Le tabagisme tue près de 6 millions de personnes par an dans le monde (source OMS). Au Maroc, la fondation Lalla Selma, prévention et traitement des cancers, estime la prévalence du tabagisme à 18% chez les Marocains âgés de 15 ans et plus, avec près de 41% de la population exposée au tabagisme passif. Le Maroc est considéré comme l'un des plus grands consommateurs de tabac dans la zone méditerranéenne avec plus de 15 milliards de cigarettes par an, selon la même source. Au niveau national, nous n'avons aucune statistique quant au nombre exact de décès liés au tabac. Néanmoins, dans un pays comme le nôtre où 31,5% des hommes et 3,3% des femmes fument, le cancer du poumon fait des ravages. À titre d’exemple, 90% des cancers du poumon sont dus au tabac. Le tabac serait également responsable de 25% des insuffisances coronaires, dont l’infarctus. Une situation qui a permis de relancer le débat autour de la cigarette électronique en tant que moyen de substitution. Le tabacologue, et rédacteur en chef du site e-santé.fr, Philippe Presles, ainsi que Rémi Parola, coordinateur de l’association française (FIVAPE) et Mohamed Lahrichi, président de l’AMIVAPE ont donc débattu autour de ce sujet, mercredi dernier. Alors que le ministère de la Santé «déconseille l’usage de la cigarette électronique et de manière générale le tabagisme, quels que soient la nature ou les produits utilisés, dont les composants sont la première source de maladies cardiovasculaires et de plusieurs cancers incurables chez les hommes et les femmes», pour les différents participants, ce tube de plastique diffusant de la vapeur serait un véritable moyen de diminuer, voire d'arrêter complètement la consommation du tabac. Mais la e-clope, est-elle vraiment sans risque ? Les avis sont partagés.
D’un côté le ministère rappelait en mai dernier que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n'avait jamais considéré les cigarettes électroniques comme moyen d'aide au sevrage tabagique, et que ce même organisme ne disposait pas de preuves scientifiques permettant de confirmer l'innocuité et l'efficacité du produit. De l’autre, le Dr Philippe Presles estime que tout ce qui peut permettre d'éloigner les gens du tabac est bon à prendre. Pour lui, c'est «l'outil qui a le potentiel de sauver le plus de vie dans le monde». Il permet de lutter contre les conséquences très néfastes du tabac : cancer des poumons, de la gorge, AVC, infarctus… Philippe Presles a même avancé à cette occasion que 73% des fumeurs qui tentent de se sevrer y parviennent grâce à la e-cigarette. Voilà donc une information qui pourrait redorer le blason de la e-cigarette. Par ailleurs le tabacologue a dressé la liste des effets positifs de la cigarette électronique parmi lesquels nous citerons un «retour à une hygiène de vie normale et à des habitudes plus saines». Cependant, il est vrai que la cigarette électronique souffre actuellement de mauvaise publicité. Une situation jugée incompréhensible pour Mohamed Lahrichi qui trouve regrettable que l’on puisse faire «rater à des malades une chance de guérir et d’éviter une mort certaine».
Sans goudron, monoxyde de carbone, ni particules fines, et avec des taux de nitrosamines similaires à certains substituts nicotiniques, la cigarette électronique offrirait pourtant une chance aux fumeurs marocains de réduire les risques liés à leur tabagisme. D’autant plus que plus tôt on arrête le tabac, mieux l’on se porte. En effet, selon certaines statistiques, un homme qui arrête le tabac à 40 ans gagne 10 ans de vie. Toutefois, cela diminue avec l’âge. Ainsi, à 50 ans, on gagnerait 5 ans et à peine 1 an dès 60 ans. Selon Mohamed Lhrichi, il y aurait au Maroc, plus ou moins, 50.000 vapoteurs. Mais au final, pourquoi la cigarette électronique séduit-elle tant, alors que ses propriétés ne sont pas reconnues ? Il faut dire qu’elle a en apparence tout pour plaire. Elle a presque tout d’une cigarette. Une diode à l’une de ses extrémités simule la combustion et de la vapeur est aspirée de l’autre côté par l’utilisateur. À l’intérieur, pas de tabac. Quand le fumeur aspire, un capteur déclenche une résistance (l’atomiseur) qui vaporise une solution aromatisée contenue dans une cartouche. Le tout est alimenté par une batterie plus ou moins grande selon le modèle de cigarette, ce qui fait varier la quantité de vapeur produite. Inventée au début des années 2000 en Asie, la cigarette électronique a vite séduit les fumeurs, car elle ne produit que de la vapeur et peut donc être utilisée en intérieur. Elle est présentée comme un substitut moins cher que la cigarette. Les différentes marques n’oublient pas non plus le côté ludique proposant une gamme de parfum allant du tabac le plus classique, au chocolat en passant par le café, la cerise ou encore le coca-cola. Ceci dit, les effets indésirables sont encore mal évalués. En clair, il est entendu que «fumer tue», mais la cigarette électronique serait quand même préférable aux cigarettes classiques. Ne rien inhaler restant évidemment la meilleure option !
