Société

Ce que le Guide 2025 des anticancéreux apporte aux oncologues et aux patients

Le professeur Ali Tahri, président de l’Association des guides thérapeutiques en cancérologie (AGUTHEC) et directeur médical à l’Hôpital international Ibn Nafis à Marrakech, présente l’édition 2025 du «Guide de prescriptions des anticancéreux». Cette nouvelle édition sera officiellement dévoilée le 15 novembre à Casablanca. Publiée en anglais et enrichie des dernières avancées thérapeutiques, elle réunit des experts marocains et internationaux et est conçue pour soutenir les oncologues dans leur pratique quotidienne tout en améliorant concrètement la prise en charge des patients atteints de cancer. Reconnu pour son expertise en oncologie radiothérapeutique, le Pʳ Ali Tahri met son savoir-faire au service de traitements innovants et personnalisés afin d’offrir aux patients les meilleurs soins possibles.

Cancer patients receiving chemotherapy treatment in a hospital.

12 Novembre 2025 À 16:41



Le Matin: Qu’est-ce qui a motivé la publication d’une deuxième édition du «Guide de prescriptions des anticancéreux» en 2025 ?

Pʳ Ali Tahri:
Nous avions publié une première édition en 2022 qui a connu un grand succès national et international, puisque cet ouvrage s’est retrouvé dans différents coins du globe. Il faut noter qu’il est distribué gratuitement à tous les oncologues. Depuis 2022, la cancérologie a connu une véritable révolution. De nouveaux protocoles et de nouvelles molécules de chimiothérapie, de thérapie ciblée et d’immunothérapie ont été introduits. Cela a bien sûr justifié cette mise à jour pour intégrer les nouveaux standards thérapeutiques.

Quels sont les principaux apports de cette nouvelle édition ?

Nous avons intégré de nouvelles cibles thérapeutiques, de nouvelles drogues d’immunothérapie et de nouveaux protocoles issus de récents essais cliniques. Tout cela a été inclus dans cette nouvelle édition, qui se veut actualisée et alignée sur les standards internationaux.

Pourquoi avoir choisi de publier cette édition en anglais ?

Après la publication de la première édition, l’une des remarques qui revenaient le plus souvent concernait la langue. En effet, plusieurs pays anglophones n’ont pas pu bénéficier de la première version. Nous avons donc décidé de publier cette deuxième édition en anglais afin d’en faire profiter aussi bien les pays francophones qu’anglophones.

Comment la collaboration entre les experts marocains et internationaux s’est-elle déroulée ?

Nous avions déjà une expérience de collaboration avec des experts internationaux depuis la première édition, et nous avons reconduit pratiquement la même formule, en y intégrant cette fois des experts anglophones. Cela n’avait pas été possible auparavant, car si les francophones sont généralement anglophones, l’inverse n’est pas toujours vrai. Aujourd’hui, la langue universelle en oncologie et en médecine est incontestablement l’anglais.

Concrètement, les différentes parties de l’ouvrage ont été rédigées par des experts marocains. Après une première révision interne, nous avons sollicité des experts internationaux spécialisés: certains se consacrent exclusivement au cancer du sein, d’autres à celui de l’ovaire, par exemple. Chacun a relu la section correspondant à son domaine et nous a transmis ses remarques, suggestions et propositions d’ajouts éventuels.

Dieu merci, des experts de France, de Belgique et d’Allemagne ont répondu favorablement à notre demande. Il s’agit de spécialistes de renommée mondiale: certains essais cliniques cités dans l’ouvrage ont d’ailleurs été conduits par ces mêmes experts, qui en sont les investigateurs principaux.

En quoi ce Guide facilite-t-il la pratique clinique quotidienne des oncologues ?

Avec la multitude de drogues thérapeutiques et de protocoles existants, nous avons tous besoin d’un outil de référence. Il est souvent nécessaire de revenir à une source fiable pour vérifier une dose, un bilan pré-thérapeutique – qui diffère d’un protocole à l’autre – ou encore pour consulter les toxicités spécifiques à chaque médicament.

Ce Guide regroupe précisément toutes ces informations. Il indique la posologie de chaque molécule, y compris celles administrées par voie orale, en précisant le moment de la prise par rapport aux repas, la fréquence des traitements, le bilan pré-thérapeutique requis pour chaque protocole et pour chaque molécule, ainsi que les principales toxicités associées.

Bien sûr, tout cela est organisé en fonction de la localisation tumorale – c’est-à-dire selon le siège de la tumeur – et du contexte thérapeutique, qu’il soit néo-adjuvant ou adjuvant, autrement dit avant ou après la chirurgie.

Enfin, nous mettons à la disposition des oncologues, pour chaque protocole, une référence bibliographique renvoyant à l’article principal ayant validé ou établi la pertinence de ce protocole pour son adoption en pratique clinique.

Quels bénéfices concrets peut-il apporter à la prise en charge des patients ?

Ce Guide aidera les cancérologues à uniformiser leurs prescriptions en fonction des standards internationaux et des avancées récentes en oncologie, afin que tous nos patients bénéficient des protocoles actualisés et d’une prise en charge optimale pour améliorer leurs chances de guérison.

Quels sont aujourd’hui les défis majeurs dans la prescription des anticancéreux au Maroc ?

D’abord, il faut savoir que la prise en charge des patients atteints de cancer a connu une grande évolution ces dernières années, grâce à la Vision Royale de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, à la Fondation Lalla Salma, au ministère de la Santé et aux autorités de tutelle. Nous disposons aujourd’hui de plusieurs centres publics et privés répartis dans toutes les régions du Royaume. Les patients ne sont donc plus obligés de parcourir des centaines de kilomètres pour se faire traiter, et c’est un progrès majeur.

Ensuite, grâce à la généralisation de la couverture médicale, l’accès aux soins s’est considérablement simplifié par rapport aux années 1980 ou 1990.

Le principal défi qui demeure aujourd’hui concerne l’accès aux médicaments onéreux. En effet, plusieurs traitements d’immunothérapie, les anticorps conjugués (appelés ADC) et d’autres ne figurent pas encore sur la liste des médicaments remboursés.

Nous espérons que les autorités de tutelle trouveront les moyens d’intégrer ces traitements innovants dans la liste des médicaments pris en charge, afin de permettre à nos patients de bénéficier des dernières avancées dans la lutte contre le cancer.

Comment voyez-vous l’évolution de ce Guide dans les années à venir ?

Ce Guide est appelé à être mis à jour régulièrement, tous les quatre à cinq ans, car la cancérologie évolue très rapidement. Il y a constamment de nouvelles molécules, de nouveaux essais cliniques et de nouveaux standards thérapeutiques. Il est donc essentiel de rester à jour.

Par ailleurs, une version numérique est en cours d’élaboration, avec des applications destinées aux systèmes Android et Apple, afin que les oncologues puissent accéder rapidement à l’information directement depuis leur smartphone.

Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté médicale à l’occasion de cette nouvelle publication ?

La médecine évolue aujourd’hui à une vitesse remarquable, aussi bien en oncologie que dans les autres spécialités. L’intelligence artificielle apporte également une contribution importante à cette évolution. Les patients, de leur côté, sont désormais de plus en plus informés sur leur pathologie et sur les actualités thérapeutiques et diagnostiques, notamment grâce à Internet, à ChatGPT et à d’autres outils similaires. Nous, professionnels de santé, devons être à la hauteur des attentes de nos patients, rester constamment informés et traiter selon les recommandations et les standards actualisés, car la médecine évolue en permanence. Ce principe vaut d’ailleurs pour toutes les spécialités médicales.

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