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Saïd Taghmaoui, de la pyramide d'Or à Canal+

Saïd Taghmaoui va de succès en triomphe. A peine récompensé par «L'Oscar» égyptien, cette pyramide d'or que lui a remise Omar Sharif, l'acteur franco-marocain vient de se voir confier par Canal+ une émission sur le cinéma. L'année 2006 s'entame apparemmen

Saïd Taghmaoui, de la pyramide d'Or à Canal+
Elle incarne aussi le parcours à la fois atypique et universaliste de Saïd Taghmaoui, figure emblématique d'un cinéma aux accointances cosmopolites. «Cinémas du monde», ainsi s'intitule-t-elle.

Elle sera diffusée sur Canal + cinéma deux fois par mois, ouvrira comme on peut l'imaginer les portes de ce sanctum santorium qu'est la grande chaîne aux créations de tous les pays. La grande chaîne, liée aux Majors du septième art, promoteur si l'on peut dire du grand cinéma, pourrait-elle se targuer d'un aussi grand artiste, qu'elle ne trouverait certainement pas mieux que Saïd Taghmaoui !
Il incarne à lui seul tout un monde, un univers où s'entrecroisent les destins, des hommes comme des peuples, s'entremêlent la passion créative avec l'exigence d'une conscience universaliste où tolérance, acceptation de l'Autre, combat contre les préjugés et parfois contre soi-même ne font qu'un.

Le succès, Saïd Taghmaoui en est d'autant plus familier et peu enclin à s'en prévaloir qu'il n'a guère de frontières. Car son œuvre cinématographique est devenue le symbole de l'humanité, véritable miroir où se reconnaissent les millions de femmes et d'hommes, s'aiguisent les consciences déchirées dans un monde qui, plus il donne l'impression de s'ouvrir, moins il s'entrouvre, plus il s'exhibe moins il se montre dans ses soubassements. Le génie de Saïd Taghmaoui est d'avoir brisé un carcan, de nous avoir fait accéder dans cette sphère du possible si inaccessible jusqu'ici, capitonnée, enclose aussi.

Celle du cinéma où il violenté les codes du cercle fermé. Il n'est que de voir – ou revoir pour ceux qui le connaissent – son impressionnante filmographie pour mesurer à quel point il incarne notre conscience.

Entre 1994 et 2005, c'est-à-dire entre vingt-et-un an et trente deux ans, il est au cœur de quelque 32 films, jouant les rôles les plus diversifiés, investissant un art où l'ubiquité transcendantale est à la mesure du génie cosmopolite qu'il est, passant d'un champ d'action à l'autre, traversant les langues et les cultures, enjambant les territoires, de Paris à Los Angeles , de Milan à Sidi Bennour, tantôt héros tragique, tantôt dans le rôle de sicaire, enfin farfadet parfois, nous donnant la dimension consubstantielle de l'Homme avec sa condition, ce héros déchiré de notre époque.

Que l'acteur accompli devenu producteur ait accepté d'animer en prime time une émission de grande écoute sur Canal+, ne signifie pas chez lui une quête de gloire supplémentaire. Il n'en a cure, tant il est vrai que le public de tous les âges en a fait son modèle, s'y identifie avec allégresse et lui voue plus que l'admiration.

Saïd Taghmaoui est un artiste, certes, mais c'est aussi le cinématographe qui prend son métier – disons sa vocation – d'autant plus à cœur qu'il ne ménage pas ses efforts pour partager «ses émotions» avec le public cinéphile et , dira-t-on, en faire le complice des bonheurs et des enchantements.

Est-ce à dire qu'il incarne une continuité du grand cinéma, celui des grands moments, véritable traversée dans une fresque patrimoniale ! Au Caire, il vient d'obtenir le trophée le plus significatif, La Pyramide d'Or, remise, rien que cela !, par les mains d'une autre grande figure, Omar Sharif.

Autant dire, en effet, que après les Césars, Cannes, Venise, Los Angeles, Marrakech, c'est la plus grande consécration à laquelle un acteur puisse prétendre et rêver, parce qu'elle boucle un parcours universaliste. En lui remettant la distinction, Omar Sharif, vétéran du cinéma s'il en est, baroudeur des émotions et en son temps conquérant de la forteresse occidentale, a affirmé devant un public ébaudi à l'adresse de Saïd Taghmaoui : «Vous êtes mon héritier, mon successeur…» ! L'hommage ne vient pas d'un personnage interlope ou d'un freluquet.

Mais de celui qui, la rage de convaincre chevillée au corps, avait impressionné plus d'un dans Lawrence d'Arabie ou, mieux encore, merveilleuse adaptation du livre de Boris Pasternak, dans «Le Docteur Jivago» de David Lean, inépuisable, inoxydable par sa puissance et son émotion.

Quand bien même Omar Sharif, l'usure du temps aidant, incarnerait à présent ce merveilleux sybarite, son témoignage à l'égard de Saïd Taghmaoui a valeur de testament. Parce que ce dernier est désormais au cinéma ce que la conscience est à l'univers de l'art et de la connaissance, une lumière solaire.
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