Questions à Mohamed Lahrichi,président de l’AMIVAPE
«La cigarette électronique n’est ni un médicament, ni un produit de tabac»
Que contient réellement la cigarette électronique ?
Le liquide d’une cigarette électronique est composé de nicotine, d’eau, de glycérine végétale et de propylène glycol. Le glycérol est utilisé comme additif alimentaire (E422) et comme additif dans des médicaments, des dentifrices, le tabac à mâcher ou à chiquer... Le glycérol est souvent utilisé dans les cigarettes électroniques, soit seul, soit en mélange avec 50 à 80% de propylène glycol. Il permet de produire une vapeur et de renforcer les arômes, à l'instar du propylène glycol. Le propylène glycol est un solvant se présentant sous la forme d'un liquide incolore et pratiquement inodore, visqueux, avec une légère saveur sucrée. Il est autorisé comme additif alimentaire par la Food and Drug Administration américaine (FDA) et est également utilisé dans le domaine du cosmétique et des médicaments (utilisé comme excipient dans les sirops, pommades, nébuliseurs...). .
Quels risques ont ces substances pour la santé ?
Le propylène glycol n'a montré aucune toxicité aiguë ou chronique lorsqu'il est ingéré. Les seuls effets rapportés chez l'animal sont des effets irritants sur la muqueuse oculaire ou nasale. À noter cependant qu’il n’y pas de données sur la toxicité à long terme du PG aux doses et à la fréquence d’utilisation observées chez les vapoteurs. Considérée par la Communauté européenne comme une substance non dangereuse pour la santé (directive 67/548/CEE), la glycérine est juste irritante pour les yeux et les voies respiratoires. En effet, la glycérine déshydratée produit de l'acroléine, un puissant irritant. Mais il faudrait une température de 275 °C pour que cette réaction ait lieu (60 °C pour la cigarette électronique).
Ne devrait-on pas exiger une prescription du médecin traitant pour pouvoir se l'acheter ?
La cigarette électronique n’est ni un médicament, ni un produit du tabac. Le 8 octobre dernier, l’Union européenne a d’ailleurs tranché sur la question : la vapoteuse ne sera pas considérée comme un médicament. Pour ce qui est de l’effet de mode, oui la e-cigarette a complètement ringardisé le tabac. Au sein de l’AMIVAPE, nous avons créé un label Vaposure qui non seulement est un gage de qualité, mais aussi un code éthique et déontologique dans lequel, entres autres, nous nous interdisons la vente aux mineurs de moins de 18 ans.
Que pensez-vous de la note ministérielle qui déconseille la e-cigarette ?
Je pense que notre ministère a suivi une vieille note de l’OMS. Ceci dit, ce même organisme a depuis multiplié les études positives sur la cigarette électronique. L’Organisation mondiale de la santé vient d’ailleurs de publier un communiqué dans lequel elle affirme vouloir réviser son jugement, d’ici la fin de l’année, vis-à-vis de la cigarette électronique, admettant qu’il n’y a pas de combustion, un phénomène responsable de la création de milliers de produits toxiques et cancérigènes qui sont dans le tabac. Ceci dit plusieurs ministères de la Santé de pays industrialisés n’ont pas attendu l’OMS pour se forger une opinion.