Société

Hiver sous tension : virus respiratoires, Covid et «super-grippe» en embuscade

Fièvre, toux, fatigue… en hiver, les symptômes se ressemblent et les virus se multiplient. Grippe saisonnière, Covid-19, VRS et nouveau variant grippal circulent souvent simultanément. Une cohabitation qui complique le diagnostic et augmente les risques pour les personnes vulnérables. Explications du Dʳ Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé.

23 Décembre 2025 À 16:20

Chaque année, la saison froide s’impose comme un terrain favorable à la circulation des maladies respiratoires. La fin de l’automne et le début de l’hiver, marqués par la baisse des températures, la promiscuité dans les espaces clos et une aération souvent insuffisante, constituent un contexte idéal pour la propagation des virus... et des bactéries. Mais cet hiver, un élément nouveau vient renforcer la vigilance des professionnels de santé : l’émergence d’un nouveau variant de la grippe.

Surnommé «super-grippe» par certains médias et sur les réseaux sociaux, ce virus circule activement. Il s’agit d’un variant de la souche A(H3N2), qui a accumulé sept mutations durant l’été 2025, le distinguant clairement des souches précédentes. Déjà très répandu en Europe, ce variant commence à se propager au Maroc, selon les spécialistes, s’ajoutant à un paysage épidémiologique déjà chargé.

Grippe saisonnière, «super-grippe», Covid-19, virus respiratoire syncytial (VRS), rhinovirus, mais aussi infections bactériennes : la question se pose alors naturellement pour de nombreux citoyens. Ces agents pathogènes peuvent-ils circuler en même temps ? Et surtout, comment s’y retrouver face à des symptômes souvent similaires ?

Des virus qui circulent ensemble... et se confondent

Pour le Dʳ Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, la réponse est sans équivoque. «La saison froide au Maroc est propice à la propagation des maladies respiratoires, qu’elles soient virales ou bactériennes, mais surtout virales, car elles sont très transmissibles. Et cette coexistence n’a rien d’exceptionnel. Ces infections peuvent bien évidemment circuler ensemble», explique-t-il. Fièvre, toux, fatigue, maux de tête, douleurs musculaires... face à ces symptômes, il est souvent impossible, pour le grand public, de distinguer une grippe d’une Covid-19 ou d’une autre infection respiratoire.

«Quand on a de la fièvre et de la toux, on n’est jamais sûr s’il s’agit d’une grippe, de la Covid ou d’un autre virus. Sans test, on ne peut pas trancher avec certitude», précise le Dʳ Hamdi. Les médecins s’appuient alors sur le contexte épidémiologique, la dynamique de circulation du virus dans la communauté, la famille ou l’entourage, ainsi que sur l’évolution clinique.

Des risques accrus pour les personnes vulnérables

Si la majorité des infections respiratoires évolue favorablement chez les personnes jeunes et en bonne santé, le danger est tout autre pour les populations vulnérables. «Toutes ces infections peuvent entraîner des complications, et chaque virus a ses propres groupes à risque, mais il existe aussi des groupes vulnérables communs», rappelle le Dʳ Hamdi. Il cite notamment les personnes âgées de 65 ans et plus, les femmes enceintes, les personnes atteintes de maladies chroniques (diabète, hypertension, asthme, maladies cardiaques), ainsi que les personnes obèses. Pour la grippe saisonnière, les enfants de 6 mois à 5 ans constituent également un groupe à risque, contrairement à la Covid-19.

Le mécanisme des complications est bien connu. «Une infection virale peut déstabiliser une maladie chronique jusque-là bien équilibrée. Une grippe peut faire décompenser un diabète, une pathologie cardiaque ou provoquer des complications graves, allant jusqu’à l’hospitalisation, la réanimation, voire le décès», alerte-t-il. Les complications respiratoires arrivent en premier, mais peuvent rapidement entraîner des atteintes cardiaques, neurologiques (AVC) ou rénales.

Quand consulter... et quand rester chez soi ?

Le Dʳ Hamdi insiste sur un point essentiel : la conduite à tenir dépend du profil du patient. «Pour les personnes vulnérables, il ne faut pas attendre. Dès l’apparition des symptômes, il faut consulter», recommande-t-il. En revanche, pour une personne jeune, en bonne santé, sans facteur de risque, et dans un contexte épidémique clair, le repos reste souvent suffisant. «Dans 97 à 99% des cas, il s’agit de la même infection qui circule dans l’entourage. Le repos, l’hydratation et rester chez soi sont généralement suffisants», explique-t-il. Mais certains signes doivent alerter. «Si les symptômes persistent, s’aggravent, ou s’il apparaît une dyspnée, une hypotension, une hypertension inhabituelle, des troubles visuels ou une conjonctivite marquée, il faut consulter sans attendre».

Automédication : un danger sous-estimé

L’un des messages les plus fermes du Dʳ Hamdi concerne l’automédication. «L’automédication est une très mauvaise chose, quelle que soit la situation», martèle-t-il. Antibiotiques pris à tort, anti-inflammatoires consommés sans indication : les risques sont réels. «Les antibiotiques ne traitent pas les virus. Ils ne sont indiqués que lorsqu’il existe une surinfection bactérienne, par exemple après une grippe qui a lésé les poumons», précise-t-il.

Quant aux anti-inflammatoires, ils peuvent affaiblir le système immunitaire et aggraver l’évolution de la maladie. Les médicaments contre le rhume et les décongestionnants nasaux sont également pointés du doigt. «Ils sont déconseillés dans de nombreux pays, car ils sont peu efficaces et peuvent, dans de rares cas, provoquer des complications graves comme des AVC», avertit-il.

Prévention : des gestes simples, mais essentiels

Face à cette circulation simultanée de virus, la prévention reste l’arme la plus efficace. «La vaccination est indispensable pour les groupes vulnérables, sans discussion», insiste le Dʳ Hamdi, tout en rappelant qu’elle est également bénéfique pour toute personne souhaitant se protéger. À cela s’ajoutent les gestes barrières désormais bien connus : «Hygiène des mains, aération des espaces clos, port du masque en cas de symptômes et isolement à domicile quand on est malade».

En cette période hivernale marquée par la multiplication des virus et l’arrivée d’un nouveau variant grippal, le message des spécialistes est clair : vigilance, responsabilité individuelle et consultation médicale en cas de doute restent les meilleurs alliés pour traverser la saison sans complications.
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