sans effacer la dimension stratégique régionale.
En somme, la reconnaissance américaine a été un accélérateur stratégique : elle n’a pas inventé la victoire, mais a cristallisé une stratégie déjà en cours (cadre onusien favorable, diplomatie africaine, développement territorial). Depuis le printemps 2020, on observe une conjonction de leviers – normative (résolutions onusiennes), factuelle (consulats, projets), et bilatérale (alliances) – qui a transformé progressivement la situation politique internationale en faveur de Rabat. L’adoption de la résolution 2797 (31 octobre 2025) que tous les Marocains ont fêté peut-être lue comme l’aboutissement formel de cette longue séquence d’une diplomatie patiente et multiforme dirigée par S.M. le Roi Mohammed VI.

Dans une interview fleuve accordée au «Matin», le professeur Issa Babana El Alaoui, fin connaisseur du dossier du Sahara, de son histoire et de ses subtils enjeux, livre une lecture passionnante de cet événement majeur de l’histoire du Maroc contemporain qu’est la Marche Verte. Il revient sur son contexte historique, sa portée géopolitique, ainsi que sur ses dimensions symbolique et mémorielle. Pour lui, la célébration du cinquantenaire de cette grande épopée patriotique, qui a ouvert la voie au recouvrement des provinces du Sud marocaines, constitue l’occasion de porter un regard lucide – celui d’un historien doublé d’un politologue – sur l’évolution de la question du Sahara à la lumière de la résolution 2797 du Conseil de sécurité, laquelle a consacré la proposition d’autonomie sous souveraineté marocaine comme le socle de toute solution future. Cette percée diplomatique inédite est ainsi commentée et décortiquée par notre interlocuteur qui livre une analyse méthodique des soubassements et des implications de ce conflit régional à l’aune des rivalités idéologiques, des intérêts économiques et des calculs géopolitiques des acteurs en présence. Dans cette première partie, le Pr Issa Babana El Alaoui décrit avec force détails les aspects symboliques et spirituels de la Marche Verte avant d’aborder sa genèse et sa philosophie dans un contexte historique et politique national très particulier. «Le 6 novembre 1975 ne se célèbre pas, il se revit chaque année. Il agit comme un code génétique de la nation», dit-il, avant de souligner que «la Marche Verte a démontré que la grandeur du Maroc ne résidait pas dans la conquête militaire, mais dans la mobilisation morale du peuple autour de son Roi. Elle a élevé pacifiquement la souveraineté du Maroc au rang d’une valeur spirituelle, incarnée par la fidélité et la loyauté réciproques, entre le sommet et la base.»

La France a choisi en 2024 de soutenir clairement la position du Maroc. Comment expliquez-vous l’évolution de la position de Paris ?

L’évolution notable de la position française sur la question du Sahara marocain sous l’ère du Président Emmanuel Macron s’explique à la lumière de facteurs géopolitiques, économiques et stratégiques ne datant pas d’aujourd’hui. Pendant longtemps, la France a adopté une posture relativement équilibrée entre le Maroc et l’Algérie, consciente de leurs intérêts contradictoires, tout en affirmant que le plan d’«autonomie» marocain était «sérieux et crédible», mais sans le qualifier d’unique solution. À compter de juillet 2024, Emmanuel Macron dans une lettre adressée à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, a affirmé que «le présent et l’avenir du Sahara occidental se situent dans le cadre de la souveraineté marocaine». La carte officielle du ministère français des Affaires étrangères a même été mise à jour fin octobre 2024 pour intégrer les provinces sahariennes comme parties du Maroc. Les facteurs explicatifs de ce virage ne manquaient pas.
• Premièrement, des intérêts économiques croissants : le Maroc est devenu l’un des principaux partenaires économiques de la France en Afrique (investissements, industrie, énergie, infrastructures). En 2024, la France s’est dit prête à participer au financement d’un câble électrique de 3 GW reliant Casablanca à Dakhla. Le soutien à la souveraineté marocaine facilite l’accès à ce marché et sécurise les investissements français dans les provinces du Sud.

• Deuxièmement, sécurité et migration : le Maroc joue un rôle de «hub» de contrôle migratoire et de coopération sécuritaire vers l’Europe. En adoptant une position claire en faveur du Maroc, la France renforce un allié capable de répondre à des enjeux prioritaires, comme la migration ou le terrorisme transsaharien.

• Troisièmement, diplomatie africaine et influence : le Maroc a connu un redéploiement africain actif (réintégration de l’Union africaine en 2017, multiplication des accords avec les pays africains). En choisissant de conforter la position de Rabat, Paris vise à préserver, voire renforcer son influence en Afrique francophone et subsaharienne, au moment où sa marge de manœuvre se resserre.

• Quatrièmement, alignement avec le consensus international : avec la reconnaissance américaine en 2020 et la multiplication des voix africaines et européennes en faveur du plan d’autonomie marocain, la France a préféré s’aligner sur ce consensus plutôt que de rester isolée. Le virage correspond donc à un calcul diplomatique de «cohérence».

• Cinquièmement, détérioration des relations avec l’Algérie : les relations franco-algériennes s’étaient tendues (questions mémorielles, migration, Sahara). Le choix pro-marocain peut aussi être lu comme un ajustement face à une Algérie perçue comme moins coopérative ou plus conflictuelle vis-à-vis de Paris.
Cela étant dit, il serait peut-être utile d’évoquer les conséquences et la portée stratégique de l’évolution française positive à l’égard de la question de l’intégrité territoriale marocaine. D’abord, parce qu’elle donne au Maroc un allié clé au Conseil de sécurité et en Europe, ce qui renforce sa position diplomatique dans le dossier saharien. Ensuite, sur le plan bilatéral, elle ouvre la voie à une intensification de la coopration France-Maroc dans les secteurs stratégiques (énergie, infrastructures, technologies vertes). Enfin, sur le terrain saharien, l’investissement français accru et la reconnaissance explicite de la souveraineté marocaine renforcent la gouvernance et la posture marocaine, ce qui affaiblit encore plus l’option indépendantiste du Front Polisario.
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