Dans les rues de Casablanca, de Rabat ou d’autres villes marocaines, se déplacer peut être un véritable calvaire pour les personnes à mobilité réduite (PMR). Entre trottoirs encombrés, accès limités aux bâtiments publics et transports inadaptés, leur quotidien est un combat permanent. À l’occasion de la Journée nationale du handicap, Hicham Marbot, président fondateur de l’Association marocaine de vie et espoir pour le handicap (AMVEH), a tenu à répondre aux interrogations sur les obstacles qui entravent encore l’inclusion des PMR.
Des obstacles omniprésents dans l’espace urbain
«Les voiries et trottoirs sont souvent inadaptés. On y trouve des terrasses de cafés, des panneaux publicitaires dangereux ou encore des sorties de garage non sécurisées, rendant la circulation des PMR extrêmement compliquée. De plus, l’accès aux établissements recevant du public, comme les restaurants, écoles ou administrations, reste très limité, sans parler de l’absence de sanitaires accessibles», déplore Hicham Marbot.
Le manque de places de stationnement réservées ou de zones de «dépose-minute» complique davantage leurs déplacements. Pourtant, des normes d’accessibilité existent au Maroc, mais leur application laisse à désirer.
Un cadre législatif précis, mais peu respecté
Malgré un arsenal législatif clair, comprenant notamment la Loi n° 10-03 sur l’accessibilité ou encore l’Arrêté conjoint n° 2306-17 précisant les spécifications techniques, la mise en œuvre reste largement insuffisante. «Les normes d’accessibilité ne sont pas toujours respectées lors de la construction ou la réhabilitation des infrastructures publiques. Un exemple flagrant est celui des trottoirs du boulevard Zerktouni à Casablanca : mal conçus, ils ne permettent pas une circulation fluide des PMR. Il y a un manque flagrant de contrôle et de responsabilisation des acteurs impliqués», souligne M. Marbot.
Face à cette réalité, la solution passe par une meilleure sensibilisation des décideurs et des entreprises du bâtiment. «Les élus et responsables doivent mieux connaître les réglementations existantes et les agences urbaines doivent jouer un rôle de diffusion des bonnes pratiques. L’accessibilité devrait être intégrée systématiquement aux cahiers des charges des marchés publics et des appels d’offres», insiste-t-il. Le ministère de l’Aménagement du Territoire a déjà élaboré un guide des règles d’accessibilité, mais sa diffusion reste confidentielle.
Le président de l’AMVEH exprime, par ailleurs, son souhait de voir les autorités et les responsables tirer parti des grands chantiers en cours dans les principales villes du pays pour repenser l’aménagement urbain et garantir une meilleure accessibilité aux PMR. «Il est essentiel que ces projets d’envergure intègrent dès leur conception des infrastructures adaptées, comme des trottoirs aux normes, des passages piétons sécurisés, des ascenseurs dans les espaces publics et des accès facilités aux bâtiments. Ces opportunités de modernisation urbaine doivent être saisies pour créer des villes véritablement inclusives», ajoute M. Marbot.
L’AMVEH en action pour une ville plus inclusive
Depuis plus de huit ans, l’AMVEH multiplie les initiatives pour favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap. «Nous avons lancé des projets comme "Ville et Village Solidaire”, alliant tourisme et accessibilité, ou encore "Handipilage éco-solidaire”, pour former les élus et techniciens à l’urbanisme inclusif. En 2016, nous avons publié le premier Guide des bonnes pratiques pour l’inclusion des personnes en situation de handicap», rappelle Hicham Marbot. D’autres campagnes, comme la distribution de flyers en 2019, ont mis l’accent sur la sécurisation des trottoirs et la mise en accessibilité des établissements recevant du public.
En 2024, l’AMVEH a intensifié sa pression sur les responsables en adressant 18 courriers officiels à divers acteurs, dont la présidente de la ville de Casablanca, les gouverneurs de Mohammedia et Casablanca, et le Wali de la région Casablanca-Settat.
