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Enfants autistes : À quand une intégration sociale juste et équitable ?

La situation des enfants autistes au Maroc est entourée de flou. La complexité de ce dossier commence déjà par la quasi-absence de l’information sur le nombre d’autistes au Maroc. Ensuite, la prise en charge scolaire et thérapeutique de ces enfants s'avère être un processus long, difficile et coûteux. Les frais médicaux pouvant s’élever jusqu’à 12.000 DH par mois, voire plus. L’intégration de cette frange dans la société est pour ainsi dire un véritable parcours du combattant. «Matin TV» a réalisé un reportage pour vous rapprocher du calvaire des parents qui se voient livrés à eux-mêmes.

Enfants autistes : À quand une intégration sociale juste et équitable ?

Abderrahmane Zine, élève en première année du baccalauréat, a été diagnostiqué autiste dès l’âge de 3 ans, mais cela ne l’a pas empêché d’apprendre et d’évoluer. Son entourage reconnaît qu’il est exceptionnel et doué : en une courte durée, il a pu apprendre le Coran par cœur. Il participe aujourd’hui à différents événements culturels et sportifs et il fait lui-même ses courses. Il est donc le parfait exemple d’un enfant autiste qui, moyennant un accompagnement et un suivi régulier de la part de sa maman, a fini par intégrer la société. Malheureusement, ce n’est pas le cas de tous les enfants autistes. 

Des parents, livrés à euxmêmes, militent chaque jour avec l’espoir de voir leur enfant rejoindre le monde des gens dits normaux. C’est le cas de Khadija, maman d’une petite fille autiste. «C’est très difficile d’avoir un enfant autiste à la maison. Dès que le diagnostic est établi, c’est toute la vie de la famille qui est chamboulée pour pouvoir s’adapter à son rythme et à ses besoins», confie-telle au quotidien «Le Matin». Cette maman semble avoir perdu l’espoir de voir sa fille intégrer la société en tant que fille «normale». Elle dit avoir «frappé à toutes les portes en vain». Pourquoi certains arrivent quand d’autres échouent ? Avant de tenter de répondre à cette question, familiarisons-nous avec l’autisme.

Selon Dr Imane Oukheir, pédopsychiatre et psychothérapeute, «il s’agit d’un trouble neuro-développemental qui touche les enfants et qui peut être associé à des troubles du comportement. On parle de diagnostic à l’âge de 2 ans, mais les premiers signes peuvent être observés dès les premiers mois après la naissance». Pour la spécialiste, l’autisme fait partie des pathologies les plus fréquentes de la santé mentale au Maroc. Pour Imane Hadouche, porte-parole de l’association Ambassadeurs de l’autisme, au Maroc, l’autisme reste un dossier pénible émotionnellement où il y a beaucoup d’injustice et d’incompréhension ! Les spécialistes indiquent que l’autisme pourrait être lié à des facteurs génétiques et environnementaux, à une anomalie voire une lésion cérébrale. À propos des signes premiers à observer, Dr Oukheir tient à souligner que cela diffère d’un enfant à l’autre. En général, «un enfant autiste répond difficilement aux sollicitations, ne fixe pas le regard, évite le contact avec les autres et préfère plus les jeux individuels», explique la spécialiste. Et d’ajouter que l’enfant autiste peut aussi présenter des troubles du sommeil et de l’appétit, s’attacher beaucoup aux rituels et afficher une certaine résistance par rapport à tout ce qui est changement. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Dr Oukheir note qu’on ne parle plus de types précis d’autisme. «On a rassemblé les différents tableaux dans ce que l’on appelle le spectre du trouble autistique et c’est le degré de sévérité du tableau qui permet de distinguer un enfant autiste d’un autre», indique-telle. Pour Imane Hadouche, l’autisme peut être associé à d’autres troubles neurologiques ou handicaps, ce qui complique le diagnostic et, par conséquent, la prise en charge. Combien sont-ils à en souffrir au Maroc ? Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, reconnaît lui-même qu’il n’existe pas à ce jour de chiffres précis. Selon l’Organisation mondiale de la santé, une personne sur 160 présente un trouble du spectre autistique. «Nous sommes en train de chercher à attaquer cette problématique», a-t-il précisé tout en soulignant que le Maroc a déployé quelques efforts au sein des centres spécialisés, notamment en ce qui concerne le diagnostic précoce.  

La scolarisation, le combat des parents

Dans le cadre de l’éducation inclusive dédiée aux enfants en situation de handicap, plusieurs établissements scolaires abritent ce que l’on appelle des classes intégrées. Ces classes sont censées recevoir les enfants autistes et leur assurer l’environnement nécessaire pour apprendre tenant compte de leurs conditions spécifiques, sauf que visiblement les choses sont un peu plus compliquées. Mme Hadouche atteste que dans les établissements marocains, il n’y a pas réellement de classe où l’on trouve uniquement des autistes. «Dans les classes intégrées, on regroupe souvent des enfants ayant différents types de handicaps avec les enfants autistes, ce qui impacte la prise en charge de ces derniers», regrette-t-elle. Sur un ton très courageux, l’experte qui suit de très près l’évolution du dossier, indique que «les écoles n’accueillent pas à bras ouverts un enfant autiste, ce qui amplifie la souffrance des parents». Interpellé sur ce volet, Abderrazzek Ikram, spécialiste en éducation et directeur de l’association «Nabd Hayat» pour les enfants autistes, nous révèle une autre réalité-choc : «les établissements scolaires, particulièrement ceux du privé, demandent aux parents que leur enfant soit accompagné d’une assistance de vie sociale. Les frais de cette assistance varient entre 1.000 et 2.000 parfois, ce qui n’est pas à la portée de toutes familles», regrette-t-il.

La qualité de la prise en charge déterminante

Selon Dr Oukheir, la prise en charge au Maroc suit les recommandations internationales. «C’est une prise en charge multidisciplinaire et à long terme. Elle est basée sur l’analyse comportementale appliquée ou ce que l’on appelle l’ABA. Cette méthode est associée à des rééducations orthophonique et psychomotricienne avec un suivi pédopsychiatrique et psychologique», détaille notre spécialiste. Et d’ajouter que le rôle de la famille et l’environnement de l’enfant sont déterminants. À propos des frais, la spécialiste souligne que cela dépend du choix et des moyens des familles, sachant que des séances sont très coûteuses et fragilisent économiquement les familles. «De façon générale, les frais varient entre 2.500 et 12.000 DH par mois», note-t-elle. Pour certaines familles, il est très difficile de supporter une telle charge. Elles finissent par abandonner le parcours de soin, ce qui se répercute sur la santé mentale de l’enfant autiste.

Les spécialistes contactés par «Le Matin» tiennent à souligner que la qualité de la prise en charge dont bénéficie l’enfant autiste détermine en grande partie s’il pourra ou non être intégré dans la société. D’autres facteurs entrent également en jeu comme l’implication de la famille et l’entourage de façon globale. Malheureusement, les parents, plus souvent les mamans, se disent livrés à eux-mêmes dans ce combat quotidien et dénoncent haut et fort la non-compréhension de l’entourage. Face aux défaillances de la prise en charge thérapeutique et scolaire, des associations tentent, chacune selon ses moyens, d’apporter leur soutien aux familles en accueillant ces enfants. Mais force est de reconnaître que ces associations ont, elles aussi, leur lot de contraintes. Et là, c’est une autre paire de manches !

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