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«Ma vision est d’inscrire la Chambre de commerce dans une démarche de co-construction basée sur la concertation»

● La Chambre de commerce de Rabat vient de renouveler les membres de son bureau. Aujourd’hui, c’est Larbi Aït Slimane qui se trouve à la tête de cet établissement.
● Grâce à ses 20 ans d’affiliation à la Chambre, le nouveau président en connaît bien les dossiers chauds. Au cours de cet entretien, il lève le voile sur l’état des lieux ainsi que sur les actions à entreprendre.

«Ma vision est d’inscrire la Chambre de commerce dans une démarche de co-construction basée sur la concertation»
Larbi Aït Slimane, président de la Chambre de commerce

Le Matin : Vous venez d’être élu président de la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Rabat. Comment avez-vous trouvé la maison ?
Larbi Aït Slimane : J’appartenais à la Chambre de commerce bien avant mon élection. J’en suis membre depuis plus de 20 ans. Donc, je connais très bien la situation. La Chambre de commerce de Rabat vit en stagnation. Et cela ne date pas d’aujourd’hui. Elle se trouve fort éloignée du contexte économique de la région et même de ses adhérents. Alors que ceux-ci doivent être au centre de ses préoccupations. Il existe aussi une certaine inertie en matière de suivi des dossiers et de règlement des problèmes où patauge la Chambre. À cela s’ajoute l’anarchie aussi bien pour le commerce, l’industrie que pour les services. Aujourd’hui, la Chambre est appelée à se remettre sur les rails en levant le voile sur ses dysfonctionnements et à en parler avec les responsables gouvernementaux et l’ensemble des partenaires. Certes, les Chambres de commerce disposent de prérogatives limitées ne leur permettant pas d’intervenir dans tous les domaines. Elles ont, essentiellement une mission consultative. Mais il est de notre devoir de prendre des initiatives afin de braquer la lumière sur les problèmes et de présenter des propositions pour y remédier. Autrement dit, nous devrons être le trait d’union entre les pouvoirs publics et les adhérents. Jusqu’à maintenant, les Chambres n’ont jamais procédé de telle sorte. Chose qui explique l’absence de toute synergie entre ces entités représentatives des professionnels et les politiques publiques.

Quid de la situation financière de la Chambre ?
La Chambre de Rabat souffre de l’insuffisance des ressources financières et des compétences humaines qualifiées. Son budget dérisoire ne lui permet pas de recruter les cadres supérieurs nécessaires pour assurer une gestion optimale, à l’instar des grandes entreprises. Les cadres travaillant aujourd’hui au sein de la Chambre luttent quotidiennement, avec le peu de moyens dont ils disposent, pour mener à bien leurs missions, et ce, moyennant un salaire très modeste. Sur ce registre, il est à indiquer qu’il incombe à la Chambre d’effectuer des études, des recherches ainsi que d’accompagner les entreprises et les jeunes porteurs de projets. Des missions qui requièrent des compétences humaines hautement qualifiées. Ainsi, le manque de ressources financières et humaines entrave le travail quotidien de la Chambre.
Quand on se compare à l’international, on constate qu’ailleurs les Chambres de commerce, de l’industrie et des services occupent une place de choix. Elles gèrent de grands établissements. Elles sont de véritables vecteurs de la promotion économique. En plus, les Chambres restent les principaux porte-parole des professionnels auprès du gouvernement. Alors qu’ici, les nôtres de Chambres ont un rôle marginalisé dû, en particulier, à une réglementation datant de 1977, en déphasage avec le contexte économique du pays.

Quelle lecture faites-vous de la situation économique de la région de Rabat ?
Concernant l’industrie, nous avions trois quartiers industriels à Rabat, Salé et Témara. À Hay Rahma-Salé, presque toutes les usines ont mis la clé sous le paillasson. Il n’en reste que trois ou quatre. Ce quartier industriel employait plus de 22 000 personnes. Aujourd’hui, on n’en dénombre que 4 000. Les entrepreneurs se sont trouvés face à la compétition féroce des entreprises asiatiques, surtout dans le domaine du textile. À cela s’ajoutent le coût assez élevé de la production, les charges fiscales et sociales. Sans oublier le recul des exportations et la prolifération du commerce informel, qui échappe à toute législation. Idem pour le quartier industriel de Rabat et celui de Témara.
Le commerce structuré, l’une des particularités de Rabat et de Salé, est aussi menacé de disparition. Et pour cause, l’informel qui ne cesse de se propager. Aujourd’hui, même les étrangers occupent les places publiques pour étaler leurs produits. Une anarchie qui menace sérieusement les entreprises réglementées créant de la richesse et de l’emploi. Il va falloir réfléchir à une solution radicale à ce fléau. Les services ne sont pas en reste. Nous restons affrontés à l’épineuse question du transport urbain. Les dysfonctionnements, dans lesquels plonge le secteur, limitent la mobilité de la population. Chose qui se répercute sur les activités commerciales et industrielles. Le secteur des petits taxis connaît également un désordre, surtout avec les manquements à l’éthique du métier. Idem pour le tourisme qui est en repli.

