Hajjar El Haïti
26 Mars 2025
À 14:18
Les opérations de contrôle menées par les autorités locales dans plusieurs villes depuis le début du
Ramadan ont mis au jour des
dépôts clandestins où se mêlent
falsifications,
contrebande et
stockage illégal de
produits alimentaires.
Crèmes liquides avariées,
miel frelaté,
chips et
confiseries destinées aux enfants ont été saisis par les autorités, révélant une nouvelle fois l’ampleur des dérives du marché.
Face à ces pratiques frauduleuses, les autorités rappellent l'importance du respect des normes sanitaires et appellent les
commerçants à une vigilance accrue pour éviter la mise en circulation de
produits impropres à la consommation. Cette action s’inscrit dans une dynamique plus large de surveillance des circuits d’approvisionnement, particulièrement cruciale durant le mois sacré, période de forte consommation alimentaire.
Mais pour
Kherrati Bouazza, président de la
Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC), ces descentes ponctuelles ne suffisent pas. «Pourquoi attendre le Ramadan pour agir ? Ces opérations doivent être régulières et s’inscrire dans une logique de prévention plutôt que de simple réaction», insiste-t-il.
Un marché livré à lui-même
Si ces pratiques frauduleuses persistent, c’est aussi en raison d’une absence de véritable régulation du marché. Selon Kherrati Bouazza, la transparence et la traçabilité des produits restent des notions encore trop fragiles au
Maroc. «Notre marché est marqué par une forme de chaos économique, où la concurrence est souvent mal comprise. Oui, la liberté des prix est essentielle, mais elle ne doit pas conduire à l’anarchie», explique-t-il.
Il rappelle que les hausses de prix, souvent perçues comme un phénomène isolé, sont en réalité le résultat d’un système profondément dérégulé. «L’inflation galopante que nous avons connue récemment a mis en difficulté de nombreux ménages. Seule la suspension de
Aïd Al-Adha a permis d’atténuer temporairement cette pression», souligne-t-il.
L’informel, un danger pour le consommateur et l’économie
Derrière ce déséquilibre du marché se cache un autre problème majeur : la prolifération de l’économie informelle. Celle-ci, loin de favoriser la concurrence, alimente un cercle vicieux où fraude et opacité règnent en maîtres. «Contrairement aux idées reçues, l’informel ne fait pas baisser les prix, bien au contraire. Il encourage la spéculation, l’évasion fiscale et la multiplication des hausses déguisées. Car au-delà des augmentations affichées, il faut aussi compter avec des pratiques comme la "
Shrinkflation” (réduction des quantités pour le même prix) et la "
Cheapflation” (détérioration de la qualité des produits)», alerte Kherrati Bouazza.
Et pourtant, malgré ces dérives, peu de consommateurs font appel aux instances de défense de leurs droits. «Beaucoup expriment leur frustration sur les réseaux sociaux, mais rares sont ceux qui nous sollicitent directement, alors que nous disposons de 70 associations réparties sur tout le territoire. Ce manque de recours ne signifie pas que le problème est moindre : au contraire, le nombre d’intoxications alimentaires ne cesse d’augmenter», déplore-t-il.
Vers une nouvelle approche de la défense des consommateurs
Face à ces défis, la
FMDC, qui a célébré lundi dernier la journée mondiale de protection des consommateurs, ne se contente plus de défendre uniquement les consommateurs. Son action s’est élargie à l’ensemble des acteurs du marché, y compris les professionnels, afin de lutter contre ce qu’elle qualifie d’analphabétisme professionnel. «Protéger les droits des consommateurs passe aussi par une meilleure sensibilisation des commerçants et une responsabilisation des entreprises. La défense du consommateur ne peut se faire sans celle d’un marché sain, transparent et régulé», explique son président.