Hajjar El Haïti
25 Mai 2025
À 18:43
À l’approche de
Aïd Al-Adha, les boucheries marocaines voient leur fréquentation augmenter sensiblement. Bien que le rituel du sacrifice ait été officiellement annulé cette année, la demande en
viande rouge, notamment ovine, ne faiblit pas. Nombre de familles tiennent à recréer, malgré tout, une ambiance de fête. Pour beaucoup, il est inconcevable de passer le jour du Aïd sans grillades, sans «Boulfaf», ce rituel culinaire emblématique du premier jour.
«Ce ne sera pas un vrai Aïd, mais on veut marquer le coup. Même si c’est juste un peu de viande grillée avec les enfants», confie Salma, mère de trois enfants, croisée à la sortie d’une boucherie à Casablanca. Même son de cloche chez Rachid, père de famille : «L’ambiance compte. On ne peut pas sacrifier un mouton cette année, mais on peut au moins garder un peu de chaleur autour de la table». Mais cette volonté de préserver un semblant de tradition se heurte à une réalité économique bien plus rude. Les prix flambent, en particulier ceux des abats, très prisés à cette période.
Habituellement proposés autour de 250 dirhams, les prix des tripes du mouton sont désormais entre 500 et 700 dirhams dans de nombreuses boucheries du pays. Et selon les professionnels du secteur, le prix pourrait grimper jusqu’à 1.000 dirhams dans les jours à venir.
Mohamed Jebli, président de la
Fédération marocaine des acteurs de la filière élevage (FMAFE), confirme cette tendance inquiétante. «Les prix de la
viande ovine ont grimpé à l’approche de Aïd Al-Adha. La demande reste importante malgré l’annulation du sacrifice, et cela a provoqué une flambée des prix», déclare-t-il au journal «Le Matin».
Dans un contexte de forte demande et d’offre limitée, les règles du marché s’imposent. Aucune mesure de régulation directe n’a été annoncée par les autorités, laissant le champ libre à la spéculation. Une situation préoccupante, notamment pour les ménages, qui voient leur pouvoir d’achat encore plus fragilisé.
Face à cette envolée, M. Jebli appelle les consommateurs à faire preuve de discernement : «Les boucheries ne prévoient pas de fermer leurs portes cette année, puisqu’il n’y aura pas de célébration. Il n’est donc pas nécessaire de se précipiter pour s’approvisionner en grande quantité. Cela ne fait qu’aggraver l’augmentation des prix».
Un avis partagé par Bouazza Kherrati, président de la
Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), qui insiste sur la responsabilité directe des consommateurs dans la dynamique actuelle du marché : «Ceux qui se plaignent aujourd’hui des prix élevés sont souvent ceux qui, paradoxalement, ont précipité cette hausse en se ruant massivement sur les abats», affirme-t-il. Il rappelle que ces produits sont habituellement consommés en hiver, et rarement achetés dans leur intégralité. «En temps normal, les abats sont vendus par parties, soigneusement préparés par les bouchers. Or, cette année, nombreux sont ceux qui ont voulu acquérir une "Douara” complète, ce qui a fait exploser la demande».
M. Kherrati souligne, également, que comme lors de toute période marquée par un pic de consommation, c’est la loi de l’offre et de la demande qui s’applique. Pour le président de la FMDC, la seule façon de réguler ce phénomène reste une prise de conscience collective. Il appelle à respecter l’esprit de la Décision Royale, qui invite les citoyens à festoyer sans recourir au sacrifice, et à faire preuve de modération. «À mon sens, il est incohérent de dénoncer la flambée des prix tout en contribuant activement à son amplification. Dans le contexte actuel, une part non négligeable de la responsabilité incombe au consommateur lui-même. En acceptant de payer des tarifs excessifs sans discernement, il offre aux professionnels peu scrupuleux un terrain propice aux abus», insiste-t-il.
Des bouchers misent sur TikTok pour booster leurs ventes avec des packs festifs
À l’approche de Aïd Al-Adha, les boucheries redoublent d’efforts pour répondre à une demande toujours plus forte. Face à cette effervescence, de nombreux bouchers innovent en utilisant les réseaux sociaux, notamment TikTok, pour promouvoir leurs produits et toucher une clientèle plus large. Ces professionnels n’hésitent pas à présenter des offres attractives sous forme de packs complets, composés d’épaule d’agneau, viande hachée, côtelettes, brochettes, «Mrouzia», «Boulfaf»... le tout soigneusement conditionné et étiqueté. Ces assortiments facilitent l’achat pour les consommateurs en proposant un menu varié à un prix fixe, généralement compris entre 800 et 1.000 dirhams.
Pour Abdelkader, boucher à Casablanca, «Les réseaux sociaux sont devenus un canal essentiel pour toucher les clients. En montrant nos packs sur TikTok, on reçoit beaucoup de commandes. Cela nous permet aussi de mieux gérer notre stock». Les clients semblent aussi apprécier cette formule comme en témoignent les nombreux commentaires positifs sous ces vidéos.