Les militants de l’opposition syrienne expriment souvent leur déception du niveau de soutien reçu de la communauté internationale. Même si la dernière réunion des soi-disant «amis de la Syrie» (un groupe de pays qui se réunit régulièrement pour entretenir des discussions sur la situation de la Syrie hors du Conseil de sécurité des Nations unies) a amené davantage d’aide financière, le degré d’engagement réel de l’extérieur à leur cause reste discutable.
Les États-Unis, l’Union européenne, la Turquie et la plupart des pays arabes conviennent que le régime du président syrien Bashar al-Assad n’a plus aucune légitimité. Ils ont intensifié les sanctions contre son gouvernement et ont fourni différentes sortes d’appuis aux groupes d’opposition. Certains États ont livré des armes automatiques, des munitions et des grenades propulsées par fusée. Par contre, les livraisons d’armes se sont taries et les demandes des rebelles pour des armes antiaériennes demeurent sans réponse.
En outre, ni les pays voisins de la Syrie, ni les États occidentaux ne sont prêts à cautionner une intervention militaire. En réalité, malgré les manifestations de solidarité, ils ont refusé d’établir une zone de protection des civils syriens le long des Etats limitrophes, ou même d’imposer une zone aérienne excluant les aéronefs de l’armée syrienne.
Les groupes d’opposants syriens estiment avoir été laissés à eux-mêmes dans leur confrontation au régime sanguinaire du président Assad. Les mouvements syriens d’opposition doivent cependant se rendre compte que l’absence d’intervention décisive internationale ne résulte pas uniquement du veto de la Russie et de la Chine sur toute intervention significative du Conseil de sécurité, ni du manque de volonté des membres de l’OTAN d’entrer dans un autre conflit dans la région. En fait, la communauté internationale attend que l’opposition désorganisée de la Syrie se transforme en une force cohérente et efficace autant que l’opposition attend de l’aide de la communauté internationale. Ceci implique la création d’une plateforme commune qui représente tous les groupes concernés, notamment les comités de coordination du pays, l’Union des coordinateurs de la révolution syrienne et les conseils militaires de l’armée syrienne libre.
Il est certain que les rebelles ont fait des progrès. Ils ont créé quatre conseils militaires régionaux, ce qui pourrait bien avoir contribué à la consolidation de la direction et à la solidification de leur contrôle sur d’importantes zones du pays, particulièrement à proximité de la frontière turque.
Pourtant, l’opposition syrienne n’a pas encore réussi à se présenter comme un acteur ne parlant que d’une seule voix. Voilà qui est surprenant, car les porte-parole du mouvement et les représentants des partis politiques prenant part aux réunions internationales sont des personnes influentes et respectées.
Le Conseil national syrien (CNS), par exemple, est composé de telles personnes et est parvenu à obtenir une aide substantielle de plusieurs pays. Mais cette coalition n’est pas assez inclusive pour servir de représentant exclusif de l’opposition syrienne. Les tentatives d’élargir le CNS ont échoué en raison des réserves exprimées par certains groupes importants, comme le Forum démocratique, quant à la pertinence de joindre un organisme qui a recours à des bailleurs de fonds étrangers.
Il faut que l’opposition syrienne forme une organisation-cadre acceptée de tous, y compris les dirigeants de facto du secteur civil et des forces militaires rebelles qui se sont portés à l’avant au cours des 18 derniers mois. Ces groupes partagent déjà un objectif commun : abattre le régime d’Assad.
La plupart d’entre eux (à l’exception de quelques groupuscules extrémistes) ont d’ailleurs espoir d’édifier un État syrien pacifique, inclusif et démocratique.
Les personnes influentes de l’opposition – comme Riad Seif, un ancien parlementaire et prisonnier politique, et l’ex-chef du CNS, Burhan Ghalioun – ont proposé des stratégies favorables à la création d’une telle organisation-cadre.
Un «conseil de sages» qui ne cherchent pas à se faire élire dans des fonctions politiques pourrait ainsi superviser la création d’un conseil provisoire qui englobe tous les groupes concernés : les coalitions, les conseils militaires, les milieux d’affaires et les autorités religieuses.
Mais de tels plans n’ont pu se concrétiser, en raison de l’absence d’une culture de coopération. Étant donné que la majorité des Syriens a grandi dans un système profondément autoritaire, même ceux qui luttent pour instaurer un régime démocratique ont peu d’expérience dans l’art de former des coalitions. Sans compter que les candidats dans d’éventuelles élections démocratiques n’ont jamais vraiment été en mesure de jauger leur popularité. Ce qui fait en sorte que beaucoup d’entre eux surestiment leur influence actuelle et sont plus enclins à entrer dans une course au pouvoir qu’à coopérer.
Les chefs d’opposition de la Syrie ne doivent pas balayer leurs différents politiques sous le tapis pour gagner l’appui de la communauté internationale. Ils n’ont qu’à fonder un organe commun que tous les groupes concernés et impliqués peuvent accepter, au même titre que l’opposition libyenne l’a fait lorsqu’elle a mis sur pied son Conseil national de transition.
Ils doivent ensuite établir une autorité légitime au sein de la Syrie qui pourra assurer l’administration des zones libres, la distribution de l’aide et les services aux civils. Il serait plus aisé pour une telle autorité de transition que pour un groupe de rebelles en exil de faire appel à la communauté internationale lorsque le pays aura besoin d’aide.
La révolution syrienne est essentiellement une révolte civile et politique contre une dictature, celle du régime d’Assad qui finira par se faire dissoudre avec le temps. L’opposition doit commencer à jeter les bases d’un ordre nouveau qui reposent sur l’unité et la coopération. Ce seront sinon des groupuscules de partisans armés, soutenus, ou même manipulés par des agents de l’étranger, qui décideront du sort de la Syrie.
Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
Copyright: Project
Syndicate, 2012.
www.project-syndicate.org