Nabila Bakkass
21 Juillet 2025
À 17:28
La question du rapport entre les jeunes Marocains et la vie publique revient régulièrement dans les débats, qu’ils soient politiques, médiatiques ou sociaux. Dans la majorité des cas, les discours évoquent un certain désengagement, voire un désintérêt de la part de cette jeunesse. Ces jugements, souvent généralisés et parfois simplistes, méritent pourtant d’être nuancés. Car réduire toute une génération à l’indifférence revient à ignorer la diversité des parcours, des opinions et des formes d’engagement.
C’est précisément ce que rappelle cette récente étude menée par l’association «Les Citoyens», qui remet en question bon nombre d’idées reçues sur la jeunesse marocaine. Présentée le 17 juillet à Casablanca, cette enquête nationale s’appuie sur plus de 1.100 témoignages de jeunes âgés de 19 à 24 ans, issus des 12 régions du Royaume. Son rapport, intitulé «Comment les jeunes voient-ils l’engagement citoyen ?», croise analyses quantitatives et qualitatives pour dresser un portrait plus nuancé et fidèle de cette tranche de la population.
Une génération qui veut des résultats rapides... mais solides
L’étude montre que, loin d’être passifs, les jeunes Marocains sont souvent critiques envers
les institutions, puisque
70% d’entre eux ne font pas confiance aux élus ni aux structures officielles. Cette méfiance explique en partie la faible utilisation des mécanismes formels de
démocratie participative, puisque 46% n’y ont jamais eu recours. Pourtant, cette défiance ne signifie pas un désengagement total, car 72% des jeunes ont déjà participé à des initiatives citoyennes locales, témoignant d’un engagement réel, bien que souvent exprimé en dehors des cadres institutionnels traditionnels. Ces chiffres dessinent ainsi une jeunesse lucide et mobilisée, qui questionne les institutions sans renoncer à son rôle citoyen.
Par ailleurs, l’étude souligne que cette génération, marquée par
l’instantanéité du numérique et habituée aux formats courts, n’en reste pas moins sensible aux enjeux fondamentaux de la société. Comme le souligne
Anace Heddan, directeur exécutif de l’association «Les Citoyens», «C’est une génération qui demande à être formée, accompagnée et orientée, et qui souhaite voir des effets concrets et rapides à son action».
Cette dynamique se manifeste notamment à travers
les «cafés citoyens», un projet mené par l’association pour encourager le dialogue. «Quand on s’exprime dans un langage simple, dans des espaces ouverts, les jeunes participent, débattent et proposent, ce qui montre clairement leur besoin d’un changement de ton, de registre et de cadre», ajoute-t-il. Dans ce sens, les recommandations formulées par l’étude visent à répondre concrètement à ces attentes. Elles préconisent notamment
la création de fonds dédiés aux initiatives citoyennes non formelles,
le déploiement de budgets participatifs locaux donnant un droit de regard aux jeunes, ainsi que
le lancement de plateformes numériques destinées à valoriser et mettre en réseau les actions de jeunesse.
De la parole à l’action : vers des Labos Citoyens
L’association ne souhaite pas s’arrêter au stade du diagnostic. Son directeur exécutif a ainsi annoncé au journal «Le Matin» le lancement d’une nouvelle phase : les «Labos Citoyens», des ateliers collaboratifs où les jeunes pourront co-créer des propositions de politiques publiques. L’objectif est clair : aboutir à une présentation structurée de ces solutions en décembre, devant des décideurs politiques et institutionnels.
Cette démarche inédite ambitionne de faire évoluer le rôle de la jeunesse, d’un simple statut d’observateur à celui de co-acteur du changement. Car, comme le rappelle Anace Heddan, les jeunes ne se contentent plus de critiquer. Ils veulent – et peuvent – proposer. Ils attendent simplement qu’on leur tende la main, qu’on reconnaisse leurs efforts, qu’on leur parle un langage clair et qu’on crée les conditions de leur participation réelle. Autrement dit, qu’on les prenne au sérieux.