Saloua Islah
01 Août 2025
À 11:00
Des particules invisibles à l’œil nu, mais désormais omniprésentes dans notre environnement, et peut-être... dans notre cerveau. Une récente étude parue début 2025 dans
Nature Medicine a mis en évidence la présence croissante de
microplastiques dans les tissus cérébraux humains, relançant le débat sur leurs effets potentiels sur la santé.
Les chercheurs ont autopsié une cinquantaine de personnes décédées au
Nouveau-Mexique entre 2016 et 2024. Résultat : tous les cerveaux analysés contenaient des microplastiques, avec une concentration nettement plus élevée dans les échantillons récents. Une progression qui, selon l’auteur principal de l’étude, le toxicologue américain
Matthew Campen, pourrait représenter jusqu’à
10 grammes de plastique par cerveau, soit l’équivalent d’une cuillère à café.
Si ce chiffre frappe, il doit cependant être interprété avec prudence. Le faible échantillon de l’étude, limité à une seule région géographique, ne permet pas d’extrapolations globales. "Même si ce sont des résultats intéressants, il faut les interpréter avec précaution", avertit
Theodore Henry, toxicologue à l’université Heriot-Watt en Écosse. Le professeur
Oliver Jones, chimiste à l’université RMIT en Australie, va plus loin : "Même si ces particules atteignent le
cerveau, rien ne prouve à ce jour qu’elles soient toxiques."
Pourtant, les scientifiques restent en alerte. D'autres recherches, notamment une étude de 2024 parue dans The New England Journal of Medicine, ont montré un lien entre la présence de microplastiques dans
les vaisseaux sanguins et un risque accru d’
accidents cardiovasculaires chez les personnes souffrant d’athérosclérose. Un précédent qui appelle à la vigilance.
Concernant
les risques neurologiques, les preuves directes manquent encore chez l’être humain. Toutefois, des signaux d’alerte apparaissent chez l’animal. Une étude publiée en janvier 2025 dans Science Advances a détecté, grâce à des techniques d’imagerie de pointe, des microplastiques dans le cerveau de souris. Ces particules y ont provoqué des thromboses cérébrales ainsi que des
troubles neurocomportementaux.Pour les spécialistes, il devient urgent d’investiguer davantage. Le toxicologue français
Xavier Coumoul rappelle que l’exposome – cet ensemble de facteurs environnementaux auquel chaque individu est confronté – est fortement lié au développement de maladies neurodégénératives comme
Alzheimer. "Les particules fines sont déjà identifiées comme un facteur de risque...Les microplastiques pourraient suivre une trajectoire similaire", explique-t-il, tout en soulignant que leur composition est différente.
Le sujet n’en est qu’à ses débuts, mais il s’impose dans les débats internationaux sur
la pollution plastique. Alors que de nouvelles négociations s’ouvrent à Genève
pour établir un traité mondial,
les microplastiques apparaissent comme une menace insidieuse dont les effets à long terme restent largement inconnus. Une raison de plus, pour les chercheurs, d’appliquer le principe de précaution.