Hajjar El Haïti
12 Décembre 2023
À 21:10
Rhume, grippe, angine... La saison froide est une période propice aux
maladies respiratoires à cause des
virus qui se propagent plus facilement quand les températures sont basses. Pour les traiter, de nombreux Marocains recourent aux
antibiotiques sans avoir l’avis d’un
médecin.
«Nous constatons au niveau des
officines que les ventes des
antibiotiques augmentent considérablement dès le début de l’automne où les
infections respiratoires deviennent fréquentes. Toutes ces personnes qui viennent pour les acheter n’en ont pas réellement besoin. C’est pourquoi nous essayons de voir avec les
patients leurs
symptômes au cas par cas pour les orienter vers d’autres
traitements plus adaptés. Mais souvent, ils refusent tout conseil. Ils sont convaincus que c’est l’antibiotique qui les sauvera», témoigne
Amal Charifi, pharmacienne à Casablanca.
Le r
ecours aux antibiotiques est devenu quasi systématique pour de nombreuses personnes, en particulier après la
pandémie Covid-19. Certains prescrivent ces
médicaments à des membres de la famille, des voisins, voire des collègues de travail... Même les parents n’hésitent pas à traiter les infections respiratoires de leurs enfants de la même manière, dès que des symptômes, comme la fièvre, la fatigue, la toux..., commencent à apparaître. D’après le
ministère de la Santé, plus de 50% des patients utilisent des antibiotiques avant toute consultation, car la délivrance de ces médicaments au niveau des
pharmacies d’officine ne fait l’objet d’aucun contrôle. Ces personnes ignorent totalement les dangers de cette pratique. «L’usage abusif des antibiotiques accélère le phénomène de la résistance aux antimicrobiens. Il faut savoir que ces médicaments ont été conçus pour traiter les infections causées par des bactéries.
Ils sont inefficaces lorsque l’
infection est causée par d’autres agents pathogènes tels que les virus», déclare au «Matin» Dr
Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé. Et d’ajouter que «la majorité des infections respiratoires, hautes ou basses, sont virales et donc ne nécessitent pas l’utilisation d’un antibiotique. Si on prend l’exemple de l’angine : la maladie est virale chez 9 adultes sur 10 et 7 enfants sur 10. Dans la majorité des cas, la prise d’un antibiotique ne servira strictement à rien. Le patient va simplement courir le risque de développer une résistance où les antibiotiques deviennent inefficaces contre les bactéries». Dr Hamdi rappelle, par ailleurs, que la résistance aux antibiotiques constitue, aujourd’hui, l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale. «Ce problème d’
antibiorésistance cause plusieurs décès chaque année. Si cela continue, plus de personnes mourront à cause des
maladies bactériennes, comme la tuberculose et d’autres infections respiratoires qu’on pouvait traiter avant et qu’on ne pourra dorénavant plus le faire. Les maladies vont aussi devenir plus longues et plus difficiles à traiter. Les traitements coûteront plus cher...», alerte le médecin. Ce dernier souligne que le recours systématique aux antibiotiques n’est pas la seule raison du développement de l’antibiorésistance.
Le
mauvais usage des antibiotiques peut aussi accélérer ce phénomène. «Quand on utilise l’antibiotique pendant une durée insuffisante (3 jours au lieu de 7, par exemple) ou quand on l’utilise en sous-usage au lieu (500 mg au lieu d’un gramme par jour), cela crée une antibiorésistance. Aussi la prescription d’un antibiotique qui n’est pas adapté, par le
médecin ou le
pharmacien ou le
patient lui-même, augmente le risque de faire de l’antibiorésistance. C’est en effet le cas, quand on utilise un antibiotique à spectre large qui vise plusieurs bactéries au lieu d’un antibiotique, dit à spectre étroit qui est plus ciblé», explique Dr Hamdi.