Mois de spiritualité et de dévotion, le ramadan est également le mois où l’on passe le plus de temps devant la télévision. Tout le monde ou presque embrasse la religion cathodique et devient pour ainsi dire un véritable accro de la petite lucarne. Les mesures d’audience le démontrent : les gens passent plus de temps devant leurs écrans durant ce mois que pendant les autres mois de l’année.
L’explication en est fort simple. Beaucoup se servent pendant la journée de la télévision comme moyen de divertissement pour que la période du jeûne ne soit pas longue comme un jour sans pain.
En soirée, la télévision est également très regardée. Elle permet d’animer les réunions familiales et de créer une certaine convivialité au sein du foyer. Les soirées se prolongeant jusqu’à des heures tardives, on reste souvent devant son petit écran, entre amis ou en famille.
Partant de ce constat, les chaînes de télé, qu’elles soient nationales ou arabes, ont flairé la bonne affaire. Avoir une large audience permet d’avoir plus de publicité et par conséquent plus de rentrées d’argent. L’enjeu financier est de taille. La manne publicitaire se chiffre en millions de dirhams pour les chaînes nationales et en millions de dollars, voire plus pour les chaînes arabes. On comprend facilement pourquoi elles se livrent une bataille acharnée pour la conquête des téléspectateurs. Leurs armes ? Les séries inédites, les sitcoms et les caméras cachées, mais aussi les productions exclusives et autres émissions de divertissement.
«Le ramadan est un rituel qui se consomme en famille», souligne à juste titre le professeur chercheur en communication Nadia Lamheidi. «La sitcom, la caméra cachée made in Morocco sont désormais le mets par excellence que les responsables de la programmation ont pris pour habitude de servir en prime time pour un taux d’audience optimal» poursuit celle-ci.
C’est pour répondre à cette demande et mieux se positionner par rapport aux concurrents que chaque chaîne élabore une grille de programme alléchante en cette période de l’année. Le but est de séduire le plus grand nombre de téléspectateurs et par ricochet les plus gros annonceurs.
La guerre de l’audimat
Chaque année, les chaînes nationales guettent l’arrivée du mois du ramadan pour dévoiler une grille de programmes adaptée. Sitcoms, caméra cachée, émissions spéciales… la concurrence bat son plein entre les trois chaînes nationales. Le but est de conquérir la plus grande part d’audience.
En 2011, c’est 2M qui est arrivée en tête avec plus de 14,8 millions de téléspectateurs par jour, selon les données de Marocmétrie. Elle a été talonnée par Al Oula, qui a pu sauver la face grâce à certains programmes, notamment les sitcoms. Cette année encore, la machine marketing est déployée et chacune des chaînes annonce ses nouveaux opus. Nouveaux concepts, suite de séries à succès, nouveaux feuilletons… la bataille s’annonce rude !
«Pendant le mois du ramadan, les chaînes nationales réalisent des scores d’audience plus importants que ceux du reste de l’année. Cela crée un véritable engouement chez les annonceurs pour cette période, afin de promouvoir leurs marques et leurs produits», précise Majid El Ghazouani, président de l’Union des agences-conseils en communication (UACC).
Al Oula, la proximité à travers les productions nationales
La première chaîne table cette année encore sur les productions nationales, pour plus de proximité avec son public. Son offre s’inscrit ainsi dans la continuité de ce qui a déjà été présenté l’année passée, avec tout de même quelques nouveautés pour se démarquer. C’est le cas d’«El Hayani», une série de quatre téléfilms retraçant le parcours de l’artiste marocain Mohamed El Hayani, depuis ses débuts au conservatoire de musique de Casablanca jusqu’à ses premiers enregistrements dans les studios de la RTM. En matière de sitcoms, Mohamed El Jem récidive avec «Machaf mara», interprétant un riche quinquagénaire exécutant la dernière volonté de sa mère : se marier. L’intégration avec les différents membres de la belle famille ne se passe pas sans diverses bourdes. Par ailleurs, le théâtre marocain sera également à l’honneur durant ce mois, avec la diffusion chaque samedi d’une pièce de théâtre. La chaîne étoffera également sa grille par un feuilleton religieux sur la vie d’Al Hassan et Al Hossein, les petits fils du Prophète ainsi que par des téléfilms turcs pour faire plaisir aux nombreux fans de ces productions.
Médi1 TV, solidarité et convivialité
Puisque le ramadan est le mois du partage et de la solidarité, Médi1 TV a inscrit ces thématiques dans sa grille de programmes. Parmi les émissions concoctées, figure «Dar design», émission d’art de vivre et de décoration consacrée à la rénovation de locaux d’associations de protection de l’enfance. Elle propose aussi «Hyathoum», est une série de documentaires sociétaux relatant les joies et les peines d’une communauté.
Côté religion, des documentaires et des talk-shows vont aborder l’histoire de la civilisation arabe. Le divertissement est aussi en bonne position. On pourra par exemple voir «Daret lyam», première série TV produite par la chaîne avec un casting marocain. Le cinéma égyptien sera aussi à l’honneur durant tout ce mois sacré, avec la programmation de plusieurs classiques.
Dans un autre registre, Médi1 TV lance la première téléréalité culinaire marocaine avec «Chnou flgamila». Il s’agit de la version marocaine d’un dîner presque parfait. Neuf candidats qui ne se connaissent pas vont essayer, avec leur famille, de décrocher le titre de meilleur hôte en s’invitant à dîner à tour de rôle. Les autres programmes de Médi1 TV s’adaptent aussi au ramadan, notamment le talk-show «Msalkhir». Par rapport à la conception,
«il nous a fallu plus d’une année d’étude du marché pour concevoir cette grille adaptée aux attentes du téléspectateur marocain», souligne un responsable de Médi1 TV. Mieux encore, la chaîne s’est employée «à ramener à son public ce qu’il risque d’aller aller voir sur les autres chaînes satellitaires arabes».