Nabila Bakkass
10 Octobre 2023
À 11:46
L’intégration socio-éducative de l’
enfant autiste n’est pas chose aisée. Dès que le diagnostic est établi, c’est toute la vie de la famille qui est chamboulée. Les
parents et les
éducateurs militent chaque jour avec l’espoir de voir leur enfant rejoindre le monde des gens dits normaux, mais le problème est que le résultat n’est pas toujours garanti. Intervenant dans une conférence organisée par l’
association Rise School et l’
IHEPS, le 8 octobre à Casablanca,
Barbara Donville, psychothérapeute cognitive et coach parental dans le domaine des troubles envahissants du développement, en particulier l’autisme, partage quelques éléments clés pour permettre aux parents et aux éducateurs de relever leur défi au quotidien. Étant elle-même maman d’un enfant autiste, l’experte estime qu’il faut se donner les moyens pour comprendre, mais avant tout observer et surtout aimer son enfant. «C’est ainsi que l’on pourrait l’aider à déchiffrer tout ce qui se passe dans son environnement», note-t-elle.
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Comment fonctionne le cerveau autistique ?
«Le
cerveau d’un
enfant autiste n’arrive pas à repérer ce qui se passe autour de lui. Il ne trie pas et ne crée pas de catégories, d’où la difficulté à expliquer les choses par des mots simples», explique Barbara Donville. En effet, ajoute-t-elle, l’enfant autiste ne peut pas non plus distinguer les sensations, puisque son corps ne lui appartient pas suffisamment. «Contrairement aux autres bébés, le corps d’un enfant autiste ne fait pas le travail tellement essentiel pendant les premiers mois de la naissance qui consiste à repérer ce qu’il voit et ce qu’il ressent, et c’est ce qui explique le fait qu’il n’arrive pas à distinguer les sensations au fur et au mesure qu’il évolue dans la vie», détaille-t-elle. Sur un ton optimiste, l’intervenante ajouter qu’en travaillant avec l’enfant, on peut l’aider à ressentir et à mettre des mots sur tout ce qui se passe autour de lui. D’après la spécialiste, le travail d’accompagnement doit se faire aussitôt que possible. Elle rejoint ainsi le point de vue des spécialistes qui sont convaincus que si on prend en charge l’enfant assez tôt, on maximise les chances d’assurer son intégration socio-éducative. Encore faut-il qu’on soit capable d’identifier les signes de l’autisme !Les signes avant-coureurs... mais latents
«Les premiers signes sont extrêmement difficiles à repérer durant les premiers mois», souligne l’intervenante avant de préciser que très généralement, les parents ne s’en rendent compte de son état que lorsque l’enfant commence à grandir. Parmi ces
signes avant-coureurs, l’experte note le fait que le bébé se désintéresse de son environnement. «Il ne développe pas le sourire social et peu à peu on trouve des difficultés à le toucher, le caresser ou encore lui changer ses vêtements ou le mettre dans le bain», précise-t-elle. Autres signes : le bébé ne tend jamais les bras ou encore le doigt pour exprimer un besoin et ne joue pas non plus avec les objets qu’on lui met dans la main. Bref, l’enfant n’est absolument pas là. Barbara Donville appelle, toutefois, les parents à ne pas culpabiliser pour n’avoir pas pu repérer ces signes qui restent tout de même difficiles à observer. «Au lieu de culpabiliser, aimez l’enfant et aidez-le à vous faire confiance, c’est de cette manière que vous allez l’accompagner et l’aider à grandir», dit-elle.
Autisme : Comment aider son enfant à progresser dans le temps ?
Avoir la tendresse d’abord pour soi-même et ne rien attendre de l’enfant. C’est ce que propose l’experte qui tient à souligner qu’il n’y a pas de recette magique en matière d’accompagnement d’un
enfant autiste. Pour elle, le plus important est d’aimer son enfant et l’accompagner sans pour autant attendre des résultats. «Le travail n’est pas facile et requiert beaucoup de sacrifices de la part des parents, mais aussi des éducateurs qui doivent se concentrer sur ce qu’on peut offrir humainement et inconditionnellement à l’enfant», note-t-elle. Et d’ajouter que c’est cette relation de confiance qui peut créer la différence. En outre, elle insiste sur l’observation et la compréhension pour mieux aider l’enfant à dominer la réalité dont il est capable de témoigner. L’experte estime aussi qu’il est incontournable de travailler sur le corps de l’enfant à travers les jeux et la
psychomotricité, partant du principe que chaque geste permettra l’émergence d’un lien mental pour l’enfant. «L’enfant a également besoin de déchiffrer ce qu’il voit et ce qu’il entend, d’où l’importance de jouer avec lui, de l’imiter et de répéter avec lui jusqu’à ce qu’il comprenne», note l’experte. Cette dernière est quasi convaincue qu’il faut aussi miser sur la répétition avec l’enfant jusqu’à ce que son cerveau comprenne et surtout accepte la différence.
Par ailleurs, l’experte tient à souligner que l’autisme pourrait être lié à des facteurs génétiques et environnementaux, à une anomalie, voire une lésion cérébrale. La qualité de la prise en charge, fait-elle savoir, reste déterminante dans l’évolution de l’enfant. Au
Maroc, soulignons-le, ce dossier reste entouré de flou. Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, reconnaît lui-même qu’il n’existe pas à ce jour de chiffres précis. Selon l’Organisation mondiale de la santé, une personne sur 160 présente un trouble du spectre autistique. «Nous sommes en train de chercher à attaquer cette problématique», a-t-il précisé, tout en soulignant que le Maroc a déployé quelques efforts au sein des centres spécialisés, notamment en ce qui concerne le
diagnostic précoce.