Quelle est votre stratégie pour mettre à niveau la situation ?
De prime abord, la réglementation des trois secteurs est plus que jamais nécessaire. À l’heure actuelle, il est hors de question d’accepter certains phénomènes qui nuisent à l’image de la ville, tels que la saleté dans la ville, le manque de transport et la médiocrité des services touristiques. Il faut remédier à tout cela pour mieux commercialiser l’image de Rabat auprès des investisseurs étrangers et des touristes, ainsi que pour mieux répondre aux aspirations des consommateurs. Pour le commerce informel, il est indispensable de le contrecarrer et de l’intégrer dans le formel. Pour l’intégration, elle concernera les commerçants informels qui «méritent» d’être insérés dans les marchés. Et les intrus devraient être chassés. Il est insensé de trouver des fonctionnaires qui descendent vendre dans la rue après leur travail. Je recommande l’élaboration d’une recherche sociologique pour évaluer la situation des commerçants informels afin de les intégrer. D’une manière générale, ma vision est d’inscrire la Chambre dans une démarche de co-construction basée sur une approche participative et de concertation avec les pouvoirs publics et les autorités locales. Aussi, la Chambre compte dévoiler et exposer toutes les problématiques aux responsables. À mon sens, il faut qu’il y ait une synergie entre la Chambre et l’ensemble des partenaires pour la promotion économique de la région.

Rabat a-t-elle su tirer profit de toutes les opportunités pour réaliser une promotion économique ?
Non, Rabat n’a pas saisi toutes les opportunités pour sa promotion économique. Et pour cause : l’absence d’une vision commune qui rassemble les trois préfectures Rabat, Salé et Témara. Mis à part le grand projet de l’aménagement de la vallée du Bouregreg, chacune des trois préfectures travaille de son côté. L’absence d’une vision commune de développement n’a fait que favoriser les disparités. Ainsi, la Chambre devra jouer un rôle dans ce sens et le gouvernement est tenu de lui faciliter la tâche. Également, la Chambre devrait intervenir au niveau des plans d’aménagement de la ville, notamment en ce qui concerne le commerce urbanistique. À l’avenir, la Chambre ambitionne d’organiser des journées commerciales. Une occasion pour les commerçants de faire fructifier leur commerce. Outre ces journées, nous prévoyons l’organisation d’un Festival international du shopping à Rabat.

Pour le moment, quelles sont vos priorités ?
La priorité absolue concerne la restructuration de l’administration de la Chambre. Aujourd’hui, il faut en finir avec la bureaucratie. L’administration est appelée à travailler selon de nouveaux modes, plus modernes, et à aller sur le terrain.
Pour ce faire, nous allons nous focaliser sur la qualification du capital humain. La formation est notre cheval de bataille. Nous comptons mettre en place, début 2013, une école de formation, en partenariat avec le ministère du Commerce, au sein de la Chambre. Elle sera destinée à la formation des cadres ainsi qu’à rehausser le niveau intellectuel des petits commerçants, reconquérir la confiance des affiliés pour qu’ils retournent à la Chambre est l’une des priorités. L’idée est de faire de la Chambre, un espace d’accueil ainsi que de renforcer la notion de compétitivité chez le commerçant et de moderniser son comportement et sa manière d’agir.
L’autre volet est de récupérer le siège de la Chambre, occupé depuis des années par le ministère de la Culture sans qu’il en ait le droit. Lors de la dernière assemblée générale, l’ensemble des membres était unanime quant à la nécessité de récupérer les lieux pour que la Chambre en bénéficie ou au moins d’être en situation légale avec le ministère. Il est inacceptable que le ministère continue d’occuper notre propriété sans aucune contrepartie.

Quelle est votre vision quant aux partenariats internationaux ?
La Chambre est liée par des conventions avec d’autres Chambres étrangères. Nous comptons nous inscrire dans la continuité de ces partenariats, mais avec une nouvelle logique. Nous voulons rationaliser les partenariats et les lier au rendement. L’objectif est de construire des partenariats sur des intérêts mutuels. Également à l’ordre du jour de la Chambre, la conquête du marché africain, qui offre de vastes perspectives.

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