Le Matin : Comment allez-vous procéder, en premier lieu, pour la mise à niveau de ces quatorze musées placés sous la tutelle de la Fondation nationale des musées ?
Mehdi Qotbi : Nous sommes en train de définir une politique muséale et un plan de rénovation pour chacun des musées. Chaque cas est différent de l’autre. Nous devons, donc, nous pencher sur chacun d’entre eux en détail. Après, il faudra se lancer dans la recherche de fonds auprès de mécènes marocains et étrangers, et auprès d’organismes internationaux. J’ai d’ailleurs commencé à œuvrer dans ce sens.
Avez-vous les moyens financiers, logistiques et humains pour commencer à réaliser ce projet de grande envergure ?
Depuis le début, nous sommes conscients que nous allons devoir miser sur des partenariats avec des organismes privés pour pouvoir mener à bien cette mission. Vous savez, l’État ne peut pas tout faire. Sur le plan des ressources humaines, qui vont contribuer à la modernisation des musées, nous avons signé plusieurs conventions avec des organismes internationaux, comme le Musée du Louvre par exemple, où la formation tient une place importante.
Avez-vous une idée du temps que cela va prendre pour que cette nouvelle structure puisse donner ses fruits ?
Il s’agit d’une mission complexe, qui va nécessiter du temps. Nous sommes, actuellement, en train de travailler sur une stratégie pour l’horizon 2025. Nous devons trouver les fonds nécessaires pour rénover les musées et en faire des lieux accueillants, à l’image du Maroc et des Marocains. Un travail de longue haleine. Cela va également prendre du temps pour que les Musées fassent partie du quotidien des Marocains. Mais je suis confiant, je suis persuadé que le changement viendra de la jeune génération. À l’avenir, ce sont les enfants qui demanderont aux parents de les emmener dans les musées.
Pourquoi le choix de ces quatorze musées et pas les autres ?
D’abord, ce sont des musées qui existent déjà et sont sous la responsabilité du ministère de la Culture. Puis, il faut dire qu’ils sont les seuls musées étatiques. Les autres sont des espaces privés. Et là, je profite pour vous dire que j’ai eu des instructions claires de S.M. le Roi pour pouvoir faire un cadre rigoureux pour que le nom ou le label Musée ne puisse pas être utilisé n’importe comment. Il doit respecter certains critères et répondre à des règles précises. Nous sommes en train d’étudier certains exemples de musées européens très réputés pour les adapter à notre culture et notre civilisation. Nos musées sont dans un état, si je puisse dire, honteux. Mais, ce n’est ni la faute des conservateurs ni des directeurs des musées. Ces derniers n’ont jamais eu les moyens pour que ces lieux puissent être accueillants et puissent participer à la démocratisation de la culture.
Qu’en est-il des musées privés dans le statut de cette nouvelle structure étatique ? Quelle sera votre relation avec ces musées sur le plan juridique et sur le plan du suivi ?
Actuellement, comme vous devez le savoir, l’appellation «musée» n’est soumise à aucune réglementation. Mais cela va bientôt changer. Nous allons bientôt commencer à travailler sur un texte de loi qui va combler ce vide juridique. À l’avenir, aucun musée ne pourra voir le jour au Maroc s’il ne remplit pas une série de critères très précis. Et nous ferons un suivi régulier pour vérifier que c’est toujours le cas.
Comment concevez-vous, dorénavant, votre collaboration avec le ministère de la Culture ?
La Fondation est un acteur complémentaire du ministère de la Culture. C’est pour cela que nous allons souvent être amenés à collaborer, sur différents dossiers. Et je suis certain que les choses vont bien se passer, comme cela a déjà été le cas pour la passation des musées. Comme nous allons, également, travailler en étroite collaboration avec le ministère de l’Éducation nationale pour que la culture muséale puisse prendre naissance dès l’enfance dans les établissements scolaires où ces jeunes enfants seront notre cible essentielle.
Est-il possible d’acquérir certaines collections de notre patrimoine qui se trouvent en dehors du Maroc ou chez
certains collectionneurs marocains et comment allez-vous procéder pour ce faire ?
Pour le moment, cette question ne se pose pas. Il faut d’abord avoir les musées, ensuite se posera la question du rapatriement des collections. Puis, nous devons nous-mêmes nous doter avec l’appui de l’État et du privé d’autres collections. L’initiative privée est importante dans ce cas et nous sera d’une grande utilité.
S’agissant de l'exposition «Splendeurs de Volubilis, Bronzes antiques du Maroc et de Méditerranée», au Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) de Marseille, la qualifieriez-vous de première dans les annales de nos musées ?
Oui, effectivement. La majorité des bronzes de l’époque romaine qui ont été exposés, et qui viennent du Musée archéologique de Rabat, n’avaient jamais quitté le Maroc ! Des dizaines de milliers de visiteurs de toute l’Europe visitent le MuCEM chaque année, c’est donc une excellente vitrine pour la culture et le patrimoine marocain. Le Mucem a fait un travail exceptionnel, en mettant en place une scénographie de très grande qualité. Cette exposition est également la première grande manifestation culturelle coproduite par la Fondation depuis sa création en 2011.
Qu’en est-il de l’événement «Un automne marocain à Paris» ?
Paris consacre une grande célébration au Maroc. À partir d’octobre, le Musée du Louvre va accueillir une exposition exceptionnelle intitulée «Le Maroc médiéval, un empire de l’Afrique à l’Espagne». Dans ce cadre, plusieurs objets historiques marocains ont été rénovés pour la toute première fois par des équipes du Louvre. L’Institut du monde arabe, quant à lui, va consacrer au Maroc une exposition intitulée «Le Maroc aux mille couleurs», qui permettra au public de découvrir l’art contemporain de notre pays. Depuis la nomination de Bahija Simou, comme commissaire générale, elle a pu mener avec son équipe un travail extraordinaire en collaboration avec Yannick Lintz, commissaire général de l’exposition (partie française), pour concrétiser ce projet qui est pour moi un événement national. Car il va montrer notre culture millénaire et permettra d’envoyer un message de paix, de tolérance et d’un Islam éclairé donné par le Maroc.
Pour le Musée de l’art contemporain, sur quel critère vous basez-vous pour l’acquisition des œuvres plastiques ?
En premier lieu, nous allons commencer par la création d’une Commission d’acquisition et de validation d’œuvres, qui sera formée de membres spécialisés en la matière. Jusqu’à aujourd’hui, la Fondation n’a acquis aucune œuvre. Tout ce qu’on raconte à ce sujet est complètement faux.
Avez-vous un rêve particulier à vouloir concrétiser pour nos musées nationaux ?
Mon rêve est qu’à l’avenir, chaque ville marocaine puisse abriter au moins un musée. Nous avons un patrimoine et une histoire très riche, et c’est vraiment dommage que cet héritage ne soit pas mis en valeur. Cela permettra de démocratiser la culture, et de la faire entrer dans le quotidien de tous les Marocains, quelle que soit leur ville d’origine. Sachant que la culture est indissociable du développement économique, touristique et social.