«Seuls les gouverneurs de Mohammedia, Imsouane et Casablanca ont répondu favorablement, en s’engageant dans la limite de leurs prérogatives. C’est un début, mais il faut aller plus loin», note le président de l’association.
L’AMVEH milite pour un renforcement des sanctions en cas de non-respect des normes d’accessibilité et travaille sur une étude visant à modifier et compléter la Loi 10-03. L’objectif : garantir des villes accessibles à tous. «Nous prévoyons d’identifier d’ici fin 2025 les partis politiques susceptibles de soutenir cette proposition de loi, dans un souci d’intérêt général», annonce M. Marbot.
En parallèle, l’association prévoit d’organiser, à l’occasion de la Journée du handicap 2026, la première Assise marocaine du handicap à Mohammedia. «Cet événement rassemblera associations, élus et ministères pour un dialogue structurant et constructif autour des enjeux d’accessibilité», conclut-il.
Journée nationale du handicap : Réaffirmer l’engagement pour les droits et l’égalité de chacun
Le Maroc célèbre, ce dimanche, la Journée nationale des personnes en situation de handicap, une occasion de réaffirmer l’importance des efforts et des initiatives pour garantir les droits d’une catégorie représentant plus de 1 milliard de personnes dans le monde, soit environ 15% de la population mondiale.
Définir le handicap n’est pas chose aisée, tant ses formes et manifestations sont diverses. Il s’agit d’une altération passagère ou permanente d’une ou plusieurs fonctions du corps humain, pouvant survenir à tout âge de la vie, dès la naissance. Cette altération peut affecter les capacités motrices, mentales, cognitives ou sensorielles, entraînant une perte d’autonomie et des difficultés à accomplir les activités du quotidien.
Le handicap moteur se manifeste par des limitations de mobilité et des gestes, tandis que le handicap mental englobe les déficiences intellectuelles réduisant les capacités d’apprentissage. Le handicap cognitif, quant à lui, affecte des fonctions supérieures telles que la mémoire, le langage ou l’attention, et le handicap psychique concerne des troubles mentaux comme la dépression ou la schizophrénie.
Sur le plan social, l’inadéquation ou l’absence des moyens nécessaires à l’inclusion et à l’accessibilité accentue le sentiment de handicap. Pour Omar, un jeune homme de 29 ans amputé suite à un accident, «l’inclusion ne passe pas uniquement par les équipements adaptés, mais aussi par un changement de regard et de mentalité envers les personnes handicapées».
L’inclusion des personnes en situation de handicap dans tous les aspects de la vie – sociale, économique, éducative, professionnelle et culturelle – est un objectif fondamental. À cet effet, un plan santé et handicap 2022-2026, élaboré par le ministère de la Santé en collaboration avec le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), vise à améliorer l’accessibilité des services de santé et à offrir une prise en charge adaptée.
Selon les chiffres du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2024), une légère baisse de la prévalence du handicap a été observée, passant de 5,1% en 2014 à 4,8% en 2024, avec une incidence plus élevée chez les séniors. Aussi, l’augmentation de l’espérance de vie et des maladies chroniques nécessitent des efforts accrus pour prévenir, dépister et diagnostiquer précocement des maladies pouvant évoluer en handicaps. Les avancées technologiques ont également permis des progrès notables dans l’accompagnement des personnes handicapées.
Ainsi, cette Journée nationale des personnes en situation de handicap est l’occasion de promouvoir les initiatives visant à garantir les droits des personnes handicapées, réduire les inégalités et améliorer leur accès aux soins et services. Les efforts déployés pour cette catégorie de la population, à travers des stratégies nationales et une collaboration internationale, traduisent l’engagement du Royaume pour une société inclusive.
En sensibilisant aux réalités du handicap et en valorisant les réussites des personnes en situation de handicap, cette Journée invite à repenser les approches, à renforcer les outils d’inclusion et à bâtir un avenir où chacun puisse participer pleinement à la vie sociale, économique et culturelle du pays.