Durant les
vacances scolaires, les journées s’étirent, les appels incessants «Maman, je m’ennuie» fusent, et les chamailleries se multiplient. Pour nombre de familles, cette période de l’année ressemble parfois plus à un
marathon qu’à une parenthèse de détente. Dans cette agitation, télé, tablette et téléphone se transforment vite en alliés de circonstance. «Cinq minutes de dessins animés et la maison retrouve, enfin, son calme», sourit Leïla, mère de trois enfants. Cinq minutes qui, bien souvent, s’étirent jusqu’à devenir de longues
séances numériques.
Des règles fixées... vite assouplies«Je pars toujours avec les meilleures intentions : limiter à une heure par jour. Mais au bout de deux jours, les règles volent en éclats», avoue Hind, maman de deux garçons de 6 et 9 ans. Entre les repas à préparer, les lessives et les disputes à arbitrer, elle finit par céder.
Même constat pour Samira, mère célibataire : «Avec deux enfants à la maison, je ne peux pas être partout. Les
écrans me permettent juste de souffler et de faire les tâches urgentes. Mais après, c’est la bataille pour les décrocher».
Le phénomène est généralisé. Sans rythme scolaire, sans activités encadrées, le temps passé devant les écrans explose. Et malgré leur culpabilité, beaucoup de parents reconnaissent que cette «
paix numérique» leur est parfois indispensable.
Pourquoi est-ce si difficile de tenir les limites ?Pour
Ahmed Fouzi, psychologue, cette situation n’a rien d’étonnant. «Les vacances bouleversent la structure quotidienne des enfants. Les repères horaires disparaissent, les parents sont plus sollicités, et l’épuisement fait baisser le seuil de tolérance. Les
écrans offrent une solution rapide pour calmer ou occuper les enfants.»
Le spécialiste rappelle que ce n’est pas tant le recours ponctuel qui pose problème, mais l’absence de cadre clair. «Un enfant habitué à avoir un
accès libre à l’écran pendant les vacances aura beaucoup plus de mal à revenir à un usage limité à la rentrée», explique-t-il.
Selon Ahmed Fouzi, la clé est de
fixer des moments précis avec et sans écrans et de respecter ce qui a été convenu avec les enfants. «Par exemple, interdire les écrans aux repas et le matin dès le réveil, mais accepter un
temps encadré l’après-midi. Il vaut mieux annoncer clairement la durée plutôt que d’improviser au jour le jour.»
Le psychologue encourage aussi les parents à proposer des alternatives réalistes, comme des
activités manuelles simples, des
jeux de société, de
l’aide en cuisine... Et surtout à impliquer les enfants dans la définition des règles, pour éviter les luttes de pouvoir.
Les
vacances sont un moment particulier, où un peu plus de flexibilité est normal. «Les parents ne doivent pas culpabiliser d’autoriser davantage d’écrans pendant l’été. L’essentiel est que ce
temps reste encadré, choisi, et qu’il ne remplace pas toutes les autres formes de jeu ou d’
interaction sociale», insiste Ahmed Fouzi.
Des risques visuels souvent sous-estimésSur le plan visuel, cette vigilance est d’autant plus importante. «Chaque année, la rentrée scolaire s’accompagne d’une hausse notable des consultations pour fatigue visuelle, maux de tête, vision floue intermittente ou troubles de la concentration», observe
Wiam El Jai, orthoptiste.
Selon elle,
l’exposition prolongée aux écrans provoque souvent «une
fatigue visuelle liée à l’attention continue sur une courte distance, une baisse transitoire de l’accommodation, une sécheresse oculaire... et parfois même des troubles posturaux ou des migraines».
Elle rappelle que «plus l’enfant est jeune, plus son
système visuel est fragile». Avant 6 ans, la vision est encore en développement actif, et une sollicitation excessive de la vision de près peut favoriser «l’apparition d’un strabisme accommodatif ou accentuer une myopie débutante».
Pour préserver leur vue,
l’orthoptiste conseille de compenser le temps passé devant les écrans par «des activités de plein air qui sollicitent la vision de loin, des jeux de construction ou de société, et même de simples moments de regard vers l’horizon pour reposer les yeux». Et de conclure : «Les écrans font partie du quotidien, y compris pendant les vacances, mais leur
usage intensif n’est pas sans conséquence. Un
usage encadré et des activités extérieures sont essentiels».